Sida au Mozambique : Aux nantis qui ne m'ont pas sauvé la vie
Société

Sida au Mozambique : Aux nantis qui ne m’ont pas sauvé la vie

Le Mozambique fait partie des cinq pays les plus pauvres de la planète L’épidémie du VIH/sida dévaste sa population sans discrimination. Près de deux millions de personnes y sont séropositives. Près de 700 personnes sont infectées quotidiennement et 16 % de la population âgée de 15 à 49 ans est porteuse du virus. Et l’occident qui se croit presque tiré d’affaire regarde crever silencieusement l’Afrique. Deux globe-trotters québécois, MARTIN BEAULIEU, photographe et KARINE CLOUTIER, travailleuse sociale, ont rapporté en février 2004 ce témoignage photographique. Ils l’ont accompagné de statistiques tout aussi navrantes… L’Occident qui se croit presque tiré d’affaire regarde crever l’Afrique.

Daniel la menace…

Daniel, 42 ans, meurt loin du regard du monde par manque de médicaments. Il y a 11 mois, il a appris sa séropositivité ainsi que celle de sa femme Rosa et de sa plus jeune fille, âgée de 4 ans, que l’on voit ici à ses côtés. En 2000, pour la première fois, le Conseil de sécurité de l’ONU, traditionnellement attaché à des questions militaires, avait organisé une réunion spéciale sur le sida en Afrique. Al Gore, alors vice-président des États-Unis, avait déclaré que cette pandémie constituait pour l’humanité une menace aussi grave que la guerre. Depuis ce temps, le sida en Afrique est de plus en plus dénoncé comme un fléau qui met en péril la stabilité et la sécurité des nations. Très peu comme un problème de santé publique.

Comment te dire adieu?
Daniel souffre d’une tuberculose extra-pulmonaire et d’une péritonite. Il nous montre une photographie de Rosa et lui, à une époque plus heureuse de leur vie. En 1998, les conflits armés ont tué 200 000 personnes en Afrique, alors que le sida a emporté 2,2 millions de vies.

Mourir pour 300 piastres
Après près d’une décennie à regarder les Africains mourir parce que le traitement se révélait d’un coût prohibitif pour eux, la concurrence des génériques en 2001 a fait baisser considérablement les prix à environ 300 dollars par année. Cependant, pour des millions de patients comme Daniel, le prix de ces médicaments, qui ouvrent des possibilités immenses, demeure trop élevé.

Daniel est décédé au matin du 22 décembre 2003.

Prévenir sans guérir
Stratégiquement, la prévention a longtemps été considérée comme la manière la plus rentable de s’attaquer au sida et de protéger le reste du monde. Selon cette logique, les investissements sont mesurés non pas à leur efficacité sur la santé des personnes, mais à leur rentabilité pour les bailleurs de fonds. L’importance des soins est reléguée derrière la prévention. Les malades meurent…

Laisser mourir
Maria Santana a commencé les antirétroviraux il y a quelques mois. Même si le chemin de la guérison est long et ardu, elle nous confie ses rêves: devenir optométriste et voir sa fille continuer ses études. Les compagnies pharmaceutiques, en insistant sur l’importance de leurs brevets, mettent souvent les médicaments hors de portée des populations pauvres. Deux chiffres suffisent à nous démontrer l’ampleur de la césure. Dans les pays développés, le nombre de décès dus au sida a chuté de 80 % en quatre ans grâce à l’introduction des thérapies antirétrovirales (ARV). En Afrique, 25 millions de personnes vont mourir dans les 10 prochaines années.

Prise de conscience
Il est devenu difficile, voire quasi impossible, de ne pas entendre parler du sida en Afrique, même dans les coins les plus reculés: les émissions radiophoniques ou télévisées, le cinéma, le théâtre, les journaux, les murs et les arbres peints, les panneaux ou les activistes envahissent les dédales des villages et des villes.

Contrairement aux préjudices tenaces qui ont longtemps obscurci la campagne pour garantir l’accès aux médicaments essentiels aux millions de malades africains, de toute évidence, ces derniers se soumettent au traitement avec autant de rigueur que les séropositifs américains ou européens." La mortalité des malades a radicalement chuté chez les personnes traitées (90 % moins de décès).

Un pour cent
Au rythme des chants et des tam-tam, par le biais de spectacles avec masques géants, des troupes de théâtre combattent le sida dans la rue, dans les bars, au marché, au port, partout… Grâce au travail d’activistes, aux témoignages publics de personnes séropositives, et grâce à la persévérance de médecins et de chercheurs qui se sont attachés à prouver la faisabilité de la mise en œuvre d’un programme antirétroviral en Afrique, l’importance de l’accès aux médicaments est de plus en plus reconnue. Malgré tout, seuls 1 % des patients africains bénéficient du traitement qui peut sauver leur vie; ces derniers représentent 95 % des malades du sida dans le monde.

Prise de parole
Sousa Domingos Chilaule, sous ARV depuis avril 2003. témoigne de sa lutte au quotidien. Il a appris sa séropositivité en 2000, après deux ans de rechutes de malaria et deux tuberculoses. "J’avais entendu parler du sida mais je ne voulais pas me faire tester. Je ne connaissais pas l’existence des ARV et me disais qui si j’étais séropositif, j’allais me suicider." C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles plusieurs personnes ne font pas le dépistage: elles se disent que si c’est pour apprendre qu’elles ont contracté une maladie qu’on ne peut pas soigner, ce n’est pas la peine de le savoir. Après le témoignage, un homme surgit du public et serre spontanément Sousa dans ses bras. "De tels moments me donnent la force de continuer." dit-il

Dors, petit frère
En 2000-2001, durant les négociations avec l’OMC, plus de 6 millions de personnes sont décédées en Afrique à cause d’affections liées au VIH/sida, soit plus de 25 fois le nombre total des victimes des conflits en Afrique pendant la même période. ààÀ défaut de pouvoir bénéficier des médicaments, un luxe inaccessible pour eux, les malades pauvres se voient essentiellement proposer information, prévention et abstinence. Mais la prévention n’empêchera pas cet enfant infecté de mourir.

Médecins sans frontières
Médecins sans frontières est présent depuis 1984 au Mozambique, où plus d’un million d’adultes âgés de 15 à 49 ans, soit 13 % de la population, sont séropositifs.

MSF procure des soins aux patients par l’entremise de dispensaires, d’hôpitaux et de visites à domicile.

MSF travaille surtout à la réduction des risques de transmission du VIH/sida de la mère à l’enfant.

Personnel international dans le projet: 24 personnes (en 2002)

Personnel national dans le projet: 181 personnes (en 2002)

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