Being Ron Jeremy : Par ici la sortie
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Being Ron Jeremy : Par ici la sortie

RON JEREMY, improbable porn star grassouillette, incarne son propre rôle dans une comédie réalisée par BRIAN BERKE, Being Ron Jeremy, qui figure cette année au programme de Comedia. NELLY ARCAN a visionné le film et médité sur le  phénomène.

Qui est Ron Jeremy? C’est la grosse queue de service apparue, depuis le début des années 80, dans plus de 1000 films pornographiques. Ce n’est que la semaine dernière que j’ai appris que tout le monde le connaissait, et que ce tout le monde paierait cher pour être, le temps d’un tournage, dans ses culottes.

Le premier réflexe, en voyant Ron Jeremy, est de ne pas croire en sa renommée de porn star. Puis vient cette réflexion inquiétante: en considérant que la pornographie doit permettre aux consommateurs de prendre leur place dans la mise en scène, qu’elle doit les mettre à l’aise en face de l’écran et les intégrer à l’action, peut-on dire que ces consommateurs ressemblent en majorité à Ron Jeremy? Peut-on dire que Ron Jeremy est une sorte de Homer Simpson du sexe? Ou encore que, dans cette industrie, la laideur n’est pas considérée comme un repoussoir mais, bien au contraire, comme un moyen de se reconnaître?

Il semblerait que la laideur, dans la pornographie, soit plutôt confortable.

C’est enfin ce que Being Ron Jeremy laisse entendre, mine de rien. Comme vous l’avez sans doute deviné, il s’agit d’une parodie du célèbre film Being John Malkovich de Spike Jonze, où il est possible d’entrer dans la peau de quelqu’un en passant par une trappe. Une fois dans la trappe, les "visiteurs" sont aspirés par le corps de John Malkovich, où ils passent du bon temps avant d’en être éjectés et d’atterrir sur le bord d’une autoroute. Sauf que, dans Being Ron Jeremy, la trappe magique ne se trouve pas derrière un classeur, mais dans un isoloir de peep-show, et elle n’est pas découverte par un marionnettiste idéaliste, mais par un stand-up comic (Brian Berke) paumé, rejeté des femmes, et de surcroît puceau. Ron Jeremy, devenu à son insu une sorte de médium entre tous les éjaculateurs précoces de Venice Beach et les porn stars femelles, se révèle un commerce très lucratif…

Mais attention, l’opération n’est pas sans danger. L’aspiration des "visiteurs" se produit dans un tunnel visqueux d’une substance morveuse, et les jette directement dans le point de vue de Ron Jeremy, qui, comme on est en droit de s’y attendre, tire professionnellement un coup du matin au soir. Après avoir profité du corps de Ron Jeremy, et fait échouer ses performances sexuelles par un manque de contrôle, les "visiteurs" sont éjectés d’un pet de son système digestif, et tombent droit dans un bac à ordures.

Depuis la découverte de la trappe menant à Ron Jeremy, celui-ci est "habité" en permanence par une foule de baiseurs amateurs, et devient précoce. Ce handicap l’empêche vite de tourner les scènes jusqu’au bout: on le met de côté, et sa carrière est alors compromise.

Puisque le fil de l’histoire de Ron Jeremy suit point par point celle de John Malkovich, on ne peut s’empêcher d’attendre le moment cauchemardesque où Ron Jeremy trouvera sa propre trappe et sera happé par lui-même. Du côté Malkovich, on se souvient de la multiplication de sa tête qui répète: "Malkovich, Malkovich, Malkovich". Côté Ron Jeremy, même chose, sauf que, là-dedans, on répète: "cock, cock, cock".

L’intérêt de cette comédie, qui ne propose aucune innovation par rapport au film original, et qui exploite grassement tous les clichés, réside dans son humour à la South Park. Il est efficace, à condition que l’on sache l’accepter, et tirer un sens de son côté scatologique.

Le looser masqué
Si Ron Jeremy intrigue à ce point, ce n’est pas parce qu’il a joué dans un nombre invraisemblable de films pornos, mais bien parce qu’il a joué dans un si grand nombre de films alors qu’il est absolument repoussant.

Ron Jeremy incarne un fantasme assez connu chez les hommes, qui consiste à faire tomber les femmes, peu importe lesquelles, en s’épargnant le travail de la séduction: "When you see a gorgeous guy getting all the girls, the audience goes "So What?" You see a schlub like me get lucky and it’s like there’s hope for everybody else."

Le défi de Ron Jeremy, c’est celui du nerd boutonneux en face de la top cheerleader de son école. Contrairement à ce qu’on en dit, ce n’est pas aux femmes qu’il plaît, mais aux consommateurs de pornographie qui voient en lui la possibilité d’une réussite auprès de femmes qui se donnent sans condition. Et ce n’est pas l’espoir de conquérir toutes ces femmes qu’il propose, mais celui de se branler solo sur elles…

Il est pourtant loin d’être con. Jouant de son image en en exacerbant le côté petit bouffon, il reste toujours conscient de l’illusion de puissance qu’il représente. Ron Jeremy, c’est aussi la loupe grossissante d’une réalité sociale.

C’est, du moins, ce qu’il nous montre entre les lignes dans Being Ron Jeremy.

Le 22 juillet
Au Cinéma L’Amour