Fonctionnement de l'appareil judiciaire entourant l'opération Scorpion : Chasse aux sorcières?
Société

Fonctionnement de l’appareil judiciaire entourant l’opération Scorpion : Chasse aux sorcières?

Le dossier brûlant de la dernière année à Québec. Règlements de comptes sur les ondes de la radio, déclarations intempestives, allégations douteuses… Malgré les appels au calme d’un maire dénonçant "l’odeur de purin" flottant sur la ville, la colère de nombreux citoyens estimant que toute la lumière n’a pas été faite dans ce dossier ne s’apaise pas. Justice a-t-elle été rendue? Face-à-face de deux protagonistes.

Pour:
Marc Bellemare
Ministre de la Justice

"Les gens confondent à tort la fin de l’opération Scorpion avec la fin des enquêtes de police sur le territoire de la Ville de Québec. Ce n’est pas parce que le projet est terminé comme entité administrative qu’il n’y a plus d’enquêteurs ou de policiers sur le terrain. Le nombre d’enquêteurs n’a pas changé à la Ville de Québec. On ne doit pas laisser croire qu’il y a eu des relâchements et que toute la lumière n’a pas été faite dans ce dossier. La Couronne analyse aussi toutes les preuves qui pourraient lui permettre de porter des accusations.

Dans tous les cas où des accusations auraient pu être portées au niveau criminel, elles l’ont été. Les gens doivent savoir qu’il faut une preuve hors de tout doute pour qu’on puisse porter des accusations criminelles. C’est pour leur protection et celle de leurs droits que la Couronne et la police ne peuvent pas porter d’accusations sur de simples soupçons ou rumeurs. En droit criminel, il faut des preuves cohérentes, articulées, corroborées, qui démontrent qu’une infraction a été commise. Et ce n’est pas sur une simple déclaration, même si elle vient d’une victime, que des accusations doivent être portées. Il faut tenir compte de la crédibilité de cette victime, de la cohérence de sa version, voir si le tout est corroboré.

Fin septembre, il y avait une propension, dans la presse, à laisser croire que des personnalités politiques avaient été impliquées. J’ai demandé exceptionnellement qu’on fasse une double vérification de la preuve. Les cinq avocats qui se sont penchés sur cette preuve ont conclu qu’il n’y avait pas d’autres accusations qui pouvaient être portées. Alors pourquoi nommer un procureur indépendant? Il n’y avait strictement aucune raison. Personne ne doutait du professionnalisme des procureurs de la Couronne. Il faudra continuer de travailler fort pour convaincre la population que tout a été fait dans ce dossier et que les gens qui pouvaient être poursuivis l’ont été."

Contre:
Guy Bertrand
Avocat
"On assiste, dans la région de Québec, au phénomène spontané d’une population qui a perdu confiance dans ses institutions politiques, dans ses politiciens et dans son système de justice. Cette perte de confiance est née d’une contradiction au sein de la police, entre l’état-major et la base, dès qu’on a déclaré devoir arrêter l’enquête pour des raisons d’argent. La population s’est alors demandé si on lui cachait quelque chose.

Est-ce que cette perte de confiance est justifiée? Je ne peux raconter tout ce qui se passe dans mon bureau, mais j’ai entendu la version de deux ex-prostituées juvéniles qui ont raconté avoir eu des relations avec des personnages importants. Elles m’ont semblé crédibles. Je sais qu’elles ont porté plainte et que la police enquête.

La police a fait un travail colossal, on ne peut rien lui reprocher. Le ministre de la Justice, devant cette perte de confiance, a dit pour sa part: "Je vais examiner les dossiers pour voir s’il y a d’autres personnes qui auraient dû être poursuivies." Mais il a confié le dossier à d’autres procureurs de la Couronne. Résultat, il nous a dit qu’il n’y avait rien qui démontrait que d’autres personnes devraient être poursuivies; ce n’est pas crédible. Ça ne veut pas dire que ce n’est pas vrai, mais personne ne veut croire ça parce que c’est fait en famille. Il aurait dû confier cet examen du dossier à un procureur indépendant. Deuxièmement, le ministre ne nous a pas dit s’il avait entre les mains des dossiers chauds, il a dit simplement que ce qu’il avait ne lui permettait pas d’arriver à d’autres conclusions. Y a-t-il des dossiers impliquant des grandes personnalités politiques? Si oui, où sont-ils rendus, ces dossiers? Sont-ils entre les mains de la police? Faisaient-ils partie du lot qu’il a examiné? Malheureusement, ça, on ne le sait pas."