Rencontre avec Maia Morgenstern : Enceinte, Marie, mère de Dieu…
Au Vatican, à la suite du visionnement du controversé film, le pape aurait de son côté proclamé: "It is as it was" (Il est comme il en fut). Mais si La Passion du Christ est, comme le proclament ses détracteurs, un film aux accents antisémites, pourquoi Mel Gibson a-t-il donc choisi MAIA MORGENSTERN, une Roumaine de descendance juive, pour incarner Marie, la mère de Jésus? Rencontre.
La comédienne, dont la rencontre initiale avec Gibson a eu lieu à Rome, au lendemain d’un soir de première au Théâtre National de Bucarest, se dit attristée par les accusations portées contre le film: "Le film n’est pas antisémite, et M. Gibson (ndlr: c’est ainsi qu’elle fait référence au réalisateur) ne l’est surtout pas non plus. Par contre, je crois qu’il a tenté d’exprimer, de véhiculer un message social d’importance. Le film démontre que lorsqu’un peuple est opprimé, comme l’étaient par exemple les Juifs durant l’occupation romaine, il est très facile pour un dirigeant de manipuler une nation en entier. Je sais ce que c’est de vivre sous l’oppression d’un dictateur; lorsqu’un peuple crève de faim, un leader religieux ou politique peut facilement imposer un régime de force." La majorité des accusations contre Gibson, qui a personnellement investi 25 millions de dollars pour produire La Passion, proviennent du fait que ponce Pilate, l’irascible préfet de César qui n’a pas hésité à condamner plusieurs Juifs à la crucifixion, est présenté dans le film comme un dirigeant sensible, qui est poussé à condamner Jésus par une foule de Juifs en colère. Selon celle qui incarne la mère du Christ, il s’agissait là non pas d’une réinterprétation erronée de faits historiques, mais bien "d’une volonté artistique" de la part de M. Gibson de dénoncer l’hypocrisie qui règne depuis toujours.
Durant la longue période de pré-production, où Morgenstern alimentait sa recherche en étudiant les diverses représentations de la Vierge à travers l’art et l’histoire, la comédienne et le réalisateur ont étonnamment pris la décision de faire abstraction autant de l’origine religieuse de l’interprète que de celle du personnage incarné. "Après ma période de recherche, j’ai tenté de tout oublier. En méditant sur la nature de Marie, M. Gibson et moi en sommes venus à la conclusion qu’il était nécessaire de la représenter d’abord et avant tout comme une mère. Peu importe si on est roumaine, polonaise, juive, catholique: perdre son fils est la plus grande et la plus profonde des tragédies."
Incroyable coup du destin: Morgenstern tombe elle-même enceinte quelque temps après avoir accepté le rôle, et doit tourner les scènes les plus difficiles alors qu’elle attend elle-même un enfant, ce qui l’inspire davantage. "Ce doit être l’événement le plus douloureux que de voir son fils, son bébé, souffrir d’une telle manière, comme c’est le cas chez Marie. Mais ce qui est infiniment beau, c’est qu’elle réagit avec compassion, amour et confiance. C’est ce que je voulais véhiculer avant tout, et voilà pourquoi le film peut toucher tout le monde."
Malgré la controverse potentielle et les difficultés de tournage vécues par Jim Caviezel, l’acteur principal, Maia Morgenstern affirme que l’équipe n’a jamais songé à remettre le projet en question. "L’atmosphère était parfois lourde, mais personne ne se plaignait. Nous ne souhaitions pas adopter une mentalité de victimes, ou nous faire croire que nous souffrions et nous sacrifiions au nom de l’art!" sourit-elle.
Après avoir franchi toutes ces épreuves, et exploré si intensément les dernières heures du Christ, a-t-elle développé une foi aussi profonde que l’étude qu’elle en a faite? "Absolument. Je ressors de ce projet avec une foi profonde… dans le pouvoir de l’art. L’art peut guérir les blessures les plus profondes, et nous faire voir la beauté du monde. Je crois de plus en plus que l’art est une religion en soi, et qu’il parle au nom de tous."