Réfection de la rue Saint-Jean : Souffrir pour être belle
Piétons, automobilistes et cyclistes se verront offrir un beau cadeau pour le lancement de la saison estivale: une rue Saint-Jean refaite à neuf! Patience, patience…
Tout cycliste sait combien il était périlleux de dévaler la rue Saint-Jean dans sa portion intra-muros, dont les dalles de béton étaient sillonnées de profondes fissures. Un coup d’œil jeté à une belle sur le trottoir, une prise de guidon un peu lâche, un mouvement brusque vers le bas et les intrépides reprenaient douloureusement contact avec leur masculinité. Châtiment des dieux!
Les bipèdes aussi trouveront à se réjouir de ne plus risquer leur peau chaque fois qu’ils s’aventureront à descendre les pentes abruptes des rues Sainte-Ursule et Saint-Stanislas en hiver, dont les trottoirs de granit poli étaient de véritables patinoires, assure Jacques Perron du service des communications à la Ville de Québec. "Les dalles seront remplacées par un trottoir en ciment avec des empiétements de granit. Ce sera beaucoup moins glissant."
L’ancien revêtement de béton de la rue avait 25 ans et il était grandement temps de le refaire, admet M. Perron. "Le nouveau revêtement sera fait de pavés de béton interblocs semblable à celui de la rue Saint-Joseph." La pente de la chaussée sera aussi inversée et un caniveau central recueillera l’eau de pluie en remplacement des anciens caniveaux situés en bordure des trottoirs. Finies les douches impromptues pour l’innocent piéton aspergé par l’automobiliste insouciant!
Prendre son mal en patience
Les travaux amorcés à la fin d’avril devraient être achevés le 22 juin. En parfait accord avec le solstice d’été et l’éclosion de la saison touristique. Dans l’intervalle, la rue a néanmoins des allures de champ de guerre, et les citoyens, mais surtout les commerçants doivent prendre leur mal en patience. Selon Véronique Morency, serveuse au Pub Saint-Alexandre et représentante pour l’Association des marchands de la rue Saint-Jean, en dépit de petits irritants concernant les livraisons ou la collecte des ordures, les choses se déroulent plutôt bien. "La Ville et l’entrepreneur sont très ouverts et travaillent très fort pour nous accommoder."
Le populaire pub irlandais encaisse toutefois comme d’autres le coup des travaux. "Au début, on n’a pas vraiment ressenti de baisse. Mais depuis la semaine dernière, ça nous est rentré dedans. On coupe du personnel et des heures de travail", souligne Mme Morency.
"On souffre en silence. Ça complique la circulation, car la trajectoire change tous les jours. C’est un vrai labyrinthe, un endroit pour les sportifs!" déplore mi-sérieux mi-blagueur Steve Grigorakakis, propriétaire du Café Tatum, qui évalue à 25 % la baisse d’achalandage à cause du chantier.
Copropriétaire du restaurant L’Entrecôte Saint-Jean, Ginette Larochelle dit que les commerçants craignent les impacts négatifs des travaux, qui auront duré au total deux mois. "Surtout qu’on sait combien les commerçants de la Grande Allée avaient trouvé ça difficile, l’an dernier. En général, ils parlaient de baisse du chiffre d’affaires de 30 à 40 %. Et nous ne sommes pas très loin de ça en ce moment…"
De son côté, Rénald Gagnon, copropriétaire de l’épicerie Je-An-Dré Richelieu, se fait philosophe. "Il y a quelques petits irritants, mais ce n’est pas la Troisième Guerre mondiale, rigole-t-il avant de s’interroger. Les trottoirs ont été élargi. L’hiver, qu’est-ce que ce sera si on laisse la neige deux jours sur le bord de la rue? Les camions de livraison vont bloquer la circulation…"
Malgré tout, M. Perron reste optimiste: "Comme on l’a vu par le passé avec les travaux sur d’autres artères commerciales, les commerçants observent par la suite une augmentation de leur chiffre d’affaires, car la rue a un plus beau cachet", estime-t-il.
"Tout ça si on ne trouve pas le cercueil de Champlain! On en aurait alors pour des années avant de savoir ce que les archéologues décideraient de faire de la rue Saint-Jean. Un musée ouvert ou je ne sais quoi…" conclut avec humour M. Grigorakakis.