Société

Ennemi public #1 : La grosse connerie

C’est lundi soir, TQS, au Grand Journal.Je viens d’apercevoir la gueule de l’ami d’un ami, super fin, bon médecin paraît-il. Faque j’écoute pour savoir ce qu’il raconte. C’est un débat sur l’obésité.

J’en ai manqué des gros bouts, dont tous ceux où le type que je connais parlait, mais je crois être tombé sur l’essentiel. Ou plutôt, sur le plus grave: au téléphone, Denis Lévesque – c’est l’animateur – s’entretient avec madame Chose, porte-parole d’un organisme quelconque. Ils discutent de l’obésité des enfants.

Et là, peut-être même sans le savoir, comme si de rien n’était, la bonne femme lance une bombe.

Un discours plus dangereux que tous les Big Mac du monde, plus nocif que cinq litres de Coke administrés par intraveineuse, plus dommageable que 70 chaussons aux pommes deep-fried, pire que 10 grosses cuillérées de Crisco.

La question du jour était: Les obèses sont-ils responsables de leur poids?

La réponse? Impossible d’arriver à une seule. Il y a des obèses qui ont un dérèglement glandulaire, une mauvaise détermination génétique, ou encore une maladie mentale, une insatiabilité pathologique qui les pousse à manger tout le temps. Bref, il y a mille maladies de l’appétit et du gras du bide.

Mais madame Chose, elle, parle du monde ordinaire, pas des malades. Elle parle des parents des enfants obèses qui se multiplient. Elle dit que c’est pas leur faute si leur progéniture grossit, que ce serait plutôt celle du train de vie effréné de nos existences modernes, que les parents n’ont plus le temps de faire à manger aux enfants et les amènent donc au resto. Les moins chers, donc les plus gras.

Sa solution pour contrer le phénomène? Légiférer les fast-foods, les empêcher de produire de la malbouffe.

Une bombe, je vous disais. Une bombe de stupidité, oui.

Je garoche mes pelures de clémentines sur la télé, j’injurie la conne en cherchant un stylo pour noter son nom quelque part. En vain.

J’engueule ma télé: et le gros qui s’enfile une boîte de Jos Louis, c’est la faute aux gâteaux Vachon tant qu’à y être? La toutoune qui mange son gros sac de chips crème sûre et cheddar par soir, c’est la faute à Ruffles aussi?

Ma’am Chose: ce que vous dites là est extrêmement dangereux. En quelques mots, vous déresponsabilisez des milliers de parents qui vous écoutent et qui CHOISISSENT de mal nourrir leurs enfants. Ils CHOISISSENT de faire un Kraft Dinner en vitesse pour pouvoir écouter Virginie. Ils CHOISISSENT de consacrer leurs temps libres à autre chose qu’à la bouffe ou à l’activité physique. Ils CHOISISSENT d’alléger le poids de leur conscience en achetant tout ce qu’ils veulent à leurs enfants. Ils CHOISISSENT de transformer ce qui devrait être l’exception en une habitude malsaine.

Mais ce que vous plantez en eux, vous, c’est le petit cancer qui gruge la société québécoise depuis trop longtemps: le "c’est pas ma faute", la déresponsabilisation, le transfert d’un poids sur les épaules d’un plus gros que soi, capable de porter l’odieux à sa place.

Plutôt que d’encourager les gens, de participer à leur éducation, vous leur donnez une excuse complètement bidon? Bon travail.

Je vous dis ça de même, Ma’am Chose, et je me retiens pour ne pas vous abreuver d’insultes, mais à l’annonce d’un assassinat à l’arme blanche, je devine qui vous tenez pour responsable.

Pas le gars qui tenait le couteau. Ah non, jamais.

Les coupables, ce sont le couteau, le marchand de couteaux et le fabricant de couteaux.

C’est ça, non?

***

À propos de ma chronique de la semaine dernière, de deux choses l’une: soit vous n’avez aucun humour, soit je suis le pire conteur de jokes au nord du Rio Grande.

Laissez faire, les comiques, je devine votre réponse.

Ceux qui ont lu cette critique fortement exagérée de Québec au premier degré m’ont donc lapidé, avec raison. Mais cette chronique n’avait rien de sérieux, ou si peu. C’était de la dérision, je déconnais. Je voulais vous montrer à quel point nous accordons une bien trop grande importance aux discours des médias qui déforment la réalité, qui l’exagèrent. Et je l’ai fait en exagérant moi aussi.

Mais surtout, je voulais vous montrer comment, en tant que public, nous sommes tatas de tout prendre pour du cash… Pis justement, vous avez tout pris ça pour du cash.

Je suis peut-être pourri comme conteur de jokes, mais comme observateur de la société, je me trouve pas si pire finalement.