Se loger en période de crise : Femme célibataire, riche, blanche, hétéro recherche…
Société

Se loger en période de crise : Femme célibataire, riche, blanche, hétéro recherche…

La crise du logement qui frappe les grandes villes du Québec a fait revenir du fond des âges des préjugés tenaces. Outre le fric, faut-il être blanc, célibataire, sans enfants et… de sexe féminin pour surmonter la crise? Petite nomenclature – presque comique – des principaux préjugés qui frappent les aspirants locataires en période de crise.

1- Pour adultes seulement

Cette année encore, le premier motif de discrimination qui touche les aspirants locataires est lié à cette mauvaise idée qu’ils ont eue de procréer. Tare des tares pour de plus en plus de propriétaires: les enfants. Mais convenons-en sans jeux de mots à leur décharge: les enfants, ça déménage. Ça joue, ça rit, ça crie, ça pleure, ça danse; en un mot: ça vit. "On a vu un couple d’ingénieurs avec trois enfants qui s’est retrouvé sans logement. C’est devenu plus facile de louer avec un chien qu’avec des enfants", nous dit Marie-Josée Latour du FRAPRU, qui soutient que la capacité de payer n’y change souvent rien.

2- L’odeur de l’argent

En deuxième place, à égalité ou presque, les revenus, ou la solvabilité dans le jargon des propriétaires. Où travaillez-vous? Avez-vous un bon salaire? Ce type de questions est susceptible de revenir très souvent, surtout si vous ne vous présentez pas à la visite du logement en BMW. Assistés sociaux ou chômeurs, surtout, vous êtes mal barrés et obtiendrez très difficilement un gîte, si modeste soit-il. De nombreux proprios réclameront une enquête de crédit qui, trop souvent, vous disqualifiera. "Pourtant, et même si on a du mal à le croire, les personnes assistées sociales payent leur logement avant de se nourrir", plaide Nicole Jetté du Front commun des personnes assistées sociales.

3- Délit de faciès

Troisième grand motif d’exclusion: l’origine ethnique ou la couleur de peau. Après l’abolition de l’esclavage au 19e siècle, de la ségrégation au 20e, le 21e sera-t-il celui qui enrayera la discrimination? Reste que pour le moment, les chaînes les plus tenaces semblent immatérielles et sont celles qui, de toute évidence, affligent encore certains esprits. Même au Québec, lorsqu’on cherche un toit, mieux vaut avoir la bonne tête et l’accent approprié. Les choses seraient pires que jamais avec la crise. "Quand on a un accent marqué, on a énormément de difficulté à obtenir un simple rendez-vous; on nous dit au téléphone que c’est déjà loué. Des propriétaires avouent aussi ouvertement ne pas vouloir louer aux Africains", continue Marie-Josée Latour. Évidemment, lorsqu’on croise les préjugés 1, 2 et 3, les choses se gâtent sérieusement. "Quand t’es une femme monoparentale originaire du Rwanda, t’es mal placée", observe Yves Séguin, des oeuvres Isidore-Ostiguy de la région de l’Outaouais.

4- Mobilité réduite

Handicapés en fauteuil roulant, ex-psychiatrisés, toxicomanes ou autres personnes dites "fragiles" risquent aussi d’en suer un bon coup avant de crier bingo. On craint qu’elles ne mettent le feu, défoncent les murs, tombent dans l’escalier ou ne puissent entretenir leur logement convenablement. "Quand elles vont visiter, on dit à ces personnes qu’il y a 14 noms avant elles. Aujourd’hui, on est choisi en tant que locataire", fait remarquer une intervenante désirant ne pas être identifiée du CAPVISH, un organisme de Québec qui vient en aide aux personnes vivant avec un handicap.

5- 18 ans et plus

Et on est parfois beaucoup plus exigeant. L’âge est aussi un critère qui peut servir à tamiser les demandeurs. Tapageurs, indisciplinés, indignes de confiance, sans passé de crédit suffisant… les jeunes n’ont pas toujours une cote A++ auprès des proprios. "Un concierge nous disait que personne de moins de 25 ans ne devait s’installer dans l’immeuble", ajoute Robert Sylvestre de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui eut récemment gain de cause en justice dans deux cas de discrimination fondés sur l’âge.

6- Pas toujours gai

Marginal mais encore un motif de discrimination à l’occasion: l’orientation sexuelle. Quelques cas rapportés cette année encore lorsque "la sexualité est affichée", selon Robert Sylvestre. Mais s’ils ne risquent pas de gagner de concours de popularité auprès de tous les proprios, les homosexuels peuvent se rassurer, ce préjugé serait en voie de disparition.

7- Un gars? Une fille!

Finalement, il arrive encore que des proprios accordent de l’importance au genre et choisissent par exemple une fille parce que censément plus tranquille et faisant plus de ménage. Toutefois, les filles peuvent se faire demander de faire des bassesses avant de pouvoir commencer à décorer leur nouveau logis. "Une fille s’est fait offrir dernièrement de coucher avec le propriétaire pour avoir le logement", avance sans broncher Mathieu Houle-Courcelle du Bureau d’animation et d’information logement du Québec métro (BAIL), qui croit que pour améliorer la situation, le processus de recherche de logement devrait être encadré juridiquement, la Régie du logement n’ayant pour le moment aucun pouvoir tant qu’un bail n’est pas signé entre deux parties.