Je vais vous faire une confidence.
Depuis quelques semaines, je suis perturbé. Le soir, je regarde le Téléjournal et je me sens comme un enfant de cinq ans, incapable d’extraire quoi que ce soit qui ait un sens dans cette incessante logorrhée journalistique.
Same old shit, different day, me dis-je en gagnant mon lit, découragé.
Ça me prend quelques fois par année, comme une écœurite aiguë du monde et de sa bêtise. Ou c’est peut-être, comme le suggérait une sympathique lectrice de Lévis, que je ne suis tout simplement pas assez intelligent pour faire face à la musique.
Tout est possible.
D’ailleurs, parlant de déficit intellectuel, j’écoutais l’ex-mairesse Andrée Boucher se gargariser l’autre midi à la radio, recevant les téléphones de tout plein de banlieusards nostalgiques comme elle, coupant la ligne à ceux qui la contredisaient, et je me suis dit que, effectivement, il doit me manquer une bolt quelque part.
Car si j’étais mieux membré de l’esprit, je comprendrais probablement ce qui anime tout ce beau monde qui est allé signer les registres pour les défusions.
Comme ceux que j’ai vu faire la ribambelle à ce même accablant Téléjournal et à qui on demandait:
-Vous êtes venus signer les registres?
-Oui.
-Pourquoi?
-Parce qu’on m’a dit qu’il fallait que je le fasse, ont répondu plusieurs d’entre eux.
La démocratie en marche, mes amis… Et en marchette, puisqu’il y a même des anciennes villes où l’on a fait "sortir le vote" en vidant des maisons de p’tits vieux pour les empiler dans des autobus afin qu’ils signent.
Des gens qui, s’ils avaient lu le texte de la loi 9 – l’équivalent municipal d’une proposition d’indépendance du Québec qui aurait été rédigée par le Parti libéral -, se rendraient bien compte qu’ils ne gagneront guère au change en fichant le camp des grandes villes. Sauf peut-être de recevoir deux comptes de taxes au lieu d’un, de récupérer un hôtel de ville, le contrôle sur le déneigement, les égouts, l’émission des permis, et d’hériter d’une mairesse à moitié barjo ou d’un maire mégalomane.
Des maires sans pouvoir décisionnel sur les dossiers que la loi a retirés du mandat des municipalités démembrées; des chefs de village éternellement voués au statut de membres de l’opposition dans un système qui, lorsqu’il s’appelait Communauté urbaine, a montré des failles plus béantes encore que celle de San Andreas.
Quoiqu’il paraît, si on en croit les palabres de Ma’am Boucher sur les ondes de Radio-Reny, que les lois, ça se change.
Ben oui, c’est ça. Rêvez toujours.
Mais vous savez quoi? Ce débat m’emmerde à mort. Au fond, je m’en crisse. Remixez-moi, changez ma ville, encore et encore, ne ramassez plus mes vidanges avant que ça sente jusqu’à Lac-Beauport et achetez-moi une souffleuse pour que je me fasse un chemin jusqu’à l’artère la plus proche, l’hiver prochain. M’en contrecrisse.
La seule vérité dans tout cela, c’est que ceux et celles qui ont signé les registres et qui voteront pour le démembrement lors d’éventuels référendums se battent contre des moulins à vent, contre un monstre dont on n’a pas encore pu déterminer s’il est aussi vil que les Don Quichotte défusionnistes le prétendent.
La bête est grosse, il paraît qu’elle pue et, comble de malheur, c’est Jean-Paul L’Allier qui la tient en laisse: alors abattons-la avant qu’elle ne fasse du tort, semblent-ils dire.
Car il ne s’agit pas d’une guerre de chiffres et d’études que, j’en ai l’impression, plus personne ne "truste" de toute manière. Et ça n’a, de toute façon, plus rien à voir avec le fric, mais tout à voir avec les gros ego et la démago.
Ce n’est qu’une guerre d’idées, mais des idées toutes croches auxquelles je ne comprends rien, et qui, par-dessus tout, ennuient plus qu’elles n’indignent.
Quoique je me trompe peut-être, vous avez été tellement nombreux à signer ces fameux registres…
Il y avait d’ailleurs quelque chose de pittoresque et de presque folklorique à vous voir faire le pied de grue et échanger des bons souvenirs.
Du genre: Te souviens-tu la fois où le maire nous a fourrés et s’est fait construire un patio avec notre argent?