Temps dur : Les portes du pénitencier!
Société

Temps dur : Les portes du pénitencier!

Jean Marc Dalpé a scénarisé Temps dur, la télé-série de l’automne à Radio-Canada. Sortira-t-on du schème des bons-méchants et des méchants bons ?

Dans le dictionnaire du taulard moderne, faire son temps dur exprime "la douleur morale, la dépression, la souffrance". "C’est le moment le plus ardu, explique le scénariste de la série Temps dur, Jean Marc Dalpé. Quand les gars font leur temps dur, c’est qu’ils sont en train de se regarder le fond de l’âme…"

Franco-ontarien d’origine, Jean Marc Dalpé pousse sa plume depuis presque trois décennies. Diplômé du Conservatoire d’art dramatique de Québec en 1976, à la fois poète, comédien et dramaturge, il a évolué dans le monde du théâtre en Ontario pendant plusieurs années, avant de s’installer à Montréal. Trois fois lauréat du Prix du Gouverneur général [pour son roman Un vent se lève qui éparpille (2001) et ses pièces Le Chien (1988) et Il n’y a que l’amour (2000)], il cartographie l’univers des écorchés de la vie. Dalpé, c’est la petite pègre de la pièce Trick or Treat (1999). C’est le proprio d’un "greasy spoon" de l’Est de Montréal de la pièce Eddy (1993). C’est un franc-parler aux accents franglais. Ce sont des personnages à la dérive, des marginaux, des fuckés. Jamais trop bons, jamais trop méchants.

CONDITIONNELLE LIBERTÉ

Pas étonnant, donc, que les producteurs Jacques Blain et Richard Speer (Cirrus) l’aient approché pour scénariser Temps dur. Au départ, celui-ci a pourtant refusé net. "Le sujet [le monde carcéral] ne m’allumait pas particulièrement, confie-t-il. Et comme je venais d’écrire Trick or Treat [quelques personnages étaient des criminels], j’avais envie d’explorer un autre milieu." Il acceptera finalement, mais à deux conditions: qu’on lui laisse carte blanche et qu’on lui donne du temps… pour écrire, s’entend!

D’après une idée élaborée par France Paradis, une journaliste, et Michel Charbonneau, un détenu qui purge toujours sa peine à l’Institut Leclerc (Laval), Temps dur se veut d’abord un portrait réaliste du monde carcéral. "France et Michel voulaient amorcer le projet parce qu’ils étaient tannés de voir à la télé ou dans les films une représentation du milieu carcéral qui date, ou toute croche…, soutient Jean Marc Dalpé. Je leur ai promis de respecter l’impulsion première." Temps dur, c’est deux histoires en dix épisodes. Celle d’Alain Bergeron (Robin Aubert), p’tit pouilleux, détenu, mari et père d’un enfant, qui vit son temps dur. Et celle aussi de Franco Castigliani (David Boutin), jeune détective, suffisant au possible, qui cherche à résoudre un crime commis contre une agente de libération conditionnelle. Autour du personnage central qu’est Bergeron, s’éclate une riche galerie de visages que l’on découvrira à chaque épisode. Il y a Jackie Hétu (Alexis Martin), un détenu père de famille qui dénonce ses "collègues" pour mieux négocier sa libération. Stan Boulet (Raymond Bouchard), le chef des Archanges (aucun lien avec les Hell’s Angels – sic), aussi calme et sympathique que profondément inquiétant. Paul Beaupré (Germain Houde), un tueur au lourd passé, converti à la foi chrétienne.

Pour arriver à faire de cette histoire un reflet le plus fidèle possible de la réalité, Dalpé a travaillé en étroite collaboration avec Michel Charbonneau, le détenu à l’origine du projet. "C’était un trip, raconte le scénariste. Je travaillais avec lui par courrier postal (il n’a pas accès à Internet). Je lui envoyais donc les textes par la poste et il me les renvoyait avec ses notes, ou j’allais le visiter en dedans."

Le résultat: la prison comme vous ne l’avez jamais vue… "En présentant le milieu carcéral de façon plus réaliste, il va certainement surgir un débat dans la société, espère Jean Marc Dalpé. La série n’est pas construite sur le modèle "bons policiers, méchants bandits", ni le contraire d’ailleurs. Ce n’est pas The Shawshank Redemption, mais la vision d’une réalité que les gens connaissent très mal." Oubliez, donc, les clichés des prisonniers dépeints comme les victimes d’un "système", ou encore les écroués présentés comme des chiens finis. Les personnages de Temps dur vivent avec leurs contradictions, leurs forces et leurs faiblesses.

Y aura-t-il une suite à la série? Elle serait en "développement actif", selon Jean Marc Dalpé. "J’ai proposé à Radio-Canada l’idée d’une trilogie. Dans le tome II, on ne serait plus avec Alain Bergeron. Ce serait une autre histoire, mais qui se passerait toujours dans le milieu criminel. Pour le moment, le point de départ, c’est quelqu’un qui est en libération conditionnelle." À suivre.