Pierre Bourgault(1934-2003)
Société

Pierre Bourgault(1934-2003)

Par Audrey Benoît, auteure et souverainiste

Pierre Bourgault. Je ne le connaissais pas. Pourtant, ça me fait de la peine qu’il soit mort. Le savoir parti, c’est comme savoir qu’une partie de notre rêve s’en va avec lui. Oui, j’ai dit notre rêve. Ça fait cucul, hein? C’est devenu tellement ringard de parler de rêve, encore plus si c’est de la souveraineté du Québec que l’on parle. Une sorte de fausse pudeur nous étouffe, un cynisme vide et lâche.

Qui, ou quoi, nous a convaincus qu’il était de mauvais ton de se mobiliser pour autre chose que la paix ou l’antimondialisation? Comme si l’affirmation identitaire d’un peuple – OUI, j’ai dit peuple – n’avait rien à voir avec lutter contre la pensée unique et les seules lois du marché. En tout cas, une génération est en train de disparaître, et avec elle l’aventure formidable – OUI, formidable – de la Révolution tranquille, qui nous a donné l’éducation pour tous et un certain pouvoir économique, ce n’est pas rien – mais non, c’est vrai, j’avais oublié que c’est tellement facile de se plaindre le ventre plein en oubliant comment c’était avant…

Aussi, les premiers à avoir agi dans le sens de la souveraineté emportent avec eux la force de leurs convictions et le discours qui vient avec. Bien sûr, les discours évoluent et se doivent d’évoluer. Malheureusement, les discours, de nos jours, ne sont plus in. La parole audacieuse, libre et fière, est de plus en plus rare. Et comme nul n’est parfait, gare à celui ou celle qui affirme. On a oublié qu’il est possible d’apprendre de ses erreurs à condition de les confronter avec des arguments et non avec des bâillons ou du mépris.

À l’ère des Invasions barbares, moi je dis qu’il n’était pas futile ou naïf de vouloir changer le monde. Ce qui est naïf, c’est de croire que ça ne changera rien, justement, de laisser faire, d’abandonner les rêves de justice sociale – OUI, j’ai bien dit justice sociale, quelle vilaine expression, n’est-ce pas? Ce qui est futile, et très naïf, c’est de manquer d’envergure; c’est de croire que l’instant présent existe, et que l’avenir ne s’organise pas en fonction du présent qui est déjà du passé.

On a perdu un homme qui était certainement, et simplement, debout. Il sera sûrement un très très grand homme, maintenant. Au Québec, on sait reconnaître l’intelligence, l’engagement et le courage quand il le faut. Aimera-t-on la liberté quand elle sera morte?