ATSA : Éveilleurs de consciences
Société

ATSA : Éveilleurs de consciences

Les "terroristes" de l’ATSA seront en ville cette semaine avec la ferme intention de fomenter un attentat à la voiture piégée. Attention, art-action.

Selon les informations obtenues, c’est à place D’Youville que le coup d’éclat devrait avoir lieu. La cible: un véhicule utilitaire sport (VUS) dont la carcasse fumante sera livrée au regard des passants du 16 au 19 septembre.

Après six sorties à Montréal, l’Action terroriste socialement acceptable (ATSA) s’amène ainsi à Québec pour la première fois afin de réaliser Attentat no 7, une mise en scène d’un attentat à la voiture piégée dont le but est de provoquer une prise de conscience sur les problèmes environnementaux, sanitaires et sociopolitiques causés par notre "hyper-dépendance au pétrole". Les fondateurs de l’ATSA, les artistes Pierre Allard et Annie Roy, seront sur place pour rencontrer les gens et débattre du sujet.

Quintessence du véhicule polluant à cause de sa grande consommation de pétrole, le VUS (ou véhicule ultra-smog!) est ici livré en pâture à la foule tel un symbole. Qualifier d’utilitaire ce type d’engin n’est que supercherie et mensonge, selon Annie Roy. "Un VUS »utile » est un VUS mort! Les VUS sont une nuisance publique. Ils sont énormes, provoquent davantage d’accidents et polluent de deux à trois fois plus qu’une voiture ordinaire. Il n’y a aucun rapport entre la prolifération de ces véhicules et les idéaux du Protocole de Kyoto. Les gens se disent qu’ils pourront faire du hors route avec leur 4 x 4, mais ils n’en font pas. Le VUS est un leurre, un symbole d’arrogance et d’opulence qui nous écœure. Ce n’est pas un vrai besoin."

À l’intérieur de la carcasse se trouvera un téléviseur sur l’écran duquel défilera une vidéo-manifeste expliquant les réclamations des artistes-terroristes, parmi lesquelles: le lancement d’une campagne d’information sur la nature réelle des VUS et le "mal-fondé" de leur existence; l’obligation pour l’industrie automobile de dévoiler dans ses publicités les taux de gaz à effet de serre (GES) générés par ses véhicules; la vérification obligatoire de l’état de tous les types de véhicules lors du renouvellement de la plaque d’immatriculation et l’aide à l’achat de véhicules "propres".

TOUS COUPABLES

Consommateurs, industrie automobile et gouvernements sont coupables de négligence et doivent changer leur comportement, selon Mme Roy. La consommation excessive de pétrole cause des préjudices non seulement à l’environnement, mais aussi à la santé humaine, en plus d’être un enjeu géostratégique central à l’origine de la guerre d’Irak, par exemple. "Le pétrole tue. Le gouvernement devrait informer les citoyens des effets de l’achat de ces véhicules. Quand le gouvernement a décidé d’agir sur la cigarette, il a fait disparaître les publicités à la télé et il a établi des lois très sévères dans les restaurants. Il faudrait aussi rendre la vie difficile aux VUS. Les gens ne font pas un choix éclairé dans l’achat de leur véhicule. La seule information qu’ils ont en ce moment, c’est de la pub, et ça, ce n’est pas de l’information. On pourrait interdire l’entrée en ville de ces véhicules, établir des postes de péage pour eux et tripler les primes d’assurances. Les gens se diraient alors: "On n’achète pas ça!""

Récusant l’étiquette d’extrémiste, l’ATSA se dit en faveur d’une utilisation raisonnable de l’automobile. Mme Roy admet d’ailleurs qu’elle et son conjoint possèdent tous deux une voiture, qu’ils n’utilisent qu’à l’occasion. "On est très fiers lorsqu’on n’a pas utilisé notre véhicule durant une semaine. Si tout le monde faisait ça, il y aurait une grosse différence. Mais les gens ne sont pas tout à fait convaincus et chacun a le goût de maximiser son identité et son pouvoir individuel."

ART ENGAGÉ

Le mouvement croit fermement que l’art n’a pas qu’une fonction contemplative, qu’il doit se décloisonner, descendre sur la place publique et agir en tant que détonateur de débats sociaux. "On croit à l’art comme outil de réflexion et de critique sur le monde. L’art doit être intégré dans notre vie quotidienne, être vécu comme une expérience. On joue beaucoup avec les symboles d’actualité pour que les gens soient toujours en rapport avec des éléments connus, pour créer un sentiment d’appartenance. Par les valeurs qu’on véhicule, on veut encourager les gens à être des citoyens responsables", poursuit Mme Roy.

Comment les gens réagissent-ils face à vos œuvres? "Cela varie du tout au tout. Certains tripent au boutte parce qu’ils sont d’accord avec nous. D’autres se sentent vraiment attaqués dans leur consommation parce qu’ils ont un VUS. On a des discussions souvent enflammées, mais tout le monde admet que ça pollue…" continue Mme Roy, qui se targue d’avoir convaincu une personne de vendre son 4 x 4 à la suite d’une discussion.

NOMBREUSES CAUSES

Fondée en 1997, l’ATSA n’en est pas à ses premiers coups d’éclat, loin de là. C’est en décembre 1997, alors que Montréal se crispe sous le froid hivernal, qu’Allard, spécialisé en arts visuels, et Roy, issue du milieu de la danse, mènent leur première intervention urbaine avec La Banque à bas. Postés devant le Musée d’art contemporain, les artistes incitent alors la population à venir déposer ou retirer des "vêtements chauds" dans des cuisinières recyclées symbolisant des guichets automatiques. L’objectif est de dénoncer à la fois les profits faramineux des banques et l’augmentation continue du nombre d’itinérants, d’où le titre en forme de jeu de mots (la banque à bas, à bas la banque).

Depuis, une quinzaine de projets mobilisateurs furent menés, dont Attention: zone épineuse, rappelant la précarité des forêts, Je suis le nombril du monde, dénonçant la violence faite aux enfants, et État d’urgence, un événement récurrent depuis décembre 1998 visant à contrer l’exclusion et l’itinérance, qui se tiendra de nouveau cette année. "Plus d’un milliard de personnes vivent sans toit sur la planète. L’année dernière, le sous-titre était »Un milliard sans toi ». Ce qu’on veut, c’est que les gens se posent des questions sur leur appartenance à la communauté et à la planète. L’art aussi peut informer et ouvrir les consciences", conclut Mme Roy.

Vous pourrez rencontrer Annie Roy et Pierre Allard du 16 au 19 septembre à place D’Youville.
www.atsa.qc.ca