Des protéines qui tuent : La recette de la semaine: fou de veau aux échalotes
Société

Des protéines qui tuent : La recette de la semaine: fou de veau aux échalotes

Vache folle, Creutzfeld-Jakob, Alzheimer, Parkinson. Quatre maladies terribles, une cause: les prions, des protéines crapuleuses qui font trembler jusqu’à la mort. La viande qui  tue…

Si le récent cas de vache folle en Alberta vous a fichu la trouille, ne lisez pas Quand manger rend fou, le dernier ouvrage de Danièle Starenkyj. En quelque 200 pages, l’auteur s’intéresse à l’histoire des prions, ces protéines infectieuses responsables de la maladie de la vache folle, de la tremblante du mouton ou d’une nouvelle variante de la maladie de Creutzfeld-Jakob (la version "humaine" de la vache folle). Une histoire macabre, méconnue, grave…

L’auteur n’en est pas à son premier livre portant sur les travers de notre gastronomie. Après avoir connu plusieurs succès en librairie (Le mal du sucre, Le mal du gras, Le bonheur du végétarisme), Danièle Starenkyj signe ici un ouvrage percutant et inquiétant, qui lève le voile sur le régime infernal que l’on donne aux animaux que nous mangeons quotidiennement. Quand manger rend fou ne cherche pas à semer la panique au sein de la population, mais se veut un plaidoyer convaincant en faveur du végétarisme.

Il était une fois en Papouasie
En remontant la filière des "prions", Danièle Starenkyj nous transporte jusqu’au coeur d’une tribu primitive de la Papouasie-Nouvelle-Guinée: les Forés. En 1953, l’homme civilisé "découvre" cette peuplade qui souffre d’un étrange mal, le kuru. Chaque année, 200 Forés sont emportés par cette maladie inconnue qui provoque des tremblements incontrôlés jusqu’à ce que mort s’ensuive. Les scientifiques découvrent que la cause du kuru provient probablement d’un rituel tribal: le cannibalisme. Effectivement, quand les Forés cessent de manger de l’humain, le nombre de cas de kuru diminue considérablement. En parallèle, on découvre que cette maladie ressemble comme deux gouttes d’eau à une affection animale qui touche les moutons écossais depuis le 18e siècle, la scrapie (ou tremblante du mouton). En 1981, on finit par identifier la cause de ces deux maladies: les prions, des "protéines crapuleuses", qui transforment le cerveau en fromage gruyère. La découverte est assez importante pour qu’on décerne à Stanley Prusiner (le découvreur des prions) le prix Nobel de médecine en 1997.

Les maladies à prions ne resteront pas longtemps confinées à une simple tribu papoue et à quelques moutons écossais. En 1985, le premier cas de vache folle est déclaré en Angleterre. Des milliers de bovins sont massacrés, et le marché de la viande rouge est paralysé. Les scientifiques qui se penchent sur les causes de l’encéphalite spongiforme bovine (maladie de la vache folle) ne réalisent pas immédiatement la forte ressemblance entre cette maladie, le kuru des Forés, et la scrapie du mouton…

On soupçonne néanmoins que l’origine du mal pourrait venir des "suppléments protéiniques" que l’on donne aux vaches pour des raisons de productivité. Ces suppléments, sous forme de farines carnées, sont fabriqués à partir de carcasses de bovins (et de toutes sortes d’animaux) que l’on transforme en poudre dans les usines d’équarrissage. Faire manger des cadavres de vaches à des vaches était d’ailleurs une excellente façon recycler tous ces déchets animaux causés par la consommation humaine. "La maladie de la vache folle a été causée par le cannibalisme des vaches", soutient Danièle Starenkyj. Et dire que ce sont les papous cannibales que l’on croyait primitifs…

Aujourd’hui, les farines carnées ne font plus partie du régime des bovins. "On ne donne plus de ruminants aux ruminants, dit l’auteur, mais on continue de donner des animaux monogastriques aux ruminants. C’est-à-dire que les vaches ne mangent plus de vaches, mais elles continuent de manger des porcs, des poulets, des chevaux, etc."

Plusieurs autres animaux ont contracté une maladie "à prions" semblable à la maladie de la vache folle. Des espèces exotiques des jardins zoologiques, des visons, des daims, des élans, des oiseaux, des rats, des écureuils… Les prions ne semblent avoir aucune difficulté à sauter d’une espèce à une autre. Le drame, c’est qu’on fait rarement le lien entre les différentes formes de maladies à prions. "Encore récemment, dit Danièle Starenkyj, il y a eu un cas de scrapie dans un troupeau de brebis de Saskatchewan, j’ai cherché à voir si on en parlait aux nouvelles, et on n’en a pas entendu parler." Pourtant, scrapie et vache folle sont deux maladies très similaires…

Des prions et des hommes
En consommant de la viande infectée par les prions, la maladie de la vache folle s’est transmise aux humains, sous la forme d’une nouvelle variante de la maladie de Creutzfeld-Jakob (MCJ). À ce jour, 134 personnes sont décédées des suites de la MCJ. Devant un nombre si peu élevé de victimes, pourquoi faire tel cas des maladies à prions? "Ce qui effraie les scientifiques, explique Danièle Starenkyj, c’est que l’Alzheimer et le Parkinson sont aussi des maladies à prions. Ce qui fait le désespoir des scientifiques actuellement, c’est qu’il est presque impossible de distinguer l’Alzheimer de la maladie de Creutzfeld-Jakob." Du coup, si on ajoute au décompte les 4 millions d’Américains souffrant d’Alzheimer et les 750 000 Canadiens qui seront atteints de cette forme de démence d’ici 2031, on commence à mieux mesurer l’ampleur du désastre.

Qu’est-ce qu’un prion?
Le prion est une protéine infectieuse. Et comme toutes les protéines, elle est polymorphe. "Selon qu’elle pénètre par une voie quelconque du corps, selon qu’elle se loge dans un endroit particulier du cerveau, les symptômes seront différents", dit Danièle Starenkyj. Plusieurs véhicules peuvent transporter les prions: la viande rouge, les abats, le sang animal en premier lieu. Les maladies à prions sont incurables. Danièle Starenkyj sait que la recherche scientifique risque fort de concentrer ses efforts sur la création de médicaments pour guérir les maladies à prions. Même si la solution est connue et relativement simple: le végétarisme.

Végétarienne convaincue Danièle Starenkyj a consacré sa carrière à défendre les vertus du végétarisme. On sent d’ailleurs en lisant son livre un désir de convertir la population à la verdure. Pour elle, plusieurs problèmes de santé que nous connaissons viennent du fait que nous mangeons beaucoup trop de viande présentement. Sa liste noire des aliments à risque le confirme. "Je n’aimerais pas que mon livre soit considéré comme alarmiste parce qu’il offre des solutions de prévention très efficaces. Sans dire qu’on ne mange plus de viande, il faudrait commencer à éviter les abats ou la viande crue (le steak tartare), etc., c’est suicidaire! Mais la bonne nouvelle, c’est que le jour où l’on arrête d’ingérer des protéines infectieuses, on arrête la progression de la maladie."