Des jambettes, du cinglage, des coups bas, un gardien qui se prend pour Ron Hextall, son vis-à-vis se faisant quant à lui "cross-checker" derrière son but pour ensuite recevoir un coup de bâton parfaitement vicieux, et totalement inutile, puisque la rondelle est immobilisée. Et encore du cinglage, et encore des bâtons élevés, et encore des doubles échecs…
S’agirait-il de la liste des meilleurs moments d’un remake de Slap Shot que l’on serait presque rassuré. Mais tout cela ne relève pas de la fiction. C’est pure réalité. Dure comme la glace, tranchante comme la lame d’un patin.
S’agirait-il de hockey semi-pro qu’on ne ferait que sourciller. Mais tout cela est plutôt le fruit d’une rencontre entre amateurs. Du monde avec des jobs, comme vous et moi.
S’agirait-il, encore, d’une partie en séries éliminatoires qu’on dirait des joueurs qu’ils sont agressifs, combatifs. Mais tout cela se déroule au cours d’un entraînement amical, ces actes d’une extrême bassesse étant principalement l’œuvre d’une seule des deux équipes.
Je dis principalement, parce qu’à force de se faire taper dessus, on se tanne, et on réplique. Sauf qu’on se garde tout de même une légère retenue. Car ceux qui déclenchent la bagarre intimident. Non pas par leur stature, mais par leur statut, par leur job. Ceux qui cognent ne sont pas des citoyens lambda.
En dehors de la patinoire, ils sont flics. Sur la glace, ils font partie de l’équipe de seconde division de la Police de Québec.
C’est à leur demande que quelques joueurs d’une ligue d’amateurs ont accepté de bien vouloir s’entraîner avec eux, et cela, en prévision des prochains Jeux mondiaux des policiers et pompiers qui, comme vous le savez sans doute, se tiendront à Québec dès la semaine prochaine.
Il s’agit là d’une courtoisie, d’un service rendu, doit-on préciser. L’équipe de policiers manquait de temps de glace et de pratique, on a donc bien voulu accommoder ces gens.
"En finale, dans les pires tournois où le monde joue cochon, c’est moins pire que ça. C’est moins sauvage", raconte l’un des "civils", un peu amoché, mais surtout indigné du traitement qu’on a réservé à sa gang.
"Nous avons joué contre la Police de Lévis la semaine suivante, et bien qu’ils aient une équipe un peu moins forte, ce sont des gens polis et courtois… Je ne peux pas en dire autant de ceux de Québec… Le calibre de jeu est supérieur, mais ils n’ont aucune discipline. Leur jeu de passes est inexistant devant le but. Dans l’enclave, tout ce qu’ils veulent, c’est la mettre dedans", analyse un autre joueur, qui affirme quant à lui avoir été violemment frappé.
Mais peut-être vous demandez-vous pourquoi je vous raconte cette histoire?
Parce qu’elle m’est tombée dans les mains au moment le plus étrange. Je m’apprêtais à chroniquer sur les préjugés concernant la police, surtout les miens. J’allais vous servir les plus grossières jokes de flics, imaginant des épreuves proprement loufoques pour ces jeux mondiaux, comme le tir à la cible de couleur en mouvement, tiens. Des histoires grosses comme ça, des trucs abominables que les policiers se seraient empressés de rejeter du revers de la main. Haine du flic, se seraient-ils défendus. Préjugés ridicules, auraient-ils ajouté. Et ils auraient eu, dans un cas comme dans l’autre, un tout petit peu raison.
Mais voilà, cette histoire, c’est pas des jokes. Elle est bien réelle. Froide comme la glace, tranchante comme la lame d’un patin.
Une réalité qui fait bien plus mal que tous les préjugés qu’elle vient cependant alimenter.
Tous les policiers vous le diront, ils sont comme les médecins en quelque sorte, donc toujours en devoir. Constamment appelés à intervenir, même en civil, si un crime est commis sous leurs yeux ou si un citoyen en détresse réclame leur aide. C’est plus qu’un job, c’est un sacerdoce, un serment.
Alors que fait-on de la civilité, de la politesse, du savoir-vivre et du fair-play? Toujours en devoir, donc toujours courtois, toujours conscient de l’image que l’on projette, toujours en représentation, oui ou non?
Ah, en passant, pour ceux que ça intéresserait. Les flics ont perdu la partie. Sur un lancer de punition.
J’ai donc une seule question à poser aux joueurs de cette équipe.
Coudonc les boys, vous êtes juste nonos ou vous faites exprès?