Prix d'excellence des arts et de la culture : Du coeur au ventre
Société

Prix d’excellence des arts et de la culture : Du coeur au ventre

La remise des Prix d’excellence des arts et de la culture: un événement fait par et pour les gens d’ici, un moment idéal pour ausculter les artistes, pour faire le bilan de santé de la culture locale. Est-ce grave, docteur?

La culture vous tient à cœur? Oui, si elle vient d’ailleurs? Oui, si elle n’a pas besoin de "vos taxes" pour se développer? Que vous soyez de cet avis ou d’un autre, ouvrez vos yeux et vos oreilles: le 25 avril prochain, le Théâtre de la Bordée réunira sur une même scène ceux et celles qui assurent, parfois sans un sou en poche, la vitalité, l’originalité et la diversité de la production artistique et culturelle de Québec. Sous le thème "La culture d’ici me tient à cœur!", le Conseil de la culture des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches et ses partenaires feront la fête aux artistes, travailleurs et organismes culturels d’ici. Heureux prétexte pour parler d’une situation qui l’est parfois beaucoup moins.

Finaliste dans la catégorie Prix du développement culturel, Richard Martel ne pourra assister à la 18e édition des Prix d’excellence des arts et de la culture. Mais s’il avait l’occasion de monter sur scène ce soir-là, l’artiste en profiterait sans doute pour lâcher quelques gros mots. C’est que l’homme n’a ni la langue dans sa poche ni les mains dans les poches. "C’est bizarre. D’un côté, on te donne un prix pour souligner ta participation au développement culturel, et de l’autre, on te dit non quand tu demandes de l’aide." Le non auquel fait allusion Richard Martel, ce n’est pas celui de la Ville – "avec laquelle on a de bons rapports", dit-il -, mais celui du Conseil des arts et de la culture du Québec (CALQ). Non à une première demande de bourse pour soutenir la publication du livre Art Action 1958-1998, aujourd’hui diffusé partout en France et traduit en espagnol. Non répétés aux demandes que l’organisateur d’événements dépose régulièrement pour sortir les artistes de Québec et les amener à Bangkok, en Amérique latine ou ailleurs. Des non qui ne freinent cependant ni l’ardeur ni la détermination de Richard Martel, infatigable défenseur "de pratiques artistiques qui ne conviennent pas nécessairement à l’entreprise privée", si souvent citée comme partenaire de développement éventuel. Malgré les refus essuyés, Richard Martel a organisé plus de 34 événements artistiques jumelant Québec avec des villes étrangères au cours des 20 dernières années et, chemin faisant, il a fait du Lieu le centre d’artistes de Québec le plus reconnu sur la scène internationale. Récipiendaire du Prix du rayonnement international en 1993, Richard Martel est mis en nomination pour sa contribution au développement de la culture dans la ville de Québec pour une seconde fois.

Il y a d’autres Richard Martel à Québec. Pascal Asselin en est un, même s’il n’est pas finaliste aux Prix d’excellence. Musicien électroacousticien, Pascal Asselin se bat depuis neuf ans pour que la scène électro se développe à Québec. Et "depuis deux ans, ça bouge. On dirait que le milieu a pris confiance en lui-même. On fait de plus en plus de choses originales et diversifiées. Mais ça reste dur d’attirer le public quand il n’y a pas d’artistes étrangers sur scène. On dirait que t’es plus crédible si tu viens d’ailleurs". Il y a un vieil adage qui dit que nul n’est prophète en son pays. Il est sorti de la bouche de Richard Martel en cours d’entrevue. D’autres finalistes aux Prix d’excellence pourraient certainement l’employer: Les Batinses.

Mis en nomination dans la catégorie Prix du rayonnement international, Les Batinses croient dur comme fer à l’importance de "dépoussiérer la musique traditionnelle québécoise", mais souvent, c’est sur les scènes étrangères qu’ils la font briller sous le soleil. Au cours des dernières années, on les a vus au Mexique, en Espagne, en Angleterre, en Écosse, en Allemagne… Un peu partout, finalement, un peu comme si la musique traditionnelle était internationale. En fait, elle l’est bien plus "que la chanson francophone", croit François Morissette, un des membres des Batinses. "Le genre permet de voyager beaucoup. La langue n’est pas une barrière pour nous, on peut facilement sortir de l’espace francophone." En principe. Mais dans la réalité, le groupe se butte à des difficultés d’ordre financier chaque fois qu’il veut sortir. "Chaque année, on doit se battre pour obtenir des bourses de déplacement", ajoute Morissette. Et ça ne marche pas toujours. L’an dernier, les Batinses étaient les seuls musiciens québécois présents au forum mondial de la culture de Barcelone, un événement qui a attiré des millions de personnes. Le hic, c’est que les Batinses ont défrayé seuls les coûts de leur voyage. Ils en avaient bien les moyens, non?

Riches, les artistes? Mise en nomination dans la catégorie Prix Paul-Hébert, porte-parole des Prix d’excellence, codirectrice artistique et animatrice de la soirée avec Frédéric Dubois, Anne-Marie Olivier avoue que nombre d’artistes à Québec sont "dans une situation de survie". Et ce, même si la Ville de Québec fait tout ce qu’elle peut pour les aider. Alors, assistés sociaux, les artistes? "Il est temps qu’on change notre vision des choses. Les artistes font partie de la vie économique de Québec. On sait que les sommes investies dans les arts et la culture, minimes, rapportent deux ou trois fois leur mise. Alors nous sommes loin d’être des parasites!" affirme avec énergie Anne-Marie Olivier. Elle n’est sans doute pas seule à le penser, car la Chambre de commerce de Québec est un des organismes partenaires de la soirée des Prix d’excellence. Les autres? La Fondation de l’Opéra de Québec, la Fondation de l’Orchestre symphonique de Québec, la Fondation du Théâtre du Trident, l’Institut canadien de Québec, la Société de développement des entreprises culturelles, la Manifestation internationale d’art de Québec et la Ville de Québec.

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LE COEUR À LA FÊTE

Interminable… Jusqu’ici, la cérémonie de remise des Prix d’excellence des arts et de la culture était tellement longue qu’elle occupait toute la soirée et ne laissait aucune chance à la célébration. Coup de barre: cette année, la soirée du 25 avril à la Bordée sera vraiment une fête. La cérémonie de remise des prix a été revue et corrigée afin de n’occuper que le début de l’événement, qui commencera plus tôt qu’auparavant, soit dès 18 h. Orchestrée et animée par Anne-Marie Olivier et Frédéric Dubois, la cérémonie promet d’être haute en couleur. Vers 19 h 30, le dernier des 16 prix devrait être remis à son lauréat. Puis, la Bordée s’emplira de musique, de bruits de verres qui s’entrechoquent, de conversations à bâtons rompus jusqu’aux petites heures. "Les neuf organismes partenaires de l’événement souhaitaient que l’édition de cette année soit revue et corrigée. Ils nous demandaient d’alléger la partie animation et, surtout, de faire de l’événement un rassemblement, un lieu d’échanges et de retrouvailles", explique Lorne Beaudet, producteur délégué de l’événement. Autre demande des partenaires: ramener l’événement, présenté jusqu’ici au Capitole, dans un lieu de création artistique. Les partenaires ont été entendus. Le 25 avril, la Bordée sera le lieu où "la culture d’ici" fera entendre son cœur.