Claude Ryan 1925-2004 : Le mal aimé
Tous reconnaissent les qualités intellectuelles et l’éthique de travail de l’éditorialiste et homme politique que fut CLAUDE RYAN. Mais celui qui sentit que la main de Dieu guidait sa vocation fut aussi singulièrement raillé que déçu de son destin politique. Nous avons sondé trois – collègues – l’ayant connu; chacun porte brièvement un regard personnel sur son cheminement.
Louise Beaudoin
Ex-ministre du Parti québécois
"C’était véritablement un intellectuel. Je suis de la génération qui a lu ses éditoriaux dans Le Devoir. C’était toujours intéressant de le lire, il avait les idées claires. Je dois dire aussi qu’il était meilleur penseur et éditorialiste que politicien. S’il a été un bon ministre de l’Éducation, c’est qu’il réfléchissait et travaillait très fort.
Comme chef de parti, il avait un côté pas très sympathique. On fait de la politique spectacle, et lui était aux antipodes de la politique spectacle! Ce n’était pas son look qui le préoccupait, ce qui ne le rendait pas antipathique, mais ça passait mal. […] Je ne crois pas qu’on puisse dire que le peuple l’a aimé…
C’était un homme orgueilleux, on est tous vaniteux quand on est en politique, on aime être applaudi. Et lui, il aimait ça, mais il y arrivait plus ou moins, ce qui fait qu’en politique, à l’occasion en tout cas, c’était le méchant qui sortait. […] Il avait été vindicatif lors du référendum de 1980, mais je crois qu’il s’en était expliqué; ça avait été très dur durant la campagne avec M. Chrétien qu’il méprisait.
Pour M. Ryan, les conversations de tavernes dans un français incompréhensible, ce n’était pas son genre. […] Il n’avait donc pas donné l’impression de quelqu’un qui avait beaucoup de grandeur d’âme, mais je ne crois pas que c’était dans son tempérament d’être comme ça.
Quand la Cour suprême a annulé certaines dispositions de la Loi 101, M. Ryan était certainement prêt à lâcher beaucoup de lest. Il était prêt à réformer la Loi 101, non pas pour la renforcer, mais l’affaiblir. C’est M. Bourassa qui a empêché ça. […] C’est comme intellectuel qu’il faisait ressortir ses meilleurs aspects. En octobre 1970, il a pris les bonnes positions au bon moment. Sa grande contribution à l’évolution du Québec, ce fut les idées qu’il a exprimées et la fermeté avec laquelle il l’a fait."
Marc Laurendeau,
Journaliste à la radio de Radio-Canada et ancien membre des Cyniques (1961-72)
"À l’époque des Cyniques, on caricaturait le Québec ultra-clérical en réponse à l’omniprésence du clergé. On faisait des parodies d’intellectuels et d’éditorialistes et Ryan était une tête de Turc constante pour nous à cause de la grande austérité du personnage et son côté extrêmement religieux. On a déjà publié une photo de lui en train de mettre ses couvre-chaussures. On mettait sa photo sur des pochettes de disques, on l’imitait.
Pour ce qui est de l’aspect communication, il s’exprimait mieux à l’écrit. Esprit extrêmement pénétrant, c’était un homme de contenu, mais austère, qui avait la capacité de bien décoder et d’analyser une situation. C’était aussi un bon éditeur, un publisher qui ne craignait pas de publier des articles controversés ou prendre position sur des sujets chauds. L’influence qu’il exerçait par les conseils qu’il donnait aux politiciens l’a amené à prendre un certain goût au pouvoir.
Mais pour faire de la politique, il faut avoir un certain sens de l’image, un sens médiatique. Or, quand il était chef du Parti libéral, il s’attardait dans des fonds de salles paroissiales alors qu’il aurait fallu qu’il se préoccupe d’avoir un clip, un court extrait de sa déclaration de la journée à la télévision.
Il avait moins d’aptitude à sentir cette nécessité. […] Il était aussi très sévère envers ses troupes alors qu’en politique, il faut des gratifications, des reconnaissances. Il n’a pas suscité de vague d’affection des militants envers lui.
Mais il a apporté un contenu intellectuel à un parti qui en avait besoin. […] Il avait des antennes, il savait ce qui se passait, c’est la dimension affective de la politique qu’il ne saisissait pas.
Encore mardi, il a signé un texte extrêmement pénétrant dans Le Devoir pour rappeler les libéraux à l’ordre en leur disant que la survalorisation du privé n’était pas la solution.
Je l’ai connu personnellement à l’occasion de tables rondes à la radio et la télévision. Dans la vie de tous les jours, quand il était détendu, il était beaucoup plus chaleureux que son image d’austérité ne le laisse croire."
Paul-André Comeau
Ex-rédacteur en chef du Devoir et professeur à l’ENAP
"Je l’ai connu à la fin des années 60, dans les corridors de Radio-Canada, lorsque j’animais une émission hebdomadaire à la radio. Il avait un esprit analytique extrêmement développé et rigoureux. Je me rappelle qu’on lisait ses textes quand j’étais étudiant à l’université, et que plusieurs étaient furieux contre lui, mais ils étaient obligés de le lire.
Il m’a conseillé en 1985 alors que j’ai assuré l’intérim comme rédacteur en chef du Devoir durant six mois. C’était un guide exceptionnel. Je l’ai bien connu à partir de ce moment.
Ce sont les circonstances qui l’ont propulsé en politique; il a été, si on veut, victime de son sens du devoir. Il était avant tout intéressé par son rôle d’éditorialiste, où il avait une influence absolument énorme. On ne peut pas imaginer ça aujourd’hui. (…) C’est l’emprise du Parti québécois et ce qui était considéré comme une échéance presque dramatique à l’époque, le référendum, qui l’ont poussé malgré lui en politique.
Comme ministre, il a évidemment joué un rôle important, mais c’était beaucoup plus un travail de l’ombre. Ce qu’on va retenir de lui historiquement, c’est son rôle au Devoir.
Autocrate et austère? Je ne l’ai pas connu comme ça, mes rencontres avec lui ont toujours été chaleureuses. (…) C’est au Devoir qu’il est devenu nationaliste, tout en étant fédéraliste. (…) Il aura été un accompagnateur critique et lucide de la Révolution tranquille et a fait de même à l’égard des projets du Parti québécois."
Propos recueillis par Frédéric Denoncourt
sur il netait pas assez politicien et son discours de victoire en 1980 fut mal accuelli.mais il etait un homme droit avec des valeurs sprituelles solides un homme travaillant intelligent et integre..