Société

Ennemi public #1 : Le triomphe de la terreur

Chaque fois qu’un musulman extrémiste commet un acte de violence, on ne compte pas, tellement ils sont nombreux, les sentencieux appels au calme de la part des pratiquants modérés de l’islam.

Attention, cela n’est pas le fait de la communauté musulmane, mais d’un infime pourcentage d’exaltés, nous rappelle-t-on. Cela n’est pas la norme, nous ne sommes pas tous des terroristes en puissance, tient-on à nous rassurer.

Et c’est là pure vérité.

Cela dit, comment se fait-il que ces mêmes voix provenant de la communauté musulmane soient le plus souvent incapables de condamner la violence et leurs auteurs, dont elles sont pourtant si promptes à se dissocier publiquement?

Pour spécifier que "c’est pas nous, c’est eux", aucun problème. Mais pour dire "nous répudions les auteurs de ces actes, peu importe leurs motivations, ils sont une honte pour notre religion", c’est comme si elles manquaient de souffle.

Peut-être que nous ne vivons pas sur la même planète, mais il me semble que ce sont les extrémistes, bien plus que n’importe quel commentateur ou journaliste mal intentionné, qui nuisent aux communautés religieuses, qui leur font mauvaise presse, qui les privent de vivre en paix, dans le respect des valeurs du pays d’adoption qu’elles ont choisi.

Remarquez, si je parle d’un commentateur, d’un journaliste, ce n’est pas innocent du tout. Il y a quelques jours, Benoît Dutrizac, des Francs-Tireurs, a été menacé de mort pour avoir commis l’ultime crime de lèse-rectitude politique: s’attaquer à l’intégrisme musulman, à certaines pratiques religieuses incompatibles avec la laïcité de nos institutions publiques, non sans une certaine agressivité, qui s’apparentait cependant plus à de l’exaspération qu’à un appel à l’intolérance.

Pas très habile, sa déclaration voulant que l’islam soit une religion stupide? Je vous le concède. Inutilement provocatrice? Soit. Mais cela justifie-t-il pour autant les menaces qu’elle lui a values? Jamais. Pas ici, et dans aucun autre État libre non plus.

Faites-lui un procès pour diffamation si vous voulez, portez plainte au CRTC, traitez-le d’islamophobe si ça vous tente, mais faire planer le spectre du meurtre, de l’attentat, comme société, cela, nous ne pourrons jamais le tolérer.

Quoique… Je dis ça, et en même temps, je constate comme une sorte de mollesse collective devant ce genre d’événement. Un engourdissement. Comme si on considérait que l’animateur l’a un peu mérité. Comme si notre sens de l’indignation était à ce point disloqué qu’on en viendrait à considérer les malheureux propos de Dutrizac plus graves encore que la violence démesurée qu’ils ont générée.

D’ailleurs, le plus accablant dans cette histoire, ce sont les deux silences de mort qui ont suivi ces menaces.

Le premier, c’est celui de journalistes qui considèrent peut-être que Benoit Dutrizac a outrepassé les limites de la décence et tardent à prendre sa défense, ou même à ébruiter l’affaire, tandis que le second, lui, émane de chez les musulmans modérés, mais n’est pas vraiment un silence. C’est la fin d’une phrase qu’on étouffe, tel que je l’évoquais plus haut, c’est une sentence qu’on n’ose prononcer, ce que certains interprètent déjà comme un appui tacite aux extrémistes, ou sinon, comme la confirmation que la communauté est sous le joug d’une poignée de fanatiques qui imposerait ce mutisme.

Dans un cas comme celui-ci, le silence est presque aussi insoutenable que les menaces qui le précèdent, puisqu’il représente le triomphe de la terreur. La victoire des intégristes religieux sur la liberté de penser, de critiquer.

Et c’est là, au moment précis où nous laissons la violence prendre le haut du pavé et la peur nous dominer, que notre proverbiale tolérance devient intolérable soumission.