Que reste-t-il de l'idéologie péquiste? : Parti pris
Société

Que reste-t-il de l’idéologie péquiste? : Parti pris

Que reste-t-il de l’idéologie de ceux qui nous ont gouvernés pendant près de 20 ans? Malgré un récent virage vers la gauche, des critiques continuent de prétendre que le PQ s’est éloigné à tout jamais de ses bases idéologiques traditionnelles. JEAN-PIERRE CHARBONNEAU, député péquiste réélu sans interruption depuis 1976, s’est avancé pour commenter l’état de la réflexion dans le parti, alors que l’auteur JACQUES B. GÉLINAS (Le Virage à droite des élites politiques québécoises) est venu défendre sa vision de l’échiquier  politique.

Tout:
Jean-Pierre Charbonneau
Député de Borduas, Parti québécois
"D’abord, il nous faut reconnaître que l’objectif obsessionnel de l’atteinte rapide du déficit zéro a conduit le gouvernement du Parti québécois à adopter, après 1996, des mesures qui ont durement frappé les gens faibles et vulnérables, ce qui était en contradiction avec notre credo social-démocrate. D’autre part, prisonnier d’une culture politique générée par notre mode de scrutin et notre système politique qui est en fait une monarchie élective s’appuyant sur une majorité parlementaire et non sur une majorité populaire, le gouvernement du Parti québécois a tombé, de temps à autre, dans le travers de l’autoritarisme, imposant brutalement et de force certaines de ses principales politiques. Toutefois, à notre décharge, plusieurs mesures progressistes – assurance-médicaments, politique de la petite enfance, renforcement de la place de la société civile dans le développement régional, révision des normes du travail pour des catégories d’employés vulnérables, loi sur l’équité salariale, loi de lutte contre la pauvreté, politique de reconnaissance et de financement des organismes communautaires, réforme scolaire, création d’un observatoire de la mondialisation, etc. – ont été adoptées. Le Parti québécois n’a donc pas constamment navigué à droite, même s’il a parfois louvoyé dans cette direction. Néanmoins, le courant dominant au Parti québécois demeure, et de loin, celui de la gauche modérée ou centre-gauche.

Le vrai défi du PQ ne sera pas tant de proposer une alternative de gouvernement très tranchée par rapport à l’approche conservatrice de Jean Charest que de constituer une coalition politique capable de rallier une majorité du peuple pour régler une fois pour toutes la question nationale. Une nouvelle prise de conscience est indispensable. Quant à l’action, elle devra dorénavant se fonder sur une pratique politique différente faisant une large place à la démocratie participative. Sans quoi ce sera à nouveau l’échec et le cul-de-sac."

Rien:
Jacques B. Gélinas
Auteur du livre "Le Virage à droite des élites politiques québécoises", Éditions Écosociété
"En prenant fait et cause, dès les années 80, pour le libre-échange à l’américaine, les dirigeants du PQ – nommément Parizeau et Landry, et par la suite Bouchard – se sont coincés dans une logique néolibérale qui les a amenés, une fois au pouvoir, à appliquer des politiques de droite, malgré une tradition et un discours soi-disant de centre-gauche.

Pourquoi l’Accord de libre-échange Canada/États-Unis (1989) ainsi que l’ALÉNA (1994) qui s’en est suivi ont-ils conduit les gouvernements qui les ont ratifiés à embrasser les valeurs néolibérales qui caractérisent la nouvelle droite politique contemporaine? Parce que ce libre-échange nouveau genre, proposé et mis en ouvre par les États-Unis, n’est pas un simple mécanisme destiné à faciliter la libre circulation des marchandises, mais un système dominé par la déréglementation et la privatisation.

Cela explique pourquoi les gouvernements Bouchard-Landry ont pratiqué, au grand désarroi de leurs partisans et d’une grande partie de la population, un néolibéralisme de facto. On les a vus opter pour le laisser-faire dans des domaines aussi vitaux que l’environnement, l’agriculture, le logement social, le transport en commun, la concentration des entreprises, la concentration de la presse, la surexploitation des forêts et le sous-développement des régions périphériques."

Propos recueillis par Claude Giguère