Société

Ennemi public #1 : Le bilan

Ça fait des semaines que vous me tannez pour savoir ce que j’ai pensé de la programmation du Festival d’été.

Nul doute que certains d’entre vous se souviennent de la rince que je lui ai servie l’an dernier, constatant que l’événement comptabilisait plus de rides qu’une fumeuse quinquagénaire qui prendrait trop de bains de soleil.

Et puis vous aimez le sang, je le sais. Quand il gicle dans cette chronique, c’est là que vous vous excitez le plus. Donc, du début à la fin du Festival d’été, vous étiez comme des mouches qui voulaient savoir s’il y aurait un cadavre à butiner, si carnage il y aurait:

-Vas-tu les planter?

-C’est poche, hein?

-Fuck man, Star Académie, y penses-tu?

Bon, pour ça, effectivement: fuck! Et même re-fuck.

Mais appelons ça une incartade. Une fugace tentative d’ameuter le bon peuple. Une posture qu’on devinait déjà dans les intentions de la direction depuis quelques mois.

Aussi, j’aurais pu signer ce bilan avant même que le Festival ne soit terminé. D’autant que je n’y ai pas mis les pieds de jeudi à dimanche, lui préférant l’Off Festival d’été qui proposait une étonnante programmation, concoctée en quelques semaines à peine par des fous magnifiques. Mais aussi, plus cruellement, parce que cette édition était en quelque sorte finie avant même d’avoir commencé.

Je sais, c’est chien, mais il suffoquait l’an dernier, ce Festival, puis les organisateurs lui ont donné un coup de respirateur médiatique il y a quelques mois, nous promettant la lune pour les années à venir, se sauvegardant des critiques en condamnant du même coup les mélomanes, cette année, à une déception certaine.

D’ailleurs, je ne suis pas encore tout à fait certain si les quelques bons moments des Bérus, Wyclef, Stefie Shock, Wampas (pour ce que j’ai pu en voir) et Violent Femmes peuvent faire oublier l’horreur induite par la seule idée d’une rencontre entre Gino Quilico, Corneliu et Helmut Lotti. C’est que la médiocrité sertie de paillettes m’aveugle.

Mais trêve de fausses notes dans ce concert d’éloges que reçoit actuellement le Festival.

Oublions sa programmation qui s’oriente vers des "événements à caractère musical", parfois au détriment de la musique elle-même, et parlons justement de l’événement.

Car s’il y a une gloire à laquelle puisse vraiment prétendre le FEQ, c’est bien d’avoir ramené le groove dans les rues de Québec. La Grande Allée fermée à la circulation automobile, idem pour la rue Saint-Jean, les terrasses prenant ainsi de l’expansion; une petite scène apparaissant au coin d’une rue; des punks couverts de boue, l’air de golems anarchistes, défilant devant les clients ahuris du Dagobert; la rue D’Artigny investie par une foule venue entendre les hymnes de son adolescence et hurlant le refrain de Blister in the Sun: tout cela était proprement superbe.

Je n’y peux rien, ces rassemblements populaires me laissent tout chose. Ils me donnent l’impression que, dans le train express qui nous emmène vers la mort, nous quittons un moment nos sièges individuels pour investir le wagon-restaurant et y foutre le bordel. Tous ensemble.

La musique n’y est plus qu’un prétexte. Parfois à vendre de la cochonnerie – dont des billets de loto ou des cigarettes dans un stand en pleine rue! -, mais aussi, plus noblement, à nous rencontrer.

On sera donc avertis pour les années à venir: ceux qui souhaiteront prendre un bain de foule trouveront leur compte au Festival d’été. Les mélomanes en quête de découvertes, eux, seront de l’Off.

Alors, pas trop déçus, les amateurs de carnages?

ooo

Bâtard que c’est difficile de se faire comprendre quand on fait dans la nuance.

Alors pour ceux qui n’ont pas saisi ma chronique de la semaine dernière, je répète en termes clairs: la décision du CRTC crée-t-elle un dangereux précédent? Je le crains, oui. Sauf que ça ne m’empêche pas d’être bêtement humain (sic) et de pousser un soupir de satisfaction en voyant quelqu’un que je déteste se péter la gueule.

La raison commande que je m’indigne de la décision du CRTC et que j’appuie CHOI, mais mon cœur réclame une fête.

Malhonnête, vous dites?

Au contraire, impossible d’être plus honnête que ça.