![L'écoterrorisme : Verts de rage](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/04/18274_1;1920x768.jpg)
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L’écoterrorisme : Verts de rage
La majorité des écolos militants sont aussi pacifistes. Mais pas tous. Pour les écoterroristes, c’est: "Touche pas à ma planète, ou je te pète la gueule." Une nouvelle forme de criminalité qu’ils tentent de justifier en criant: "Ce sont eux qui ont commencé!"
Steve Proulx
Chaude nuit à San Diego
1er août 2003, San Diego. Un chic immeuble à condos de cinq étages en construction s’envole en fumée. Les dommages sont évalués à plus de 50 millions de dollars. L’origine est criminelle. Les incendiaires ont signé leur oeuvre: "If you build it, we will destroy it. ELF."
Le Earth Liberation Front (ELF) (www.earthliberationfront.com) est une organisation écoterroriste. Son but: détruire les agresseurs environnementaux pour faire avancer sa cause. Les condos qu’ils ont fait flamber en cette nuit d’août faisaient partie du San Diego’s Golden Triangle, un site où l’on compte ériger de luxueux logements, des gratte-ciel, des centres commerciaux et des entreprises biotechnologiques. Le hic, c’est que le Golden Triangle est voisin d’un site faunique important pour la région, qui abrite toutes sortes d’espèces animales et végétales menacées. ELF a voulu attirer l’attention du public sur la fragilité des dernières terres sauvages de San Diego. Avez-vous pigé?
Le FBI prend l’écoterrorisme au sérieux. Aux États-Unis, c’est une des formes les plus importantes de terrorisme domestique, sinon la plus importante. Entre 1997 et 2003, ELF a revendiqué pas moins de 100 millions de dollars de dommages. Sur le compte, 55 millions de dollars de dommages sont liés à des actes perpétrés au cours de la seule année 2003. Des incendies dans de nouveaux projets immobiliers afin de militer contre l’étalement urbain. Des incendies chez des concessionnaires GM qui vendent des VUS (Hummer, en particulier). Un autre incendie chez un embouteilleur d’eau, au Michigan, pour manifester contre la commercialisation de l’eau. Le feu est leur arme de prédilection. Un mouvement parent de l’ELF, le Animal Liberation Front (ALF), a pour sa part mené des attaques contre des laboratoires de recherche sur les animaux. On a libéré des visons dans des fermes de visons, incendié des fourreurs, etc. Plus il y a de saccages, mieux c’est. À côté de cela, un José Bové qui fonce dans un McDo avec son tracteur, c’est de la petite bière!
Les écoterroristes sont des criminels d’un autre genre. Pour s’en convaincre, il faut lire la description que le FBI fait de Michael James Scarpitti, un fugitif recherché depuis 2001 pour avoir incendié une entreprise minière et les installations d’une compagnie forestière: "Il voyage souvent en auto-stop et fréquente les haltes routières. Scarpitti transporte souvent un large sac à dos et un étui à guitare noir. Il voyage fréquemment pieds nus." On n’a plus les terroristes qu’on avait.
L’écologie profonde
L’écologie profonde (ou radicale, deep ecology) considère l’Homme comme faisant partie de l’écosphère au même rang que les végétaux et les autres espèces animales. Ce courant écologiste propose le développement de l’environnement avant le développement de l’humain. C’est l’opinion qu’endosse d’ailleurs le magazine Earth First! (www.earthfirstjournal.org), véritable porte-voix de cette idéologie. Les tenants de l’écologie profonde soutiennent qu’il est impératif de changer complètement nos modes de vie, de réorganiser les sociétés afin de placer l’environnement au coeur de tout. On veut un changement social radical.
"La violence pourrait être nécessaire pour amorcer le changement en Amérique", a déclaré en janvier 2003 à un journal américain l’ex-porte-parole du Earth Liberation Front, Craig Rosebraugh. L’écoterrorisme est une réponse à l’écologie profonde. Sauf qu’à l’option pacifique, on préfère changer les mentalités et combattre l’anthropocentrisme par la manière forte.
Héros de guerre
Paul Watson, un des plus grands héros de l’écoterrorisme, parle plutôt de contre-écoterrorisme: "L’écoterrorisme est une forme de violence provenant habituellement de l’entreprise privée. L’Exxon Valdez était un navire écoterroriste. Union Carbide a fait de l’écoterrorisme à Bhopal. L’écoterrorisme est l’acte de terroriser l’environnement et les êtres qu’il abrite." Watson, un des membres fondateurs de Greenpeace, a mis sur pied il y a 20 ans Sea Shepherd (www.seashepherd.org), un organisme qui possède une flotte de navires qui sillonnent les océans afin d’empêcher les chasseurs de baleines de chasser. "Je suis un bon pirate", dit-il. Aujourd’hui, plusieurs écoterroristes citent Paul Watson en exemple et boivent ses paroles: "Restez un parasite OU devenez un guerrier de la Terre. Servez Mère Nature et prospérez OU servez la civilisation et souillez-vous avec la saleté et le sentiment de culpabilité de l’écocide."
Don Coronado est un autre grand nom de l’écoterrorisme. Il fait, quant à lui, de l’action directe depuis 18 ans. En 1985, il est engagé par Sea Shepherd. L’année d’ensuite, lui et les membres d’un équipage font couler deux baleiniers illégaux. Après quoi, il s’affaire à défendre les espèces menacées. En 1992, il est arrêté pour avoir mis le feu à un laboratoire de recherche sur les visons de la Michigan State University. Sorti de prison, il continue de militer pour l’action directe, qu’il endosse complètement en soutenant que "l’autodéfense n’est pas de la violence". En entrevue, il va même jusqu’à soutenir moralement les "troupes" qui commettent des délits: "Restez loin de vos anciens amis, n’utilisez pas d’ordinateurs ni de téléphones, ne faites pas confiance aux gadgets technos, n’utilisez jamais votre véhicule ou celui d’autres activistes, faites de l’exercice physique et ne lancez pas de sous par terre, votre liberté vaut les quelques dollars que cela coûte pour augmenter votre sécurité personnelle. Je prie pour que vous fassiez ce qui compte. Destruction maximum. Pas de dommages minimums." Coronado pense que les écoterroristes d’aujourd’hui seront vus comme des héros dans 100 ans.
Guerre ou paix?
"C’est oeil pour oeil, dent pour dent. On retourne à Jules César", dit Clôde de Guise, responsable des communications pour Greenpeace. Comme son nom l’indique, Greenpeace n’est pas un organisme qui pense que les changements de mentalités passent par la violence. "Si je me suis associé à Greenpeace, c’est que je pense qu’il y a d’autres voies que celle de la violence, poursuit Clôde de Guise. Depuis 30 ans, Greenpeace prône le pacifisme. Mais on est d’accord avec la désobéissance civile. Plusieurs de nos militants ont été arrêtés à cause de tels actes." Comme actes de désobéissance civile, des membres de Greenpeace ont déjà franchi des zones militaires et sont entrés illégalement dans des centrales nucléaires. Des militants se sont aussi enchaînés à des arbres et à des pompes à essence. Sans rien briser, Greenpeace soutient que ces actes ont contribué à faire changer les discours.
Le terrorisme socialement acceptable
L’écoterrorisme n’est pas encore arrivé au Québec. Chez nous, la seule organisation qui fusionne l’écologie et le terrorisme est le collectif artistique ATSA (Action terroriste socialement acceptable, www.atsa.qc.ca). Rien à voir avec le Earth Liberation Front. Sa dernière manifestation, Attentat, s’élevait contre les propriétaires de VUS. Pour l’occasion, on a installé dans des lieux publics des VUS complètement démolis, brûlés, tordus, comme s’ils avaient été victimes d’un attentat terroriste. "Les gens qui achètent un Hummer doivent réaliser qu’ils s’exposent comme cible, dit Annie Roy, membre du collectif ATSA. Aux États-Unis, c’est grave. Peut-être que l’écoterrorisme a un effet dissuasif intéressant." À surveiller, le prochain attentat de l’ATSA devrait choquer davantage les propriétaires de VUS. "On veut, avec un feutre qui s’efface, écrire sur chaque marque de VUS que l’on rencontre la quantité de gaz à effet de serre qu’il produit en une année."