Société

Ennemi public #1 : Québec pour les nuls

Chers amis américains, J’ai récemment appris qu’à la suite de la victoire de George W. Bush le 2 novembre dernier, vous seriez nombreux à vouloir immigrer au Canada, convaincus d’y trouver un paradis de la gauche, un modèle d’équilibre entre le social et l’individu.

Vous auriez même engorgé nos sites Internet consacrés à l’immigration, gonflant du coup notre ego de plusse meilleur pays du monde. Et pour cela, nous vous remercions.

Mais avant de faire le grand saut jusqu’ici, permettez-moi, à l’instar de mon collègue David Beers du webzine Salon, de péter votre balloune, celle-ci ayant peut-être été un peu trop gonflée par Michael Moore et Ralph Nader.

Et quand je dis ici, je parle bien sûr du Canada, mais plus précisément de Québec, ville où je vis et travaille. Une ville que je croyais plutôt bien connaître, jusqu’à tout récemment.

Heureusement, certains médias m’ont ouvert les yeux. À commencer par ceux de Montréal qui ont su me rappeler le caractère à la fois pittoresque et villageois de notre ville de taille moyenne. Mais aussi grâce à nos médias locaux qui entretiennent trop bien cette image, peut-être sans le vouloir, confondant leurs propres ambitions, leur désir de rejoindre un public toujours plus vaste et les véritables aspirations de la population.

C’est d’ailleurs avec l’un d’entre eux que mon illumination a débuté la semaine dernière, à l’écoute d’un reportage aux nouvelles du souper à TVA. J’y apprenais que ce ne sont pas les politiciens qui dirigent la ville, mais deux animateurs de radio. Vous en avez peut-être entendu parler, le New York Times a justement consacré un article à l’un d’eux récemment.

En fait, j’y ai surtout appris que nos aspirants politiciens municipaux ont si peu de couilles qu’ils craignent de se présenter à la mairie de peur de se faire traîner dans la boue, sur la place publique, par ces deux monstres dangereux.

Vous avez bien lu, j’ai dit dangereux. Et pas juste un peu. Imaginez, ces deux énergumènes, pas moins à droite que Rush Limbaugh, dominent le paysage radiophonique et font la machette – euh pardon, la manchette – plus souvent qu’à leur tour. On leur attribue tellement de maux qu’on croirait qu’il s’agit de deux des plaies d’Égypte.

J’ai même lu dans Le Soleil, un quotidien de Québec, que l’influence de l’un d’eux s’étendrait jusque dans les vestiaires de hockey – lieu de culte canayen – où les joueurs se raseraient désormais tous la poche, suivant les préceptes de leur animateur favori. C’est dire si nous sommes descendus bas…

Par ailleurs, ce même animateur m’aura quand même éclairé lui aussi sur la vraie nature des Québécois qui, paraît-il, ont applaudi quand se sont effondrées les tours du World Trade Center. Québec est gauchiste, mais aussi pro-Ben Laden, le saviez-vous, ça? Est-ce vraiment avec ces gens que vous souhaitez vivre?

Mes amis, je vous sens déjà perdre de l’intérêt pour notre capitale carte postale unilingue francophone et je m’en voudrais de ne pas vous achever et ainsi vous convaincre de lorgner définitivement du côté de Moosejaw ou Thunder Bay.

Pour ce faire, allez donc lire le dossier spécial étalé sur quatre jours que ce même journal Le Soleil consacrait à notre ville. Petitesse d’esprit, fermeture sur le monde, impossibilité d’accepter ne serait-ce que nos saisons froides: sachez-le, notre intolérance n’a d’égale que la démesure soporifique de nos journaux.

En terminant, chers États-Uniens errants, laissez-moi vous confier quelque chose: si vous souhaitez quitter votre pays parce que vous croyez que les autorités et les médias vous traitent avec mépris et qu’ils insultent votre intelligence, ne vous leurrez pas, les nôtres font pareil.

Ici aussi, on nous prend pour des abrutis. Et ici aussi, nous en redemandons.