Mouvement des arts et des lettres : Élise Paré-Tousignant : Cri du coeur
Société

Mouvement des arts et des lettres : Élise Paré-Tousignant : Cri du coeur

À QUAND LA GRANDE SÉDUCTION MUSICALE?

Dans tous leurs beaux discours, les divers paliers de gouvernement s’entendent pour reconnaître l’importance pour les régions d’être dotées des leviers essentiels à leur développement. Ceci inclut, bien sûr, études à l’appui, le domaine de la culture et des arts. Le discours est généreux, la réalité mérite d’être nuancée.

Pour un artiste, vivre en région nécessite des convictions solides et une énergie inépuisable. Manque de ressources humaines et financières, public restreint et dispersé, éloignement géographique et professionnel, autant de facteurs qui font de l’artiste en région un véritable missionnaire de la culture.

Permettez-moi de parler ici plus spécifiquement des musiciens et des musiciennes qui s’installent ou retournent en région après leurs études. Les difficultés qu’ils rencontrent sont directement proportionnelles au nombre de kilomètres qui les séparent de Québec et de Montréal.

Plusieurs régions peuvent compter sur la détermination de ces passionnés qui ont décidé de s’organiser et de créer au sein même de leur milieu une vie musicale dynamique. Orchestres symphoniques, orchestres de jeunes, écoles de musique, festivals, camps d’été, tous visent à offrir à leur population un accès à la musique. La notoriété de l’organisme devient facteur de développement et apport économique pour la région. Le musicien s’essouffle.

Que d’énergie il a fallu pour mettre en place cette vie musicale et que d’énergie pour la maintenir! Pour survivre, pour s’assurer un revenu décent, le musicien doit enseigner et travailler dans l’administration des organismes de sa région, tout en poursuivant sa propre démarche artistique. Il faut comprendre que pour le musicien pigiste, les possibilités de jouer sont peu nombreuses. Souvent, les quelques représentations données annuellement par les orchestres et ensembles régionaux ne lui permettent pas de maintenir un nombre suffisant de concerts pour être reconnu par les programmes de bourses aux artistes.

Les coûts liés au maintien d’un orchestre symphonique ou d’un ensemble en région sont élevés. Les entreprises comme Alcan qui soutiennent un quatuor en résidence en région pour offrir du travail et retenir ainsi les musiciens sont rares. Pensons, par exemple, à l’Orchestre symphonique régional Abitibi-Témiscamingue qui offre des concerts sur l’ensemble de son territoire, entraînant ainsi des coûts élevés pour les répétitions et les représentations, et ce, autant pour l’orchestre que pour les musiciens. Que de kilomètres parcourus pour jouer…

De plus, pour assurer son développement professionnel, le musicien a besoin d’un contact continu avec le milieu musical. Pour rompre son isolement, il doit se rendre là où il peut suivre des cours de maître, compléter ses recherches, côtoyer des collègues, tant de coûts de déplacement et de séjour qui, jumelés à une perte de revenus de ses activités, doivent être compensés par un soutien gouvernemental. Or, peu de programmes répondent adéquatement à ses besoins et à son profil.

Alors pourquoi un musicien s’acharne-t-il à vouloir faire sa vie en région? Parce que la population a besoin de sa présence, de son savoir-faire et de son esprit créateur. Parce que les jeunes de sa communauté ont besoin de son enseignement pour développer leur intérêt pour la musique. D’abord et avant tout, il est implanté dans sa région pour qui son orchestre, son ensemble, "son" musicien sont sujets de fierté. Un prix remporté, une reconnaissance à l’échelle nationale rejaillit non seulement sur le musicien mais sur toute sa région. Quand va-t-on enfin concrétiser le discours et donner aux musiciens et aux organismes des régions les moyens financiers pour réaliser leurs projets? D’une certaine façon, son rôle rejoint celui exercé par les autres métiers et professions, soit combler les attentes des populations des régions qui aspirent à une meilleure qualité de vie. Seul un apport de nouveaux fonds aux arts et aux lettres pourra améliorer les conditions de vie et de pratique du musicien en région. À la veille du dépôt du budget, espérons que le gouvernement saura entendre les besoins multiples des artistes en région. À quand la Grande séduction musicale?

Élise Paré-Tousignant
Présidente, Conseil québécois de la musique

ooo

VOS COUPS DE GUEULE POUR LA CULTURE
VOIR veut (énormément) votre opinion !

En appui à la campagne actuelle du M.A.L., Voir sollicite l’opinion de tous ses lecteurs sur le problème chronique du sous-financement de la culture. Donnez votre opinion en 1 courte phrase à www.voir.ca/culture et courez la chance de gagner un gros lot de 5,000 jetons pour les Enchères de billets gratuits de Voir !