Convention Républicaine à New York : Necropolis Adieu..!
Société

Convention Républicaine à New York : Necropolis Adieu..!

Quatre-vingt-trois pour cent des New-Yorkais ne veulent pas que leur ville soit l’hôte de la convention républicaine, qui risque de polariser définitivement l’électorat en faveur de Bush. En choisissant pourtant New York, les stratèges ont fait preuve d’un cynisme et d’un opportunisme qui les poussent même à se jeter dans la gueule du loup. Notre ami TED RALL jette un regard cruel et utopiste sur ce qui sera l’évènement socio- politique planétaire de la rentrée. Éditorial-fiction?

Les touristes sont toujours agréablement surpris lorsque les New-Yorkais s’avèrent être aussi amicaux et polis que le reste du pays. Toutefois, les délégués à la Convention Nationale Républicaine ce mois-ci ne devraient pas s’attendre à un accueil new-yorkais habituel.

Les délégués Républicains, considérés comme membres d’une armée envahissante et hostile venue ici pour le couronnement de George W. Bush, ne sont pas les bienvenus. Tout comme les pauvres types qui ont versé leur sang dans les déserts du Moyen-Orient, ces délégués auront droit à de fausses indications géographiques. Des objets leur seront lancés. Des enfants leur cracheront à la figure. Ils ne seront pas accueillis comme des libérateurs.

Conscients que le territoire est stérile aux idéologies anti-urbaines, ouvertement racistes et misogynes de leur parti, les leaders Républicains ont sagement évité la ville de New York pour le déroulement de leurs conventions pendant 150 ans. Même si le reste des État-Unis fait une crise de nerfs, nous resterons aussi libéral que la République populaire de Californie: moins de 18% des citoyens faisant partie des cinq arrondissements de New-York (incluant l’arrondissement assez conservateur de Staten Island) ont voté pour l’équipe Bush/Cheney en 2000.

Mais le stratégiste à la Maison Blanche, Karl Rove, prévoit que l’exploitation de l’événement du 11 septembre 2001 servira encore d’appât pour attirer les gains politiques nécessaires pour mener Bush à la victoire en novembre. Ça veut dire que toute la foire se rendra à environ 5 kilomètres du trou où les tours se sont effondrées, où la plupart des victimes ont été brûlées, suffoquées, empalées et pulvérisées.

La Convention Nationale "nécropublicaine" 2004 a lieu un mois plus tard que prévu, soit du 30 août au 2 septembre. Le timing est bien choisi car il faut battre le fer pendant qu’il est chaud. Le plan original était que Bush fasse la navette entre le Madison Square Garden et Ground Zero pour une de ses fameuses "sessions-photos", juste à temps pour l’anniversaire des attaques du 11 septembre. Il y a quelques mois, les visites du président au site furent discrètement annulées après la réaction des survivants, ayant exprimé leur dégoût à l’idée. Mais il était trop tard pour changer les dates.

Ici, le sentiment anti-Républicain atteint un seuil critique à l’approche de cet événement attendu avec appréhension. Un sondage cité par les émissions des stations de télévision locales affiliées au réseau ABC démontre que 83 % des new-yorkais ne veulent pas que leur ville soit l’hôte de la convention Républicaine et plusieurs d’entre eux n’ont pas l’intention de se laisser faire.

Rejetant l’appel de l’ex-maire Ed Koch d’être "aimable" avec un parti qui a utilisé la mort de 2 801 new-yorkais (la plupart étaient des Démocrates) pour offrir des réductions d’impôts aux riches, pour bâtir des camps de concentration à Guantánamo et Abu Ghraib, pour envahir l’Iraq et pour enrichir Dick Cheney et ses cadres d’Halliburton, certains groupes sont en train d’encourager les New-Yorkais à tendance plutôt libérale à offrir leurs services à l’escouade officielle d’accueil. Des cartes de la ville et du métro seront savamment modifiées et offertes par des hommes blancs épais couverts de macarons. D’autres saboteurs, portant de faux t-shirts à l’effigie de la convention, dirigeront les visiteurs vers des quartiers où la politique de Bush a été la plus désastreuse. Il paraît même que des prostituées souffrant de maladie transmises sexuellement chercheront à décourager leurs clients Républicains de porter le condom.

On attend entre 250 000 et 1 000 000 de manifestants anti-Bush à Manhattan. La ville n’arrive pas à s’entendre avec les organisateurs de manifestations sur l’endroit où le tout se déroulera: Les militants disent qu’il dirigeront les manifestants vers Central Park – leur site de choix -, tandis que la ville menace de faire des arrestations massives. Pour couronner le tout, il y a une possibilité de grève sauvage des policiers et des pompiers de la ville. Comme si l’affaire n’était pas assez tordue, le FBI voyage présentement à travers les États-Unis et harcèle les membres de groupes gauchistes qui planifient participer aux manifs de la Convention Républicaine de New York.

Des policiers "briseurs de grève" et de la sécurité recrutée au privé pourront peut-être garder les militants loin du Palais des congrès. Mais les républicains qui osent s’aventurer à l’extérieur du Madison Square Garden mériteront certainement quelques claques que les New-Yorkais auront le plaisir de distribuer. Il est vrai que l’administration Bush a éventuellement craché 20 millions de dollars pour venir en aide à la ville après le 11 septembre. Mais cette somme – équivalente aux coûts d’occupation de l’Iraq pendant 4 mois – ne fait qu’effleurer les dépenses que peut générer un tel désastre. Il faut calculer le temps supplémentaire des policiers, le dégagement des débris et la reconstruction des stations de métro et des tunnels endommagés. L’économie new-yorkaise ne fait que commencer à s’en remettre : pendant que le taux de chômage national vogue autour de 6 %, la ville de New York se tient autour de 8 %. Le maire Républicain, Michael Bloomberg, est contre presque toutes les décisions prises par l’administration Bush concernant la ville de New-York.

Plus ignoble encore que la négligence urbaine de Bush est son échec face à sa promesse de venger les victimes du World Trade Center, tel que déclaré le 14 septembre 2001, avec des pompiers prenant le temps de poser avec lui sur la pile de débris. Après le désastre, Al Qaeda et Osama Ben Laden étaient au Pakistan. Ils reçurent du financement de la part de l’Arabie Saoudite et du Pakistan. Les 19 pirates de l’air, organisés par le Jihad Islamiste Égyptien, étaient égyptiens et saoudiens. Mais Bush n’a attaqué ni le Pakistan, ni l’Arabie Saoudite ou l’Égypte. Il s’en est prit à l’Afghanistan et à l’Iraq à la place, des peuples qui n’avaient rien à voir avec le 11 septembre. Il a cru bon par contre d’offrir des opportunités d’affaires au parti Républicain – des intérêts pétroliers bien connectés. C’est incroyable, il a siphonné plus d’argent et d’armes aux Égyptiens, aux Saoudiens et aux Pakistanais.

Bush a non seulement laissé les terroristes filer, il a augmenté leurs salaires.

Si le parti Républicain possédait une fraction de la dignité et du sentiment de patriotisme que le parti de Lincoln avait autrefois, Bush aurait été jeté par-dessus bord et remplacé par un candidat plus intéressé par la défense de son pays que par ses riches donateurs. Les Républicains sont devenus des néo-fascistes et c’est pourquoi les New-Yorkais leur crieront à la gueule: rentrez chez vous!