L’art et la peur
Du 1er au 29 juin, l’hôpital Douglas de Verdun présente Les Vues de l’esprit, des soirées cinéma et discussion destinées à démystifier les troubles anxieux et la maladie mentale. Quand l’écran se fait miroir, Hollywood devient thérapie…
Pour une deuxième année consécutive, l’institution spécialisée en santé mentale prend appui sur le 7e art pour rassembler le grand public autour des enjeux de la maladie mentale et des troubles anxieux, désordres psychologiques affectant 10 % de la population. Par le cinéma, les organisateurs souhaitent ainsi contribuer à ce que les problèmes de santé mentale, encore trop tabous, obtiennent une plus grande attention. Mais surtout, on espère que ceux et celles qui en souffrent sortent de leur mutisme et fassent part de leur détresse sans crainte d’être stigmatisés. "Les Vues de l’esprit ont pour but de sensibiliser le grand public aux maladies mentales. Il est important que ce phénomène soit mieux accepté socialement", dit Caroline Dusablon, conseillère en communications à l’hôpital Douglas.
À la suite de la projection, des experts répondent aux questions de l’assistance et animent la discussion. Le 1er juin, le thème de l’autisme était abordé avec le touchant Rain Man. Le 8, ce sont les troubles anxieux qui étaient à l’honneur avec l’hilarante comédie Analyze This. Le 19, Pollock, une œuvre biographique sur la carrière et la vie du peintre Jackson Pollock qui était atteint de troubles affectifs et d’alcoolisme, sera présenté. Le 22, on plongera dans l’univers trouble des schizophrènes avec le documentaire Unbreakable Minds. Enfin le 29, Ma vie en cinémascope, portant sur l’histoire d’Alys Robi et les troubles bipolaires, viendra clore la série.
Toute maladie mentale n’est pas la schizophrénie. Les sentiments d’angoisse, de peur, d’inquiétude, comme les réflexes de fuite ou les rituels compulsifs, sont autant de caractéristiques propres aux troubles anxieux comme l’agoraphobie, les phobies sociales, les phobies spécifiques ou les troubles obsessifs-compulsifs, tous se traitant par des thérapies cognitives comportementales et, au besoin, par une pharmacothérapie, explique Camillo Zacchia, psychologue en chef à l’hôpital Douglas et spécialiste des troubles anxieux. Ce dernier insiste aussi sur l’importance de distinguer entre anxiété saine et protectrice et anxiété sévère, qui peut devenir très nuisible. "Instinctivement, nous éprouvons tous certaines peurs protectrices. Si vous avez peur de rouler à 140 kilomètres/heure, c’est une bonne chose. Mais des gens sont incapables de prendre un pont car ils ont peur de mourir, d’être pris de panique, de faire une crise cardiaque et de mal paraître devant les autres. Il faut agir quand l’anxiété cause beaucoup de souffrance ou qu’elle empêche de fonctionner."
L’agoraphobie avec panique figure parmi les troubles anxieux les plus communs. Les gens qui en souffrent ont tendance à éviter les endroits publics et craignent de s’éloigner de chez eux. "Ils vont avoir peur de mourir au milieu d’une foule ou encore de devenir fous", ajoute M. Zacchia.
Certains individus sont atteints de phobie sociale, c’est-à-dire qu’ils craignent de paniquer devant les autres, même en présence de leurs proches à leur domicile. "Certaines personnes peuvent prendre le métro en autant que s’y trouvent d’autres personnes, car elles se disent que si elles font une crise cardiaque, elles seront sauvées. D’autres, à l’inverse, ont peur des autres, d’avoir l’air fou devant eux, et ne sont à l’aise que si le métro est vide."
L’obsessif-compulsif aura peur d’un désastre, d’une maladie, d’une contamination ou de perdre le contrôle au volant de sa voiture, poursuit M. Zacchia. "Certains vont adopter des rituels pour chasser l’anxiété. Ainsi ils vont, par exemple, compter jusqu’à quatre après avoir fermé le four pour s’assurer que tout va bien. D’autres vont toucher un objet et se laver immédiatement après." Les personnes aux prises avec des troubles anxieux généralisés auront tendance à s’inquiéter pour tout, maladies, accidents, argent…
M. Zacchia insiste pour dire que les phobies, même sévères, se soignent si l’on prend le temps de les apprivoiser et de leur faire face graduellement.
Les phobies spécifiques courantes comme la peur des serpents, des araignées ou des ascenseurs sont surmontables en procédant une étape à la fois. "Dans le cas d’une personne qui craint de prendre l’ascenseur, la première étape consiste à se placer devant sans y pénétrer alors que les portes sont ouvertes. Ensuite d’y embarquer et de monter un étage accompagnée d’une autre personne. Puis trois étages. Finalement, la personne sera capable de prendre l’ascenseur seule."
Rien ne sert de lutter contre l’anxiété quand elle nous gagne, enchaîne M. Zacchia. Il vaut mieux l’accepter comme une réaction normale pouvant être réduite ou accentuée. Ce n’est qu’en faisant face à nos peurs que l’anxiété diminuera. "Le but est de la ramener à un niveau tolérable et non pas de l’éliminer car elle nous protège contre de nombreux dangers de la vie en société. Les efforts pour contrôler les peurs ont tendance, paradoxalement, à les faire augmenter."
Selon l’Association canadienne pour la santé mentale, des facteurs génétiques, de personnalité, sociaux et environnementaux peuvent être à l’origine des troubles anxieux. Le tiers seulement des gens qui en sont victimes consultent un spécialiste. En 1998, Santé Canada estimait à 7,9 milliards de dollars le coût des maladies mentales.
Panique, vertiges, tremblements, mains moites, respiration intense, tensions musculaires, palpitations, sentiment d’irréalité… Si vous ressentez quatre de ces symptômes en deçà de 10 minutes, c’est que vous êtes sans doute victime d’une attaque de panique, dit Marie-Andrée Laplante de l’organisme Phobies-Zéro, qui vient en aide aux personnes souffrant de troubles anxieux. "Les problèmes anxieux sont la deuxième cause de décrochage scolaire. Ce sont des malaises qui peuvent mener à des dépressions. L’agoraphobie pousse les gens à s’isoler. Il ne faut pas hésiter à briser le silence."
Hôpital Douglas
6875, boulevard LaSalle à Verdun (métro Jolicoeur)
(514) 761-6131
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Phobies-Zéro
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1 866 922-0002