Artefacts de la Nouvelle-France conservés dans les excréments : Cacarchéologie
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Artefacts de la Nouvelle-France conservés dans les excréments : Cacarchéologie

On connaissait la conservation des objets par le froid et par la chaleur. Voici maintenant la conservation par le caca. En fouillant les latrines situées près du site du Palais de l’Intendant dans le Vieux-Québec, une équipe d’étudiants en archéologie de l’Université Laval a mis au jour de nombreux artefacts datant du XVIIIe siècle en quasi parfait état de conservation.

"Comme les tourbières ou les fonds abyssaux, les matières fécales réunissent les conditions idéales de conservation", expliquent Marie-Annick Prévost et François Ponton, assignés chefs de fouilles Latrines côté ouest. Enfouis dans leur écrin d’excréments, à l’abri de l’air, de la lumière et des perturbations du sol, les objets ont échappé à leur destin d’humus.

Ce ne sont ni des Indiana Jones ni des Lara Croft en puissance qui ont creusé pour la première fois les lieux d’aisance du site archéologique de l’Îlot des Palais, ouvert depuis les années 1980. Ce sont plutôt 4 étudiants à la maîtrise et 14 autres au baccalauréat qui ont conjugué leurs efforts durant leur stage de fouilles de cinq semaines cet été.

Objectif: trouver des artefacts, objets fabriqués par l’homme, et des écofacts, os et traces de végétaux, sur les lieux du Deuxième Palais de l’Intendant, construit en 1716. Dans le carré de fouilles Latrines, "on a trouvé du beau matériel datant de 1780-1790, contemporain à l’occupation britannique", estime M. Ponton.

Faisant fi du mauvais temps et de l’odeur, ils ont extrait de leur cercueil fécal moult fragments d’objets de verre et de céramique. Coupes à vin, choppes de bière, gobelets, assiettes et plats de service font partie du trésor. Parmi ces artefacts hétéroclites, des pots de chambre ébréchés, une paire de souliers en cuir et le cadre de bois formant les fosses d’aisance ont été récupérés.

La récolte d’écofacts a aussi été bonne, car de nombreuses graines de prunes, de framboises, de bleuets et de fraises ont été préservées. Ces dernières seraient des restes de confitures ratées.

L’état de conservation des artefacts est jugé exceptionnel, car généralement, peu de matériaux organiques, comme la céramique amérindienne, résistent au climat tempéré du Québec.

C’est le cas d’un plat de service, alias le plat à lasagne, dont les trois tessons ont été retrouvés et réunis en un seul morceau. Il s’agit d’une réalisation locale inspirée des céramiques importées par les Anglais après la Conquête de 1760.

Ces vestiges du passé dévoilent une nouvelle facette de la capitale nationale. Fermées à Québec au 19e siècle au profit du système d’égouts, les latrines faisaient également office de poubelles. Les "gadouards", vidangeurs de l’époque, se donnaient le droit de récupérer leur contenu (pièces de monnaie, montres et bijoux) et de faire chanter les coupables d’infanticides qui avaient jeté les corps dans les toilettes.

Les archéologues n’hésitent donc pas à jouer les "fouille-merdes" afin de mieux connaître les mœurs, les habitudes alimentaires et l’hygiène des habitants de la Nouvelle-France, ainsi que les objets qui peuplaient leur quotidien.

De nos jours, ces précieuses découvertes sont soigneusement nettoyées, numérotées et répertoriées dans un inventaire. Remontées comme des puzzles, elles finiront leurs vieux jours dans un musée ou rangées au chaud dans un tiroir.

Le site de l’Ancien Palais de l’Intendant a hébergé tour à tour une caserne militaire, un hangar, une cour à bois et une brasserie, jusqu’en 1976. Il continuera de révéler son histoire chaque année. Marie-Pier Desjardins et Catherine Lavoie, les deux autres étudiantes chargées des fouilles, ont mis au jour d’autres latrines, qui attendent d’être creusées l’an prochain. Des volontaires?

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