![Débat linguistique en Ontario : La langue de chez vous](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/05/17432_1;1920x768.jpg)
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Débat linguistique en Ontario : La langue de chez vous
Des parents qui se battent pour faire éduquer leurs enfants dans la langue de la minorité officielle, il n’y en a pas qu’au Québec, comme le démontre un cas qui se déroule actuellement en Ontario.
Clare Byrne
Gerald Miller, père de famille attentionné, et sa fille Dylann, sept ans. M. Miller est issu, côté maternel, d’une vieille famille franco-ontarienne, une des premières, dit-il, à s’être établies dans la vallée d’Ottawa. Son père, lui, était anglophone et M. Miller est allé à l’école anglaise. C’est là qu’il a perdu une bonne partie du français qu’il parlait depuis qu’il était tout petit. Sujet de beaucoup de regret pour M. Miller qui veut que les choses se passent autrement pour ses enfants. "Mon objectif dans la vie, c’est de faire en sorte que ma famille soit bilingue, dit-il. Moi, je me considère franco-ontarien. Ma mère fait les choses à la manière franco-canadienne. Tous mes cousins sont parfaitement bilingues et passent aisément d’une langue à l’autre. Dans ma famille, par contre, il manque quelque chose…"
Dylann est en train de devenir bilingue. Elle parle et écrit très bien le français après deux ans d’instruction à la prestigieuse Toronto French School (TFS). La TFS, c’est l’un de ces lycées français, comme il y en a partout dans le monde, qui préparent les enfants de bonnes familles au baccalauréat international.
Mais la famille doit maintenant quitter Toronto pour Aurora, ville natale de M. Miller, afin d’être proche d’un parent souffrant. Et le progrès en français réalisé par Dylann pourrait être compromis, puisque le conseil scolaire du district catholique Centre-Sud refuse de l’inscrire à l’école Saint-Jean, unique école française de cette ville qui se situe à 40 kilomètres au nord de Toronto. "Il faut protéger l’accès aux écoles de langue française pour ne pas qu’elles deviennent des écoles d’immersion pour les anglophones", explique Marcel Bard, directeur de l’éducation du conseil scolaire en question.
En effet, le conseil doute que M. Miller soit réellement francophone, et qu’il soit donc en droit de revendiquer une éducation française pour sa fille. Ont ce droit, selon la Charte canadienne des droits et libertés, "les citoyens canadiens dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la minorité linguistique anglaise ou française".
M. Miller comprend-il toujours le français? Il prétend que oui mais refuse de se faire tester par le conseil scolaire ou même d’être interviewé en français. Parce qu’il ignore quel niveau de compréhension on lui demande, explique-t-il. Doit-il pouvoir simplement demander un renseignement ou s’attend-on à des talents d’orateur à la Cyrano de Bergerac? Miller espère que la Cour supérieure de l’Ontario éclairera la question. Il poursuit le conseil scolaire en justice et demande une injonction pour le forcer à inscrire sa fille avant la rentrée scolaire, au mois de septembre.
Hormis son héritage franco-ontarien, M. Miller s’appuie sur une autre clause de la Charte, celle qui dit que si l’enfant a reçu son instruction en français (ou en anglais), il a le droit de poursuivre ses études dans cette langue.
Ainsi, même s’il s’avère que son père comprend mal le français, les deux ans passés à la TFS devraient suffire pour que Dylann soit éligible.
Seulement, en Ontario comme au Québec, on n’apprécie pas les ruses qui consistent à utiliser le privé pour mieux préparer l’entrée à l’école publique. Non, la TFS n’est pas une école française, selon le conseil scolaire. C’est une école d’immersion française, où la communication avec les parents se fait en anglais. Les deux années à la TFS n’avancent en rien son cas, disent-ils. Cela dit, il leur arrive d’accepter des élèves en provenance d’écoles d’immersion – pour la plupart, des enfants de "francophones perdus" comme M. Miller.
"Nos politiques sont très favorables aux enfants de la deuxième génération de francophones, dit M. Bard. Elle (Dylann) a de très bonnes chances d’être reçue."
Tout ce qu’il demande à M. Miller, c’est de passer, comme tous ceux dont les demandes sont rejetées, devant un conseil d’admission pour faire part de ses motivations.
Mais Miller n’y croit pas. Le conseil d’admission, il le connaît. Il s’y était présenté en 1999, lors de sa première tentative d’inscription de Dylann: il a essuyé un rejet retentissant. La lettre de refus n’a pas cherché à donner des explications. Elle l’a gentiment remercié de son intérêt dans l’école française.
Pour Miller, il est question d’arrogance.
"Ils ne veulent pas d’étrangers dans leur club. On me dit: toi, tu n’es pas français. Or, ma famille est ici depuis 400 ans!"
Brent Tyler, président d’Alliance Québec, groupe de pression qui milite pour les droits des Québécois anglophones, soutient la cause de Miller.
"Anglophones au Québec ou francophones en Ontario, Alliance Québec se dit prêt à se battre pour les droits des minorités linguistiques où qu’elles se trouvent. Jusqu’ à ce que les parents puissent décider en toute liberté de la langue d’instruction de leurs enfants", dit Tyler.
Alliance Québec a même demandé à M. Miller d’intervenir dans le cas d’un couple québécois qui sera entendu l’an prochain à la Cour suprême du Canada. Les Casimir plaideront l’incompatibilité de la Charte québécoise de la langue francaise (loi 101) avec la Charte canadienne des droits et libertés. La loi 101 veut que l’enfant ait effectué la "majeure partie" de ses études en anglais avant de demander l’admission à l’école anglaise. Or, il n’y a nulle mention dans la Charte canadienne de la durée d’instruction préalable nécessaire, ni du caractère privé ou public de l’établissement.
"Tout ce que nous obtenons ici au Québec bénéficiera automatiquement aux minorités francophones dans les autres provinces", affirme M. Tyler.
Le cas de M. Miller sera entendu le 22 août à la Cour supérieure de l’Ontario. Aucune date n’a été fixée encore pour le cas Casimir.