Le Salon du mariage gai : My Big Fat Gay Wedding
Société

Le Salon du mariage gai : My Big Fat Gay Wedding

La Ville-reine vient d’accueillir le premier Salon des marié(e)s gais et lesbiennes au pays. Pour le meilleur et pour le pire.

Le 29 février, le Metro Convention Centre de Toronto a célébré une nouvelle alliance: celle des homosexuels et d’un Salon des futurs mariés. Une première au pays! Pour les organisateurs, ce nouveau mariage d’intérêt allait de soi. Depuis la décision de la Cour d’appel de l’Ontario, en juin dernier, de reconnaître les conjoints de même sexe, la Ville-reine a inscrit à ses registres près de 1200 unions homosexuelles.

"Avec l’adoption de la nouvelle loi, la tenue d’un tel salon allait de soi", explique la directrice, Marti Milks. À la tête du groupe Premier Publications and Shows, elle est également en charge des deux plus importants salons "traditionnels" des futurs mariés de Toronto. Flairant la bonne affaire, l’équipe de Milks a rapidement mis sur pied cette vache à lait pour devancer la concurrence: "Il s’agit d’une industrie très compétitive."

Et rentable, rappelons-le: l’industrie des accessoires nuptiaux n’est pas en reste. Selon Statistique Canada, un couple débourse en moyenne 20 000 $ pour convoler en justes noces, ce qui en fait une industrie estimée à 3 milliards $ annuellement au Canada. (Le magazine américain Modern Bride évalue l’industrie à 100 milliards $ US chez nos voisins du sud.) Il ne faut donc pas s’étonner de voir une entreprise se précipiter sur le bouquet.

Le lingot rose
"La communauté gaie a des besoins très spécifiques, poursuit Marni Milks. Nos études démontrent que les homosexuels ont des goûts plus dispendieux que les couples hétérosexuels. Les gais exigent plus souvent des choses de qualité." À titre d’exemple, elle cite les résultats d’une étude menée plus tôt cette année auprès d’un groupe témoin: celle-ci a constaté que les homosexuels prévoyaient dépenser en moyenne deux fois plus que les hétéros pour célébrer leur mariage.

C’est probablement ce qui explique l’ardeur avec laquelle les organisateurs du salon ont déployé l’événement. Et pas moins de 1800 curieux ont répondu à l’appel. Mais outre les deux visiteurs drag queens qui ont reçu l’attention des médias et un exposant proposant de recourir au body-painting pour peindre un smoking directement sur le corps des futurs époux, le salon ne proposait rien de nouveau au rayon des célébrations nuptiales. La centaine d’exposants avait déballé le même cortège des traditionnels anneaux, gâteaux, limos et tuxedos. Très souvent d’ailleurs, les affiches des kiosques arboraient les archétypes des mariages hétéros. Mais qu’importe, l’argent rose faisait sonner les caisses enregistreuses.

"Ce salon arrive au moment où, pour la première fois, l’occasion est offerte aux homosexuels de s’approprier et d’actualiser certains rituels du mariage. Mais tout se passe ici comme si les gais ne pouvaient construire leur propre célébration qu’en reproduisant les archétypes habituellement associés à une institution qui les a longtemps exclus", déplore Mitchel Raphael, rédacteur en chef du magazine Fab, un bimensuel gai de Toronto. "Alors que l’enjeu du mariage homosexuel a une portée plus large qu’une cérémonie, une bague et un gâteau, l’heure, ici, n’est pas au débat de fond mais au magasinage!" Il s’étonne que les gais n’aient pas choisi la provocation comme arme idéologique lors d’une telle journée: "On traite le mariage comme une institution figée, voire rétrograde. On semble oublier que les célébrations entourant les mariages ont une puissante charge symbolique."

Si certains ont déploré que cette foire suscite de faux désirs et idéaux nuptiaux, d’autres semblaient plus enthousiastes. "Mon conjoint et moi avions déjà visité un salon pour les futurs mariés hétéros mais ce n’était pas la même chose du tout, observe Brian Simone, un visiteur. Lors de la foire traditionnelle, j’avais l’impression de faire une nouvelle sortie du placard à chacun des kiosques. Je ne savais jamais si les exposants étaient à l’aise par rapport à notre démarche. Ici, je n’ai pas rencontré ce genre de problème. Tout le monde est prêt à célébrer notre union. C’est vrai que les exposants en veulent à mon portefeuille, mais je revendique le droit d’être également victime d’une économie de marché si je le désire!"

Trop straight pour les hétéros
Le son de cloche n’était pas le même chez les quelques couples straight qui s’étaient pointés ici, en quête de nouvelles idées. Ils n’ont trouvé qu’une série de propositions éculées: "Je pensais découvrir des idées originales pour mon mariage", explique Cathy Paterson, une jeune femme hétéro qui convolera en justes noces en juin prochain. Mais on a eu droit aux mêmes exposants que dans les salons de mariage traditionnels." Pour un salon du genre Queer Eye for a Straight Wedding, on repassera.

"C’est évident qu’il faudra probablement s’adapter un peu, conclut Marni Milks. À l’instar de la ville de San Francisco, nous avons emboîté le pas à un nouveau genre d’événement. Mais la demande est là. Je peux déjà vous promettre qu’il y aura d’autres salons du même type. C’est le premier d’une longue série."

Déjà, le prochain salon est prévu pour la fin juin – dans trois mois! Les organisateurs veulent le faire coïncider avec les festivités de la Fierté gaie et lesbienne de la Ville-reine. Qui sait, peut-être offrira-t-on la location de smokings à deux pour le prix d’un…