Ménard pleure Simone
Nina Simone est partie. Et avec elle, une certaine façon de chanter et de répondre à la sempiternelle question: pourquoi chanter?
Chanter pour s’arracher à la mélancolie. Chanter aussi pour changer la vie. Prétention? Peut-être. Il faut en effet être un peu prétentieux pour continuer à croire dans l’adversité. Et Nina Simone a eu sa part d’adversité. En butte à la société qui l’a engendrée et à ses propres démons. Son âme assise sur ses volcans s’est canalisée dans cette voix si unique, tourmentée, belle. Et Nina Simone de transcender parfois même la banalité de certains choix artistiques, jusqu’à transformer certaines chansons devenues clichées en de vibrants plaidoyers. On ne parle plus d’interprétations mais de recréations.
La décision de vivre en exil ses dernières décennies a scellé son destin comme si le message prenait le dessus sur sa vie elle-même.
La Nina Simone qui a partagé le programme d’ouverture du Festival International de Jazz de Montréal en 1992 avec le Charlie Haden’s Liberation Music Orchestra n’avait plus tout à fait la flamme des grandes années. Ses démons l’avaient si maintes fois rattrapée que c’est une chanteuse ma foi irascible et diminuée qui s’est présentée à nous. Mais elle avait depuis longtemps déjà imprimé sur le jazz et sur la musique de son peuple la marque d’une grande artiste à la fois sensible et impossible.
Que la paix soit avec elle.
André Ménard
Vice-président et directeur artistique du Festival International de Jazz de Montréal