Parfois, j’ai honte. De moi, de temps à autre, bien sûr, mais aussi de vous.
Par exemple, j’ai honte de tous les twits avec leurs fanions Opération Scorpion: Que l’on continue. Honte de vivre dans le même village qu’eux, de partager les rues avec ces quidams qui ont bien plus l’air de lyncheurs que de citoyens en quête de justice.
Aussi, j’ai eu honte pour eux, les prenant en pitié pour leur crédulité quand on a appris qu’en plus, ils se faisaient baiser par ceux qui empochaient le pactole en leur fourguant des cochonneries qui s’effilochent au vent.
Et puis encore, j’ai eu honte de ma propre crédulité concernant l’appareil judiciaire en lisant le jugement pour le moins ravageur du magistrat Fraser Martin à propos du déroulement cahoteux d’une enquête qui s’en va vraisemblablement à vau-l’eau.
Mais là, je suis accablé, car j’ai honte de nous. Collectivement parlant.
En lisant les témoignages de victimes de racisme et de harcèlement colligés par mon collègue Frédéric Denoncourt (texte d’actualité en page 6, dans lequel de nombreux membres de la communauté noire de Québec affirment être, depuis le scandale de la prostitution juvénile, dans le collimateur des flics et de leurs concitoyens), j’ai même sérieusement songé à déménager. Partir m’installer au fin fond de la vallée de la Jacques-Cartier, rejoindre mes amis qui y mènent une existence paisible, imperméable à toutes nos conneries. Ou mieux, j’irais m’acheter une cabane aux confins de la Toscane, ou dans la vallée de Moab, en Utah.
Quoique vivre au pays de Sylvio le facho ou de l’Oncle George ne m’enchante guère non plus… Mais bon, n’importe quoi pour ne plus avoir à subir votre hypocrisie.
Parce qu’hypocrites, vous l’êtes. Je l’ai déjà écrit: sous leurs dehors de tolérance, plusieurs Québécois sont des racistes inavoués. Ne suffit que d’un élément déclencheur pour faire tomber la barrière de la rectitude politique et nous ramener à notre véritable nature de paysans aussi ignobles qu’ignorants.
Bien sûr, que des flics s’entêtent à vérifier l’identité de tous les Noirs qu’ils croisent avant d’aller tapocher la mascotte de Nez Rouge à leur party des Fêtes, c’est révoltant. Mais pas étonnant. Cops will always be cops. De grands enfants plutôt niais qui jouent à police-bandit en se prenant trop au sérieux.
Ceux qui me déçoivent vraiment, ce sont les hommes et les femmes qui ont honte de dire ce qu’ils osent pourtant penser. Ceux qui, bien à l’abri dans leur char, ralentissent pour toiser les Noirs d’un regard haineux.
Des bons pères et des bonnes mères de famille, des universitaires, des cols bleus ou blancs qui engrangent discrètement leur haine envers l’étranger. Pas des connards décérébrés ou des imbéciles heureux des jeunesses hitlériennes. Mais de simples citoyens, supposément éduqués, théoriquement intelligents, qui, par ignorance, accumulent les préjugés en attendant qu’apparaisse la brèche par laquelle ils pourront les déverser en toute impunité.
Plus d’un an après les faits, on continue justement de projeter notre impuissance sur tous les "notables" de la ville qu’on souhaiterait voir cloués au pilori, de peur que certains d’entre eux soient les clients potentiels d’un réseau au sein duquel se prostituent nos filles. Puis, avec le même manque de discernement qui nous fait douter des confrères de travail, amis et employés des présumés clients du Wolf Pack, on s’en prend à tous ceux qui ont la même couleur de peau que Monsieur Soleil et ses amis.
Peut-être oublie-t-on que les membres du Wolf Pack ne sont que des pions derrière lesquels se cache fort probablement le crime organisé des motards criminalisés, des groupes entièrement composés de "bons" Blancs? Ou peut-être préfère-t-on l’ignorer?
Il y a un proverbe qui dit que les grands cèdent à la honte, et les petits à la peur.
C’est justement cette peur exprimée par la multiplication des comportements racistes qui me laisse croire que plusieurs approuvent secrètement l’acharnement des policiers envers les membres de la communauté noire. C’est ce sentiment qui m’accable, me fait perdre les pédales et déverser mon fiel sur vos têtes.
Mais je vous jure un truc: j’ai rarement autant souhaité être dans l’erreur.