L’itinérance nous interpelle trop souvent dans l’immédiat, dans l’urgence. Il faut répondre rapidement, offrir un hébergement, de la nourriture, des vêtements; il faut répondre aux besoins de base. Cette réalité nous amène toutefois à réagir alors qu’il faudrait agir, il faut prendre l’initiative d’intervenir auprès des personnes et des populations avant que l’itinérance et l’exclusion ne deviennent un mode de vie.
Partant du principe que l’itinérance n’est pas un choix mais plutôt un manque de choix, il faut nous demander qu’elle place occupe les structures sociales (les institutions, les politiques sociales, les valeurs dominantes, etc.) dans la création et la perpétuité de ce phénomène. Sortir de l’urgence nous pousse à requestionner comment une société moderne peu produire de l’exclusion. Cela nous pousse d’autant plus à revoir nos conceptions : L’itinérance et l’exclusion sont-elles seulement la production d’un parcours individuel ? Si c’était le cas, comment peut-on expliquer notre incapacité chronique à insérer ces personnes dans notre société, dans nos services et dans nos préoccupations sociales.
Sans vouloir faire ici le procès de la société capitaliste industrialisée post-moderne, il est nécessaire de comprendre le rôle des structures et des systèmes qui sont en place. Alors que les réformes se poursuivent dans la plupart des secteurs (de l’économique au social en passant par le politique), comment expliquer notre inaptitude envers l’exclusion. Pourquoi nos réformes ne réussissent pas à faire diminuer les phénomènes sociaux en croissance (décrochage scolaire, suicide, itinérance, toxicomanie, etc.)? En fait, il semble que la séparation entre le citoyen et les structures n’ait jamais été si grande. Les réformes ne visent pas à empêcher l’exclusion des personnes, elles visent trop souvent à moderniser l’État pour le bienfait des structures elles-mêmes. Cette autosuffisance du système ne permet pas beaucoup la remise en question. Pourtant, il serait aussi valable que de se demander quel rôle joue les systèmes (scolaire, judiciaire, social, médical, politique, etc.) dans l’itinérance. Est-ce un problème uniquement individuel ou sommes-nous partie prenante du problème, à la fois à titre de cause et de solution ?
Actuellement, l’urgence nous consigne dans l’individualisation de l’itinérance. Au même titre qu’une maladie, on y attribue des causes et des facteurs de risques qui relèvent presque entièrement de l’individu. Étrangement, peu d’études récentes rapportent le lien entre la réforme du virage ambulatoire, les changements continuels dans les mesures d’aide sociale (sécurité du revenu et assurance chômage), l’augmentation persistante du coût des loyers et le sous financement des services. Nous assistons présentement à l’apparition d’une population exclue vivant dans une extrême pauvreté; considérée comme responsable de sa situation ou du moins de son incapacité de s’en sortir.
En ce qui a trait aux pistes de solutions durables, elles sont étroitement liées à une meilleure répartition des richesses et à une réelle cohabitation de l’ensemble des individus qui composent notre société. Pour y parvenir, l’État doit assumer ses responsabilités. C’est son rôle de favoriser et de soutenir des conditions (exemple : revenu décent, logement social, espace public partagé, etc.) qui permettent à tous de cohabiter à l’intérieur d’une communauté.
Enfin, chacun de nous doit également faire sa part en cessant d’être spectateur et en devenant acteur. Il faut s’indigner devant la situation de l’itinérance dans notre société et face aux arguments financiers des décideurs. L’humain doit primer sur l’économie.
Pour plus d’informations sur
le Colloque provincial sur l’itinérance et l’exclusion sociale
(3 et 4 février 2005)
www.rrsss07.gouv.qc.ca/itinerance
Yves Séguin
Organisateur communautaire
CLSC de Hull
Hugo Lemay
Centre d’intervention et de prévention en toxicomanie de l’Outaouais (CIPTO)