![L'Irak après la guerre par Ted Rall : Comment sauver l'Irak du naufrage](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/07/15983_1;1920x768.jpg)
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L’Irak après la guerre par Ted Rall : Comment sauver l’Irak du naufrage
En contemplant le foutoir immense dans lequel ses concitoyens sont allés se fourrer en Irak, l’auteur d’une percutante Grandes Gueules parue dans une de nos parutions précédentes propose au moins de sauver les meubles pour le peuple irakien.
Ted Rall
Photo : Benoît Aquin
L’invasion de l’Irak a profondément divisé les Américains. Elle nous a aliéné des alliés de longue date. Elle fournit déjà des arguments explosifs aux organisations terroristes islamistes qui vont faciliter le recrutement de jeunes hommes et femmes disposés à se faire sauter à l’explosif simplement pour emporter quelques-uns d’entre nous avec eux chez Allah.
C’est une situation sinistre, mais peut-être n’est-il pas trop tard pour minimiser les dommages créés par cette guerre irréfléchie et illégale maintenant que nous sommes enfoncés dedans.
Un an et demi après avoir envahi l’Afghanistan, les USA sont sur le point de prendre le contrôle d’un autre élément stratégique de l’économie arabe divisée par des conflits tribaux et ethniques complexes.
"Nous vous fournirons la nourriture et les médicaments dont vous avez besoin, a promis G. W. Bush aux Irakiens. Nous détruirons les instruments de la terreur et vous aiderons à reconstruire un pays nouveau prospère et libre. Le jour de votre libération approche…"
Il n’y a guère que quelques républicains d’extrême droite pour croire réellement que G. W. Bush s’est soudainement découvert l’envie de libérer les peuples opprimés de la terre. Les Américains qui sont contre cette guerre, la plupart des dirigeants mondiaux et la majorité de la population mondiale continuent de croire que cette guerre est motivée par le désir de s’approprier directement ou indirectement les vastes réserves de pétrole irakien.
La perception de l’Amérique est encore plus défavorable dans le monde arabe, qui remarque que les seuls membres de l’Axe de la terreur envahis par les USA sont des pays musulmans et que l’on songe déjà à Washington au sort de la Syrie et de l’Iran… Les Arabes en concluent que Bush – qui se décrit lui-même comme un chrétien fondamentaliste repenti – mène une croisade du XXIe siècle contre l’islam.
Seulement 6 % des habitants de l’Égypte entretiennent une opinion quelque peu favorable de l’Amérique. Un tel chiffre, dans un pays où les religieux et les professeurs en études coraniques enseignent que lorsque l’ennemi marche sur le sol musulman le djihad devient le devoir de tous, donne froid dans le dos. Surtout lorsque l’on écoute les discours farcis de prières et de références à l’Ancien Testament que tient publiquement le président des USA depuis le début de cette guerre.
Néanmoins, l’image de l’Amérique à l’étranger pourrait considérablement s’améliorer si l’administration actuelle adoptait les étapes suivantes pour faire de cette guerre une véritable tentative de libération.
Promettre de ne pas détourner le pétrole
Les USA envisagent déjà d’imposer la rupture de tous les contrats d’exploitation liant TotalFinaElf et Lukoil en représailles pour le défaut de la France et de la Russie de ratifier une dernière résolution à l’ONU.
Haliburton & Cie de Houston, firme jadis dirigée par le vice-président Cheney, a déjà signé un contrat de 4 milliards de dollars américains pour remettre en état les raffineries irakiennes rendues désuètes depuis les sanctions économiques. Bush envisage déjà de pomper 40 milliards de dollars du programme pétrole-nourriture pour financer la reconstruction d’après-guerre.
Il faudrait au contraire honorer les contrats existants, particulièrement avec des entreprises venant de pays qui n’ont pas supporté la guerre et, plus important pour un dirigeant dont la majorité des conseillers personnels viennent du milieu pétrolier, éviter les tractations sous la table et les accords de complaisance entre amis. La population de l’Irak devrait recevoir la majorité des profits des ventes de pétrole sous la forme de paiements directs.
Garantir l’intégrité du territoire irakien
Les intentions turques d’occuper une partie du territoire irakien afin de prévenir le terrorisme doivent être freinées. Le monde arabe pourra blâmer une fois de plus les USA si l’Irak se désintègre, que ce soit sous la pression des Kurdes, des Turcs ou des Iraniens… Les USA n’auront d’autre choix que d’expulser ces envahisseurs par la force si nécessaire. Mais on imagine les conséquences…
Laisser les Irakiens choisir leur propre gouvernement
Après des décennies de dictature, l’Irak a besoin d’élire de toute urgence au scrutin populaire un président légitime et non une marionnette. Rien ne pourra valoir aux USA plus de respect que d’organiser rapidement des élections démocratiques auxquelles pourront participer tous les partis et même le Ba’ath de Saddam…
Reconstruire réellement l’Irak
Peu d’Américains savent à quel point les USA ont bâclé l’occupation de l’Afghanistan. Le pays, depuis la chute des talibans, est retourné à une époque de despotisme tribal délirant. Les gangs de pilleurs et de violeurs contrôlent la nuit; aucune maison, aucun bureau n’a été reconstruit avec l’aide américaine ou même internationale, pas même à Kaboul, lieu de résidence du gouvernement central.
Cela, les pays arabes le savent et c’est pourquoi ils doutent que les USA investissent les ressources nécessaires à un redressement économique qui devrait, selon les estimations, durer 10 ans…
Foutre le camp
Quiconque veut se présenter en libérateur et avocat de la démocratie comprendra que le jour où un leader démocratiquement élu siégera en Irak, à moins de perpétuellement lui dire quoi faire et comment le faire, il faudra que les USA rentrent au plus vite chez eux.
Ted Rall est l’auteur de Gas War: une analyse du pipeline transafghanistan et des motivations derrière la guerre au terrorisme en Afghanistan.