![Pneumonie atypique : Les petites bêtes qui mangent les grosses](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/06/16143_1;1920x768.jpg)
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Pneumonie atypique : Les petites bêtes qui mangent les grosses
Sur les dents, les spécialistes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) redoublent de prudence, car à cause de sa pathogénicité et son pouvoir de transmission actuel, le SRAS pourrait devenir la première maladie grave du siècle avec "un potentiel d’épidémie mondiale". Le point avec une grande spécialiste.
Denoncourt Frédéric
Cadeau empoisonné de la mondialisation
Si le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) n’est pas encore la peste ou la grippe espagnole, il présente toutes les mal d’un virus au potentiel de transmission rapide et à grande échelle dans un monde interconnecté. Mis à part le SIDA, les nouvelles maladies des dernières années, tels les virus d’Ebola, Nipah et Hendra, se transmettent difficilement d’homme à homme ou encore sont circonscrites dans des zones géographiques précises (Ebola). Cela étant, elles ne représentent pas des menaces aussi graves pour la santé mondiale que le SRAS, dont plus de 3300 personnes ont été atteintes jusqu’à maintenant et qui a fait près de 150 morts dans plus de 20 pays sur trois continents, dont 13 au Canada (pays le plus affecté hors de l’Asie), qui compte 274 personnes touchées. Et bien qu’on commence à parler de maîtrise du virus avec l’annonce de son séquençage, on compte de nouvelles victimes presque chaque jour…
"On est vraiment entré dans le 21e siècle avec ces échanges de plus en plus accélérés. L’OMS se doit ainsi de mettre en place des mécanismes de réponse qui soient tout aussi rapides que les mécanismes de diffusion des virus", relate en entrevue téléphonique le médecin Isabelle Nuttall du département des maladies transmissibles, surveillance et actions à l’OMS, sise à Genève. Nuttal explique le brouillard dans lequel se trouvent les experts mondiaux au sujet du nouveau virus. Le mode de propagation principal, un contact rapproché avec une personne malade, est maintenant connu de l’OMS, mais le virus semble aussi se transmettre indirectement, ce qui est plus inquiétant. "Il y a beaucoup de points d’interrogation, de zones d’ombre quant au mode de propagation secondaire. Que penser aussi de ces "super contaminateurs" qui peuvent contaminer plus de 100 personnes? Sans oublier l’existence possible de porteurs asymptomatiques…"
S’il devait s’avérer qu’il y a effectivement des porteurs asymptomatiques (malades ne présentant pas de symptômes), le virus pourrait s’être propagé aux quatre coins du monde et "dans ce cas de figure, l’épidémie deviendrait très difficile à stopper", estimait récemment David Heymann de l’OMS. "Mais cette hypothèse n’est pas vérifiée, poursuit Nuttal. Des études ont montré qu’on avait retrouvé des fragments de virus chez certaines personnes qui n’ont pas de signes cliniques, mais on n’a pas prouvé que ces morceaux de virus étaient contagieux. S’il y avait des porteurs asymptomatiques, ce serait soit très grave, soit anodin, au sens où il serait possible que la plupart des gens qui ont le virus ne développent pas la maladie."
Foyers asiatiques
Des experts suggèrent que le SRAS n’est peut-être qu’un avant-goût de ce qui nous attend au cours des prochaines années, et que l’Asie, avec sa densité de population, sa grande production de volaille et les contacts humains-animaux, pourrait bien être le berceau du prochain grand virus décimant des populations entières.
De la famille des coronavirus, originaire de la province du Guangdong en Chine, le virus causant le SRAS a peut-être des origines animales. "Mais ce qui nous intéresse, c’est de savoir où il va plutôt que d’où il vient. L’inquiétude vient du fait que c’est une maladie nouvelle qu’on ne sait pas comment traiter, prévenir, et dont on ignore toujours comment stopper la propagation. De plus, le virus s’attaque au personnel soignant, composé de personnes actives et bien portantes; ce n’est pas rassurant."
"Il est possible que la situation devienne incontrôlable. Si le virus atteint des pays qui n’ont pas les capacités suffisantes pour réagir, on pourrait être dans une situation assez dramatique. Mais le virus peut aussi perdre de sa virulence, ce qui fera qu’on n’en parlera plus dans trois mois. Ce qu’on peut dire, c’est que tous les cas qui ont été importés sont maîtrisés, mis à part les foyers du Canada, où la propagation s’est faite avant l’alerte globale. Le gros point d’interrogation, c’est la Chine."
Stratégies et traitements
On parle de pneumonie atypique car, contrairement aux autres formes, dont l’affection est localisée, le SRAS touche l’ensemble du poumon. "On traite les gens en luttant contre les symptômes. Différents protocoles ont été mis à l’essai, on a donné des antiviraux et même des antibiotiques pour prévenir les complications. Toutefois, aucun traitement n’a montré une efficacité particulière", précise Nuttal qui note que 1373 personnes ont néanmoins guéri spontanément.
L’OMS a pour rôle de conseiller les États quant aux mesures à prendre et d’établir des lignes directrices pour les services sanitaires. Elle assure également la coordination des réseaux d’experts sur le sujet. "On a mis en place un système d’alerte précoce et, pour la première fois, on a une véritable collaboration internationale. On progresse relativement vite avec les réseaux qui permettent aux cliniciens de partout de décrire immédiatement les formes cliniques qu’ils observent dans un site protégé auquel tous ont accès. On pourra ainsi établir un profil et un protocole standardisés", ajoute-t-elle avec optimisme.
Enjeux politiques et économiques
Il existe aussi des conséquences indirectes au SRAS: les dirigeants chinois feraient encore de la désinformation; la Thaïlande impose à ses ressortissants revenant d’un pays infecté un isolement de 14 jours chez eux, sous peine de six mois de prison; Singapour prévoit des pertes de 2,2 milliards d’euros si l’épidémie dure trois mois; et à Hong-Kong, un tiers des infirmières ont démissionné ou refusent de travailler, et les victimes d’accidents cardiaques ne sont plus soignées… "Des hôpitaux de Hong-Kong sont fermés à cause du virus. Combien de personnes risquent ainsi de mourir?" demande Nuttal.
Certains États ne sont pas particulièrement fiers de l’existence de la peste, du choléra ou d’autres maladies du genre sur leur sol. Mauvais pour le tourisme et l’économie. Cela explique peut-être en partie pourquoi le gouvernement chinois a tardé à informer l’OMS. "On n’a pas vraiment envie de revenir en arrière et de culpabiliser les autorités chinoises, qui n’ont pas collaboré au départ. Les Chinois auraient pu faire les choses différemment, mais il faut voir comment ils vont réagir maintenant qu’ils s’engagent à collaborer. Les problèmes de santé publique sont toujours un peu les otages des enjeux économiques, mais c’est notre rôle de convaincre les États que la santé a un prix, et que c’est dans leur intérêt de faire une bonne notification des cas. Ne pas faire ce qu’il faut pour la santé publique entraînera de grandes pertes économiques pour eux, et de toute façon, un jour ou l’autre, ça va se savoir et ils paieront le prix." Les pertes économiques globales estimées d’une épidémie mondiale du SRAS sont de 30 milliards de dollars.
Selon les épidémiologistes, une prochaine pandémie de grippe pourrait faire le tour de la Terre en quatre jours et tuer 60 millions de personnes! Doit-on craindre à l’avenir une autre grippe espagnole? "On n’est jamais protégé; la médecine fait des progrès mais la nature s’adapte aussi très vite. Les moyens de communication modernes jouent à la fois pour et contre nous. Le plus grand défi sanitaire dans les années qui viennent sera de faire face à un virus inconnu qui se propagerait rapidement et de manière inconnue."
Informations supplémentaires
Une arme biologique?
Un expert de l’Académie des sciences médicales russe, Sergei Kolesnikov, croit que le virus responsable du SRAS n’est pas d’origine naturelle, mais plutôt une arme biologique conçue de main humaine par la Chine… La virulence du virus et la vitesse à laquelle il se propage prouvent qu’il ne peut être qu’un hybride de deux virus conçu en laboratoire, selon le scientifique. La paranoïa succédera-t-elle à la peur?