Fête Arc-en-ciel : Par-delà les plumes et le cuir
Après Toronto, Ottawa et Montréal, c’est au tour de Québec de présenter sa version de la Gay Pride: la Fête Arc-en-ciel. Bon moment pour questionner le milieu sur la pertinence de ces événements.
La plupart des grandes villes occidentales présentent maintenant leur Gay Pride. Défilés au soleil et nuits mouvementées, les médias raffolent des images d’hommes en cuir, de femmes à moto et de travestis à plumes que fournissent ces événements. Le visage culturel monolithique présenté lors de ces événements cache une réalité beaucoup plus complexe que les Panthères Roses, un groupe d’affinités queer, tentent de mettre en lumière. "Au départ, explique la panthère rose Albator, les Gay Pride étaient littéralement des émeutes. On prenait la rue d’assaut pour affirmer notre différence et pour revendiquer nos droits. Maintenant, c’est devenu des événements contrôlés et balisés par des hommes d’affaires roses. On doit tous danser au pas dans la direction qu’ils nous montrent du doigt. Il faut être de bons gais exubérants sans faire trop de vagues pour ne pas choquer leurs précieux commanditaires. Finie la lutte, bonjour l’étude de marketing!"
Les Panthères Roses se sont entre autres fait connaître par leurs actions politiques directes et ludiques, notamment lors des Gay Pride de Montréal, où ils ont organisé des "die-in", mais aussi lors de réunions politiques. En mars dernier, ils se sont rendus au congrès du Parti conservateur du Canada à Montréal avec leur "sodomobile", un camion sur le toit duquel était juchée une panthère rose en papier mâché installée derrière un Harper à quatre pattes. Sur le camion, on pouvait lire: "Harper, you suck… But do you swallow?" Albator poursuit: "Nous ne croyons pas à l’idée de culture gaie. Le culte du corps et de l’apparence véhiculé par cette soi-disant culture est une construction pour faire consommer une clientèle cible. Nous ne sommes pas contre les rassemblements, bien au contraire, mais nous sommes contre ce que c’est devenu: une mascarade qui cache les véritables enjeux de nos communautés!"
C’est un peu dans cette perspective que la "Fierté gaie" de Québec a été remplacée cette année par la Fête Arc-en-ciel. Pour Yves Gauthier, coordonnateur de l’événement, il fallait recentrer la fête dans une perspective plus humaine. "Dans le quartier Saint-Jean-Baptiste, nous avons la chance d’avoir une excellente cohabitation. Ce n’est pas un village homogène comme dans d’autres villes. C’est un quartier mixte. On veut donc offrir une fête pour les altersexuels [NDLR: nouveau vocable désignant les gais, les lesbiennes, les transgenres, etc.], mais aussi pour la population en général." La formule est inspirée de la Fête du Faubourg. Pour l’occasion, et en collaboration avec les gens d’affaires du quartier, la rue Saint-Jean sera bloquée pendant deux jours afin de présenter des spectacles et de faire de la sensibilisation.
Le GRIS-Québec, un groupe de soutien et de démystification de l’homosexualité pour les jeunes et leurs alliés – parents et amis -, sera sur place. "C’est vrai que Québec est une ville ouverte et que la situation générale s’est beaucoup améliorée, rapporte Julie Blackburn, intervenante à l’Accès (lieu de ressources pour les 15 à 25 ans géré par le GRIS-Québec), mais la réalité des jeunes face à l’homosexualité est encore très difficile. On rencontre trop de cas de violence et d’intolérance dans les écoles. Les jeunes manquent de modèles positifs. Et ce n’est certainement pas dans les images de gais paradant en cuir ou en paillettes qu’ils vont en trouver."
Pour Albator, il faut aller encore plus loin. "On parle beaucoup d’acceptation et de l’ouverture des straights face à nous. C’est très important, mais c’est aussi important de se questionner sur nos scléroses en tant que communauté. Je parlais du culte du corps et de la consommation, mais on évite aussi de parler des cas de violence conjugale, des viols et de la réalité des plus vieux qui vivent avec leur homosexualité, bien souvent en étant mariés et en ayant des enfants. Ce sont des tabous qu’il faut démolir." La panthère reconnaît par contre que le Québec est un coin du monde privilégié pour les droits sociaux et pour la tolérance. "Il y a cependant une marge entre tolérance et acceptation, poursuit Albator. Ce serait intéressant qu’il n’y ait plus de Village à Montréal. Que la cohabitation se fasse de façon naturelle. Mais ça, ça demanderait de l’ouverture de la part des straights, mais aussi de notre part. C’est certain qu’on constate l’énorme progrès qui a été fait depuis 40 ans au Québec, mais ce n’est pas une raison pour sombrer dans l’apathie politique et se contenter de parader gentiment."
Fête Arc-en-ciel
Les 3 et 4 septembre
Dans le quartier Saint-Jean-Baptiste