Moritz de Hadeln : Pour qui sonne le glas?
Moritz de Hadeln, délégué général à la programmation du nouveau Festival international de films de Montréal, s’amène chez nous dans la controverse. Mais cela n’a pas l’air de déranger le vieux lion qui en a vu bien d’autres. Court entretien écorchant.
On nous avait promis à chacun une demi-heure d’entrevue avec Moritz de Hadeln afin que ce dernier prouve à la presse montréalaise qu’il n’est pas le monstre décrié dans les médias. Malheureusement, celui que l’on considère comme une sommité dans le merveilleux monde du cinéma depuis plus de 45 ans semblait, lui, avoir envie de faire autre chose que d’amadouer les journalistes. Visiblement éreinté par les sempiternelles questions, ce Suisse polyglotte (on raconte qu’il s’exprime dans sept langues), fondateur du Festival international du cinéma documentaire de Nyon (aujourd’hui, Visions du réel) et du European Film Market, nous annonce tout de go que l’interview ne durera qu’un quart d’heure. Et vlan!
Ceci dit, cette brève rencontre se fera tout de même sous le signe de la convivialité, de Hadeln se cherchant à la blague un sobriquet de gangster pour égaler celui qu’il a donné à Serge Losique.
Interrogé à propos de la poursuite de 2 M$ intentée par le fondateur du FFM, il esquisse en riant un geste de la main. Vraisemblablement, les ennuis de son ennemi juré, qui n’a pas digéré que le Regroupement pour un festival de cinéma à Montréal et l’Équipe Spectra aient choisi un nom sensiblement semblable à son cher FFM pour le nouveau festival de cinéma, ne l’empêchent pas de dormir: "Je suis habitué à tous ces prétendus scandales et je trouve cela un peu bête…, d’avouer d’un ton quelque peu las l’ex-directeur des plus grands festivals de cinéma (Locarno, Berlin et Venise), mais laissons la justice faire son boulot. Je trouve cela absurde, cet homme qui fait à tout bout de champ des procès à Téléfilm, à ceci, à cela: c’est ça, un directeur de festival?"
Avez-vous l’impression que Serge Losique joue à l’enfant martyr?
"Il joue au vieillard qui devrait savoir qu’à un moment donné, il faut se retirer… si on n’est plus capable de faire un festival valable. Pourquoi je suis ici? Ce festival est né parce que tout le monde s’est énervé avec lui; tous ceux qui sont dans mon conseil d’administration sont les mêmes qui le soutenaient il y a cinq ans."
Plusieurs s’entendaient pour dire que le FFM était moribond; or, on ne pouvait pas en dire autant du FCMM devenu le FCN… qui souffrira sûrement puisque le FIFM se déroulera aux mêmes dates.
"Il ne faut pas mélanger les deux choses: le festival de Claude Chamberlan, c’est un petit festival très pointu mené par quelqu’un de très engagé. Ensuite, c’est Téléfilm Canada et la SODEC qui ont demandé ces dates; au départ, le nouveau festival devait se tenir l’été et tout le monde semblait d’accord là-dessus. C’est regrettable que Chamberlan refuse de se joindre, d’une manière ou d’une autre, à nous, car je trouve qu’il aurait tout à gagner sans rien perdre de son autonomie."
Vous parlez d’une association semblable au Festival de Cannes et à la Quinzaine des réalisateurs?
"Par exemple, mais il ne veut rien entendre; il est borné et il fait le martyr. Ça me fait un peu mal au cœur pour lui, mais que voulez-vous que j’y fasse…"
Il est encore trop tôt pour soutirer quoi que ce soit à propos de la programmation. Une chose est sûre, on ne misera pas sur la quantité mais sur la qualité, contrairement à ce que l’on reprochait à Losique. Mais quel sort réservera-t-il donc au cinéma québécois qu’il connaît à peine? Celui qui croit qu’il y a assez de place pour deux grands festivals au Canada, celui de Toronto et le FIFM, nous rassure: "Ce n’est pas mon rôle d’être une encyclopédie du cinéma; mon rôle, c’est d’avoir une équipe qui rassemble toutes les connaissances. Cela dit, j’ai demandé à un ami de me faire découvrir le cinéma québécois que je ne connais qu’à travers les festivals internationaux."
Enfin, qu’est-ce qui peut bien motiver de Hadeln à apposer sa griffe sur un festival montréalais? "D’abord, le Québec a la même population que la Suisse et Montréal, que Berlin. Ensuite, je crois que le FIFM sera un grand festival; si je n’y croyais pas, je ne serais pas ici! Je n’accepte jamais les trucs pour l’argent, j’ai accepté de faire partie de cette aventure parce que j’aime le challenge."