Société

Pour en finir avec la liberté d’expression (deuxième partie)

S’exprimer sur les ondes est un privilège, a souvent répété, dans des termes analogues, le célèbre André Arthur.

Et vous savez quoi? Il a parfaitement raison. Absolument impossible de le contredire.

En ce sens, si quelques-uns d’entre vous – ayant répondu à l’appel formulé la semaine dernière – ont été prompts à défendre une liberté d’expression qui "ne peut souffrir aucun compromis", d’autres ont cependant proposé une défense plus tiède. Ou du moins, qui réclame un minimum de civisme et ramène justement à cette idée de privilège. "J’émets cependant une réserve lorsqu’on parle de liberté d’expression, a écrit Marie-Josée Archambault, je crois que c’est le devoir des animateurs et journalistes de respecter les autres." Une autre lectrice, Valérie Guillot, abonde dans le même sens: "La liberté d’expression, ce n’est pas oublier cette ancestrale notion dont on oublie même le nom de nos jours, ce qu’on a coutume d’appeler RESPECT."

Pour d’autres, c’est l’absence de nuance et d’éthique caractérisant le plus souvent les émissions d’information-spectacle qui constitue la pire tare. C’est le cas de Richard Caron, qui écrit, faisant peut-être référence à l’abominable Don Cherry: "Si le discours dominant est animé par des gens qui propagent une doctrine qui sous-tend le racisme, on ne peut plus parler seulement de libre expression et de libre choix des auditeurs. On doit parler de désinformation, d’un seul côté de la médaille, et de fausse liberté de choix."

Mais vous vous demandez sans doute ce que j’en pense, non? La même chose que ce que j’ai écrit l’an dernier: nous vivons dans un État de droit où chaque citoyen est libre de penser et de dire ce qu’il veut, mais a aussi le devoir de s’abreuver à différentes sources d’information, de faire preuve de discernement afin d’étayer ses propres jugements.

Et comme vous l’avez souvent écrit, avec raison: Fillion et Arthur proposent une opinion à contre-courant de la tendance médiatique. Une opinion qui a autant de valeur que celle des autres. Jusqu’à ce qu’elle sombre dans l’injure, la calomnie, mais surtout les menaces, les enfantillages, les vengeances, et j’en passe.

Alors plutôt que de s’imposer en maître du bon goût – surtout quand une autre société d’État permet à un analyste de hockey complètement taré de conserver son job -, pourquoi le CRTC ne créerait-il pas un tribunal indépendant qui pourrait plus simplement analyser les plaintes et imposer des amendes sans qu’une personne lésée n’ait à encourir les frais d’un procès au civil pour pouvoir défendre ses droits? Et pourquoi pas, tant qu’à y être, y soumettre l’ensemble des médias sous une seule bannière? Un système, ça se modifie au gré des mouvements sociaux, non?

Ainsi, on protégerait la liberté d’expression des uns tout en sauvegardant l’intégrité des autres.

J’avance l’idée comme ça, car si je crois fermement que la liberté de parole doit primer, le privilège médiatique et les responsabilités qui incombent à celui qui en jouit n’en sont pas moins inaliénables. Et parmi ces responsabilités demeure celle de faire la distinction entre l’opinion et les faits, entre le spectacle et l’information, entre la dénonciation et la diffamation.

À ce propos, Charlotte Tanguay écrit, non sans découragement: "Peut-être Jeff Fillion est-il de ceux qui peuvent enfin parler haut et fort de ce qu’ils ont sur le cœur, mais il utilise bien mal son privilège. Ici, je ne m’oppose aucunement aux sarcasmes, aux blagues moins subtiles ou aux cris de terreur des enfants du Monde parallèle en réaction à l’actualité ou à tout ce qui leur passe sous la main. Au contraire, je veux que plus de gens aient leur chance. Voici LE problème. Les discours de Fillion (pour ne m’attaquer qu’à la tête de l’équipe) sont toujours décousus, emmerdants (ça ne veut rien dire et ça ne mène nulle part), tellement peu substantiels et finalement basés sur rien, mis à part l’humeur du gars qui fait le show. (…) S’il veut rester crédible et important, qu’il ne me chante pas des absurdités chaque matin, qu’il cesse de crier pour crier. Certes, il y a des choses qu’il faut dénoncer, mais si demain matin il ne trouve rien, qu’il mette plus de musique, qu’il chante Frère Jacques en canon avec ses amis, qu’il se gratte le nombril, je ne sais pas, mais qu’il arrête de me rendre hystérique avec ses vérités absolues issues de ses pauvres prétextes pour garder sa langue bien sale et si fièrement (faussement, on en convient) controversée."

Faut-il vraiment ajouter quoi que ce soit?