Société

Ennemi public #1 : Dieu is back

Avez-vous remarqué que, ces temps-ci, Dieu est partout?Normal, me direz-vous, c’est là qu’il est censé être: partout. Mais ce n’est pas ce que je voulais dire. Dieu est partout dans l’espace médiatique. Comme si après des années de déni, de rejet, longtemps la victime d’un athéisme furieux, il faisait un grand retour. Un peu comme Michèle Richard, mais en nettement plus flamboyant, et avec, c’est tout à son honneur, beaucoup plus de choses intéressantes à raconter sur Lui.

Prenez le tsunami. Outre les prévisibles propos des extrémistes ("Dieu a frappé les plages de la débauche, du nudisme et de la prostitution", ce qui annonce le pire pour Québec et qui explique peut-être les déboires de Saint-Raymond…), on faisait grand cas de la déclaration de l’archevêque de Canterbury, dont la foi a un instant vacillé, le temps de se demander: mais où était donc Dieu en ce 26 décembre maudit? Eh bien, il semble qu’il était occupé du côté des rescapés canadiens du cataclysme, et de celui du boxeur Stéphane Ouellet, puisque ceux-là faisaient tous leur profession de foi dans les journaux ou à la télé, presque au même moment.

Un peu plus tôt l’an dernier, Dieu faisait la une du Time Magazine: des scientifiques s’y demandaient s’il existe un gène de la foi. C’est dans cette lancée que le Nouvel Observateur consacrait son édition du 23 décembre à "Dieu et la science: le nouveau choc". Un dossier passionnant.

Passionnant parce que la science s’est faite Dieu. Aussi parce que, devant les échecs de cette dernière à expliquer certains phénomènes, dont le vide, Dieu serait peut-être sur le point de reprendre la place – vide, ha! – qu’il a laissée à la science et, plus tristement, aux charlatans des cristaux, du cosmos, de Raël et consorts.

S’il nous avait quitté depuis la Révolution tranquille, Dieu n’a évidemment jamais délaissé nos voisins du sud. Il y mène tout de même une surprenante offensive depuis quelques années, non seulement en politique, mais aussi à l’école, où les créationnistes vont probablement remporter un combat qu’ils devraient pourtant perdre: le droit de cesser d’enseigner la théorie de l’évolution au profit de la création de la Terre en sept jours par Dieu. Le droit de renier des faits scientifiquement prouvés au profit du folklore religieux. C’est là que Dieu devient un peu chiant.

Et là où il devient carrément insupportable, c’est lorsqu’il sert le fanatisme, sous le nom d’Allah, de God ou de Yahvé. Remarquez, les idées sont toujours mal servies par les fanatiques. Que ce soit celles de Dieu ou d’un autre. J’en veux donc surtout aux intégristes qui s’en réclament pour matérialiser leur désir de pureté dans un monde parfaitement impur.

Dieu est partout, vous disais-je. À la télé, à la radio, dans les journaux (La Presse lui consacrait même son édition du samedi il y a quelques semaines), mais aussi, parfois, dans ma boîte de courriel, à l’étroit entre des réclames de fausses Rolex et d’élargissement du pénis.

Il se manifeste le plus souvent chez certains lecteurs que la rigueur théologique ou la ferveur m’interdisent de défier, surtout parce que mon rejet de Dieu a quelque chose d’aussi paresseux que son acceptation par un certain Pascal.

Pascal disait en gros qu’il préférait prendre le risque de croire en Dieu. Tsé, d’un coup qu’il existe, une fois mort, j’aurai l’air moins con, croyait-il. Moi, c’est exactement l’inverse. Je prends le pari de ne pas y croire. Tsé, d’un coup qu’il n’existe pas, j’aurai l’air moins con.

Mais si je devais y croire, si on m’y forçait, je le verrais volontiers dans les voix frémissantes de Bob Dylan et Nina Simone, dans le piano de Nick Cave ou la trompette de Miles Davis. Je le verrais dans la création pure, dans cet incroyable vaudou qui permet aux humains de façonner de la beauté.

Je le verrais peut-être se cacher derrière le hasard aussi, pour ne pas être reconnu. J’aime assez cette idée, très poétique.

Mais chose certaine, il n’est pas dans la crosse de monseigneur Ouellet ou dans l’intolérance des dévots pro-vie. Non plus chez ceux qui massacrent et manipulent en son nom. Et pas plus dans la guitare du Français en perfecto qui se prend pour le Dick Rivers de l’évangélisation à la télé la fin de semaine.

Lui, sa guitare, j’ai plutôt envie de la lui casser sur la tête.

Parce que je comprends bien le retour de Dieu en ces temps troubles. Je le préfère encore aux singeries des gourous de sectes et autres triturateurs d’âmes éplorées, même si je me surprends à défendre une chose en laquelle je ne crois pas.

C’est juste que mon amour du prochain à moi, il est sélectif. Et surtout, il est allergique à la bullshit et aux clowns.