Adultère: inné ou acquis? : Je trompe moi non plus
Société

Adultère: inné ou acquis? : Je trompe moi non plus

Pourquoi les hommes trompent-ils plus souvent leur conjointe que l’inverse? Le principe soutenant qu’ils sont programmés par l’évolution à semer leurs graines à tout vent, alors que les femmes sont disposées à chercher des relations monogames, ne date pas d’hier. Dans un texte à saveur éditoriale, la spécialiste Cathy Young fait le point sur des statistiques incontestables.

Un grand nombre de féministes ont critiqué la psychologie évolutionniste, que l’on considère comme la validation de stéréotypes sexuels et le maintien du statu quo. Le refus des féministes d’accepter les différences biologiques entre les hommes et les femmes peut atteindre des extrêmes. Certaines vont même jusqu’à prétendre que le concept des deux sexes est un produit culturel. Et, jusqu’à un certain point, cette critique est en plein dans le mille. La conception évolutionniste des comportements masculins et féminins devient souvent simpliste et fractionnelle, surtout une fois arrivée dans la sphère de la culture populaire.

Menée par le psychologue de l’Université Bradley David Schmitt, une nouvelle étude publiée dans le Journal of Personality and Social Psychology impressionne par son ampleur: 16 288 étudiants universitaires dans plus de 50 pays d’Amérique, d’Europe, d’Afrique, d’Asie et d’Australie y ont participé. On a demandé aux hommes et aux femmes combien de partenaires ils souhaitaient avoir au cours du prochain mois. La réponse moyenne des hommes était de 1,87, comparativement à 0,78 du côté des femmes. Plus du quart des hommes et seulement 5 % des femmes disaient vouloir plus d’un partenaire pendant le mois. Au cours des 10 années à venir, les hommes souhaitaient avoir en moyenne six partenaires. Les femmes? Un peu plus de deux.

Puisqu’il a été démontré que les hommes de chaque pays compris dans l’étude avaient opté pour une grande variété sexuelle, certains psychologues évolutionnistes ont acclamé l’étude de Schmitt comme une preuve définitive et irréfutable que ces différences étaient biologiques.

Pas si vite, rétorquent les critiques. La norme sexuellement différenciée qui stigmatise la promiscuité chez la femme mais la reproche ou même l’encourage chez l’homme existe, jusqu’à un certain degré, dans chacune des cultures visées par cette étude. Il n’est pas surprenant que les réponses des femmes et des hommes aient reflété ces comportements. Un homme peut croire que le fait d’exprimer le désir d’avoir davantage de partenaires le rendra plus viril aux yeux des autres, et une femme peut craindre de passer pour une pute.

Prenez en considération une autre étude récente menée par la psychologue Terri Fisher de l’Université de l’État de l’Ohio, publiée dans le Journal of Sex Research. Fisher a demandé à des étudiants universitaires de remplir des questionnaires portant sur leurs expériences et comportements sexuels. Certains ont rempli leur questionnaire tout en étant reliés à un polygraphe qui devait, du moins c’est ce qu’on leur avait dit, détecter toute malhonnêteté (même si, en fait, les machines ne fonctionnaient pas). D’autres ont répondu au sondage seuls dans une pièce, avec la promesse d’un anonymat complet. Le troisième groupe était isolé dans une salle avec une porte ouverte et un chercheur assis à l’extérieur. Les participants avaient été avertis que le chercheur pouvait jeter un coup d’oeil à leurs réponses.

Les femmes du dernier groupe ont rapporté avoir eu une moyenne de 2,4 partenaires sexuels dans leur vie. Cependant, les femmes ont déclaré une moyenne de 3,4 partenaires lorsqu’elles étaient assurées d’être sous le couvert de l’anonymat, et 4,4 lorsqu’elles étaient reliées au "détecteur de mensonges". Les femmes dans les deux derniers groupes ont également rapporté avoir eu leur première relation sexuelle à un plus jeune âge. Du côté des hommes, les résultats étaient pratiquement les mêmes, à l’exception près que les hommes affirmaient avoir perdu leur virginité à un plus jeune âge lorsqu’ils se croyaient surveillés. En d’autres termes, les rapports établis par les hommes et les femmes concernant leur comportement sexuel sont influencés par les attentes stéréotypées de la société. Quelle surprise.

Certains pourraient argumenter que l’universalité de cette norme sexuellement différenciée signifie qu’elle est ancrée dans la biologie. Et, jusqu’à un certain point, c’est vrai. Jusqu’à tout récemment dans l’histoire, avant que les moyens de contraception ne soient inventés, le sexe était beaucoup plus dispendieux pour les femmes que pour les hommes. On ne se demande pas pourquoi les parents s’inquiétaient davantage de la chasteté de leurs filles. L’incertitude des hommes quant à leur paternité a également engendré des restrictions concernant le comportement sexuel des femmes.

Cependant, rien ne laisse croire que cet héritage soit imperméable au changement social. Dans l’étude de Schmitt, les différences sexuelles étaient cohérentes à travers les cultures, mais les choix des femmes et des hommes se ressemblaient davantage dans les sociétés plus égalitaires. D’autres études démontrent que même si les hommes sont plus intéressés aux relations occasionnelles que les femmes, l’idéal, pour la grande majorité de tous, est le sexe dans une relation amoureuse tendre et monogame.

Il n’y a évidemment aucun avantage à nier les vraies différences de genre. Quoique les stéréotypes sexuels que l’on retrouve dans les monologues comiques d’émissions diffusées en fin de soirée n’aident pas non plus. Trop souvent, ils masquent ce que nous avons tous en commun en tant qu’êtres humains.