Au Québec, patrie du consensus mou et du 50-50, rarement les décisions d’un gouvernement font-elles l’unanimité. Soit-il libéral ou péquiste. Aussi doit-on saluer l’exploit du ministre de l’Éducation Pierre Reid qui, en annonçant la semaine dernière le financement à 100 % des écoles privées de confession juive, y est enfin parvenu.
Bravo M. Reid! Toutes nos félicitations pour ce refus unanime de la population québécoise à avaler vos détestables couleuvres.
Bravo pour cette décision qui, si on en croit les réactions épidermiques qu’elle suscite, permettra d’alimenter un peu l’antisémitisme, donnant enfin raison aux paranoïaques qui, dès l’incendie criminel de l’École de Talmud Torah, prétendaient déjà voir une montée de la haine du Juif chez le Québécois moyen.
On sait maintenant que tout cela n’est que poudre aux yeux. Dix millions en moins dans les poches des contribuables pour trois quarts de million dans la caisse du parti et hop! la fin de nos beaux principes de société.
Comme leçon d’opportunisme, mais aussi comme exemple d’un gâchis parfait, je cherche, mais je ne trouve pas mieux. Félicitations encore M. le Ministre pour ce recul de la laïcité de nos institutions au profit d’une infime minorité, bravo pour ce nouveau paradigme de la connerie politique qui alimente quant à lui le mépris que l’on peut entretenir, à juste raison cette fois, pour la classe dirigeante.
Mais attention, ce n’est pas tout.
Lundi, vous prononciez enfin votre fameuse politique des cégeps. Je dis "enfin", parce que ce document était fort attendu. Dans l’inquiétude et l’impatience, devrais-je ajouter, puisque vous aviez laissé brûler les braises de la disparition des cégeps ou de leur refonte pendant plusieurs mois, gardant tout le monde en haleine devant l’éventuel désastre. Mais voilà, quelques occultes changements plus tard, accouchant du fantôme d’une réforme, vous voudriez être reçu en sauveur, tel un grand démocrate à l’écoute de la population? Comme si nous avions oublié que le héros des pompiers est aussi le pyromane?
Le ridicule ne tue peut-être pas l’homme, mais sa carrière politique, elle?
Devant tant de bêtises (n’oublions pas le dossier cahoteux des prêts et bourses), on en vient à s’interroger sur la cruauté des jeux de coulisses auxquels s’adonnent les libéraux: serez-vous, Monsieur Reid, le grand sacrifié à l’autel des réformes du gouvernement Charest? Et comment vous en vouloir personnellement quand la ligne du parti est à l’avenant? Faire régner la peur et l’incertitude pour mieux apparaître en sauveurs en faisant du surplace. Promettre le pire pour que le statu quo ou les changements les plus minimes aient l’air d’une bénédiction. Faire toujours plus de sauvetage d’image, et toujours moins de politique.
Du silence du ministre Couillard dans le dossier du méga-hôpital du CHUM, qui sent fort la stratégie de survie, au mutisme qui traduit l’incapacité du ministre Chagnon à agir dans le cas de Kanesatake, rarement a-t-on vu un gouvernement faire preuve d’une telle prétention ("Nous sommes prêts"?) et d’une telle arrogance pour ensuite s’écraser, se défiler. Allumer des feux et se replier pour les éteindre, dire une chose pour ensuite faire son contraire. Et s’en féliciter.
En fait, si le premier mandat du gouvernement de Jean Charest était un conte, ce serait sans doute celui du Magicien d’Oz. Sur la route de briques jaunes du pouvoir, une fois leur passage payé à la compagnie qui en assure la gestion en PPP, le premier ministre se lancerait à la recherche d’un cerveau, le ministre Couillard d’un cœur et le ministre Chagnon d’un peu de courage.
Et Pierre Reid? Il ferait claquer les talons de ses petits souliers rouges pour retourner au plus vite à Sherbrooke, son Kansas à lui.
ooo
En terminant, juste un truc, rapidement. Encore à propos de Dieu et des catastrophes naturelles. J’écoutais Marie-France Bazzo la semaine dernière qui, avec ses invités, cherchait un "sens" à donner au tsunami. Je m’y attendais un peu, mais j’ai tout de même sursauté quand l’animatrice a évoqué une sorte de revanche de la Nature, de représailles pour ce que nous lui faisons subir.
Wôô les moteurs! D’un point de vue purement symbolique, peut-être, mais cette mystique de l’écologie est aussi vaine et aussi fausse que de prétendre que la punition divine existe. Allah, Krishna ou Gaïa, quelle différence? Aucune. La Terre n’a pas plus de conscience qu’un géranium ou que Dave Hilton. Chercher un "sens écologique" dans les catastrophes, imaginer la Terre qui se ferait justice, c’est chercher du sens dans une tempête de neige.
Et qu’est-ce que vous ririez de moi si je vous disais que les tempêtes de neige, c’est la Terre qui ferme les écoles parce qu’il n’y a pas assez de cours d’écologie!