Tolkien, propagateurde la foi : Le seigneur des cathos
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Tolkien, propagateurde la foi : Le seigneur des cathos

De son vivant, J.R.R. Tolkien n’appréciait pas les fervents admirateurs de son ouvre, qui se comptaient déjà par légions: hippies, adeptes du nouvel âge, néo-fascistes italiens et "tripeux" de science-fiction vêtus de capes de velours. L’auteur du Seigneur des Anneaux considérait ce groupe disparate comme un "regrettable culte" qui ne percevait pas le sens profondément catholique de son ouvre.

Même si les Hobbits de la Terre du Milieu ne font aucune mention de Jésus, de Marie, de l’enfer ou du paradis. Même si le réalisateur Peter Jackson, qui a transposé la trilogie au grand écran, est convaincu que les trois tomes sont autant de louanges aux vertus païennes: tribalisme, vengeance et loyauté aveugle, l’auteur lui-même a été sans équivoque: "Le Seigneur des Anneaux est une ouvre fondamentalement catholique", disait-il.

Selon Sandra Meisel, médiéviste et inconditionnelle du Seigneur des Anneaux depuis sa publication aux États-Unis en 1965, Tolkien, en marge de la religion protestante en Angleterre, "était un fervent catholique on ne peut plus conservateur". Qui plus est, "il s’inquiétait même d’avoir fait quelque chose de non orthodoxe" – voire blasphématoire – "en créant cet univers de fiction".

Après la mort de sa mère, le jeune Tolkien a été élevé par son tuteur, un prêtre catholique, qu’il aidait lors des messes matinales, avant l’école. Mais Tolkien n’était pas un enfant de chour ordinaire. À l’âge de 7 ans, il apprenait le latin, le français et l’allemand. Peu de temps après, il inventait des langages imaginaires et des histoires pour les accompagner.

Pas surprenant qu’une fois adulte, Tolkien soit devenu philologue à l’Université d’Oxford, enseignant l’histoire de la langue et de la littérature tout en cultivant sa passion pour la mythologie anglo-saxonne et scandinave.

Tolkien se rendait à la messe presque tous les jours (souvent à l’aube), se confessait presque aussi souvent et a joué un rôle déterminant dans la conversion de C.S. Lewis, un collègue athée de l’université. Le duo a tenté de semer la parole de l’Évangile grâce à la fiction fantaisiste, mais en adoptant deux approches différentes.

Lewis fut le premier à terminer son allégorie chrétienne pour enfants, The Chronicles of Narnia.

Tolkien ne préconisait pas un symbolisme aussi maladroit. Il aspirait à créer de l’art, et non de la propagande. Dans un essai influent, Tolkien a élaboré une théorie portant sur le pouvoir paradoxal de la fantaisie, car les meilleurs "contes de fées" nous transportent dans un "autre" monde, a écrit Tolkien: ils nous aident à voir plus clair dans notre propre monde – le monde de Dieu.

C’est en s’appuyant sur cette idée que Tolkien a créé sa Terre du Milieu, un endroit "où nous pouvons, bien qu’indirectement, voir un reflet plus défini du christianisme".

Ses théories et sa passion pour la mythologie, la linguistique et la religion ont été fusionnées lors de la publication du Seigneur des Anneaux, en 1954. Plus récemment, des livres tels que The Gospel According to Tolkien de Ralph Wood et J.R.R. Tolkien’s Sanctifying Myth de Bradley Birzer ont tenté d’arracher Le Seigneur des Anneaux des griffes de fan-clubs à la sauce nouvel âge et d’aryens suprématistes voyant dans le roman la lutte de la race blanche contre des écervelés prônant le retour à la terre (un site Internet antijuif et antichrétien a même déploré qu’un "acteur youpin" ait été choisi pour jouer Frodon).

Ces auteurs comparent la Comté adorée des Hobbits au paradis terrestre: un endroit sain rempli de générosité et d’amour.

Ils soupçonnent également les hosties de se cacher sous le lembas, le pain de vie magique qui nourrit les Hobbits pendant leur quête. La "reine des étoiles" elfique Elbereth est une représentation flagrante de la Vierge Marie, évoquée par Frodon et Sam lors de la seule prière de la trilogie.

Mais plus révélatrices encore sont les dates utilisées par Tolkien: la Communauté entreprend sa mission le 25 décembre (Noël). Cette dernière prend fin exactement trois mois plus tard, le 25 mars (date de la Chute des Hommes, de l’Annonciation et de la Crucifixion dans l’ancien calendrier anglais).

Le biographe de Tolkien, Joseph Pearce, repère distinctement les thèmes chrétiens dans Le Seigneur des Anneaux: "le sacrifice de soi, l’exaltation des humbles, le pouvoir de l’humilité versus la futilité destructrice et contradictoire de la fierté".

Des vertus qui ne sont pas disparues avec le désistement des masses devant les rites habituels de l’Église. Cette bible du fantastique se concluant avec le retour du dieu fait homme sur Terre est-elle la nouvelle messe d’aujourd’hui pleine de miracles numériques et d’effets spéciaux?

Traduit par Julie Rozon