![La radio de Québec est-elle en crise? : Opinions publiques](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/06/16520_1;1920x768.jpg)
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La radio de Québec est-elle en crise? : Opinions publiques
Selon notre chroniqueur montréalais Richard Martineau, le ton de notre radio révèle le caractère schizophrénique de la ville de Québec. Le côté petit-bourgeois, conformiste et coincé de sa population aurait un envers peu reluisant s’exprimant par le biais de sa radio, l’une des plus trash qui soient. Mais quel regard les spécialistes d’ici portent-ils sur notre radio?
Propos recueillis par Frédéric Denoncourt
Daniel Giroux, secrétaire général du Centre d’études sur les médias.
"Il y a en effet ici des tribuns populaires qui veulent frapper l’imaginaire et se créer des auditoires et des revenus en se faisant forts d’être des chasseurs de têtes visant tous ceux qui détiennent une position d’autorité. Cela donne une radio, appelons-la poubelle si vous le voulez, qui ne respecte rien ni personne et qui adopte le point de vue contraire aux idées reçues. Cette façon outrancière de faire du marketing rejoint malheureusement un certain nombre de gens et c’est un mal qu’il faut supporter; il y a une certaine liberté d’expression à laquelle il faut faire très attention. Heureusement, de façon générale, cette formule n’essaime pas trop et ce qu’offre l’ensemble des radios de la région n’est pas de ce type-là. De plus, la recette Arthur n’est plus aussi payante: elle entraîne des poursuites de plus en plus onéreuses et les assureurs demandent des taux faramineux pour couvrir la station et l’animateur.
"Reste à souhaiter que ces tribuns suivent les grandes lignes établies pour le bien commun et qu’ils ne soient plus des nuisances au débat public, un peu comme c’est le cas en ce moment. Car lorsqu’elle est bien faite, la critique a sa place."
Roger Bertrand, ex-député de Portneuf et ancien journaliste à la radio de CHRC au début des années 1970. Il est parmi les nombreux politiciens qui ont subi les charges de certains animateurs de radio de Québec.
"J’ai observé des effets négatifs liés à la présence de certains animateurs et à la façon dont ils traitent l’information. Cela me préoccupe, car je crois que cela affecte la réputation de notre région et sa fierté. Je ne sais pas si on peut appeler ça une crise, mais il existe ici une situation un peu spéciale qui nous fait tort. Des gens de l’extérieur qui sont de passage n’en reviennent pas de ce qu’ils entendent; j’ai reçu des courriels de gens de Montréal qui sont restés estomaqués… Il y a un effet de contagion de ce type de radio et parfois le niveau d’insulte de certaines émissions est tellement élevé que ça ne peut qu’avoir un impact sur la société. On ne doit pas se surprendre que les gens deviennent plus agressifs. Je me demande quel sera l’effet à plus long terme sur la mentalité des gens de la région. Comment lutter contre ça? Je pense qu’on doit avant tout sensibiliser la population. Je suis d’accord avec la liberté d’expression, cependant il existe une responsabilité liée au droit de s’exprimer qu’on doit assumer. Pourquoi les entreprises ne se doteraient-elles pas d’un code de déontologie traitant de la qualité et de la diversité de l’information pour enrichir le débat public?"
Thierry Watine, ancien journaliste de radio en France et professeur au département de communications de l’Université Laval.
"Il n’y a pas de crise de la radio à Québec, mais un changement de paradigme, de culture. Aujourd’hui, l’information sérieuse, ça emmerde les gens. Aussi, on a observé dans le secteur commercial des excès verbaux de certains animateurs. Mon avis personnel est que les radios de type strictement commercial sont d’un niveau assez pitoyable quant à la qualité de l’information. Le mélange des genres y est assez extraordinaire et on y dit à peu près n’importe quoi dans un français pire que catastrophique.
"D’un point de vue professionnel, faisons attention avant de jeter l’anathème; les radios commerciales répondent à un besoin. Arthur est un immense professionnel qui aurait beaucoup de leçons, pas d’éthique, mais de communication à donner à plusieurs. Le problème est que l’auditeur qui veut un truc un peu sérieux est contaminé par cette dimension ludique qui envahit les contenus. Le public porte une lourde responsabilité, mais il a une attitude paradoxale: quand on le consulte, il réclame des standards extrêmement élevés, mais dans les faits, il se vautre dans le trash média, même si j’exagère un peu… Je pense cependant qu’on est en train d’atteindre les limites de l’exercice. Au bout du compte, c’est le pari de la qualité qui reste nécessaire et rentable."
Gérard Leclerc, professeur au département de communications de l’Université Laval.
"Je ne parlerai pas de crise, mais je crois que la radio vieillit d’une drôle de façon. La notoriété vient aujourd’hui de l’animateur et non plus de la station. Fillion et Arthur ne font pas la différence entre cracher sur les autres et faire différent. Comme Gillet l’a déjà dit, les ondes sont publiques et n’appartiennent pas à Jeff Fillion. CHOI a une licence pour faire de l’information et j’ai l’impression qu’ils sont en train de perdre le contrôle. Le problème, c’est que les jeunes qui veulent se démarquer n’ont pas le choix d’aller vers ça. C’est comme si le côté éducation avait été évacué en radio, mis à part Radio-Canada. Je ne suis pas sûr que les gens font aujourd’hui encore la distinction entre l’opinion et l’information…
"Le but n’est pas que les radios soient toutes comme Radio-Canada, mais qu’elles soient différentes sans faire dans la surenchère. Le CRTC est plus tolérant depuis que des gens du privé ont investi l’organisme. La responsabilité première revient ainsi à la population; elle doit se plaindre pour que le CRTC sanctionne ces animateurs. Il va aussi falloir arrêter de les bénir en leur donnant des cotes d’écoute. Fillion s’est déjà fait ramasser par des chroniqueurs, ça ne peut pas faire autrement que sensibiliser l’opinion publique et le CRTC."