Guy A. Lepage : J'veux d'l'amour
Société

Guy A. Lepage : J’veux d’l’amour

Veux, veux pas, aimes, aimes pas, ce sera LE show de la rentrée. À la veille de reprendre le collier, Guy A. Lepage parle de montage, de ligne éditoriale, et s’interroge sur l’attitude à adopter si Karla Homolka venait à accepter son invitation. Son show coupera-t-il les nouvelles cette  année?

Affable, détendu, Guy A. Lepage semble à mille lieues du personnage caustique qu’il incarne sur le plateau de télé où il règne en maître. Aussi, cherchant à dissiper le malentendu concernant son abrasive image publique, il citera une de ses complices de la première heure: "Chantal Francke disait de moi: "Guy, c’est le plus fin des chiens sales." J’aime mieux ça que d’être le plus chien sale des fins! C’est vrai, je suis fin. Mais je ne serai jamais fin au mépris de ne pas dire ce que je pense."

AUDIMAT

Après une emballante première saison, le défi du retour en ondes ne semble pas trop inquiéter l’animateur de Tout le monde en parle. "Les cotes d’écoute sont un accident de parcours qui ne me concerne pas, prétend-il. Il y aurait 700 000 ou 500 000 personnes qui nous écouteraient qu’on ferait l’émission de la même façon."

Tout de même conforté, la présence d’un vaste auditoire lui ayant permis de dominer outrageusement le paysage télévisuel l’an dernier, Lepage ne tarit pas d’éloges pour le format développé par Ardisson, parlant toujours avec admiration des créateurs français: "Ils sont hot en tabarnak. Ils sont très méthodiques. Ardisson n’est pas Monsieur Sympathie, même s’il l’est plus dans la vie qu’à la télé. Mais c’est un homme extrêmement rigoureux qui travaille avec une méthode éprouvée. Ils nous ont expliqué leur méthodologie. On est allés chercher ce qui fonctionne et on s’est approprié le reste." Il serait en effet difficile de transposer directement le contenu de l’émission française au Québec. Question de culture, la plupart des formats d’entrevue seraient impossibles à importer. "De toute façon, on n’a pas acheté une émission scénarisée, comme peut l’être Un gars, une fille. Ce qu’on a importé, c’est la formule d’avoir jusqu’à sept invités qui font l’événement avec un animateur qui peut dire ce qu’il veut, mais qui est chargé de gérer le trafic."

SOUS OBSERVATION

Cette formule est rapidement devenue une foire à la digression où toutes les confidences sont permises. À se demander, même, si on n’est pas plus intéressé par ce qui est hors sujet que par la véritable raison de la venue d’un invité. À ce sujet, Lepage admet sans ambages préférer ce format élastique, qui permet de sortir de la "cassette". "Tout le monde en parle, en général, c’est un show de plogues. Les invités ploguent leur disque, leur show, leur projet de loi ou leur projet de ramasser des fonds pour le Kilimandjaro. C’est toujours pour une raison bien précise qu’ils sont là. Je ne veux donc pas couper complètement le contenu de ce qu’ils ont à dire. Ça ne serait pas intéressant et il n’y en aurait plus un maudit qui voudrait venir à mon show. Mais c’est vrai que d’avoir un espace pour les faire sortir de leur cassette permet d’en apprendre beaucoup sur eux, et ça donne souvent des moments de télé sublimes."

Dans la même veine, garder les invités vissés à leur siège jusqu’en fin d’émission permet de découvrir d’autres facettes de ceux qui font l’événement. Car plus souvent qu’autrement, c’est en parlant des autres qu’ils se dévoilent. "Il y a une image qui m’a marqué, raconte Lepage. Un plan qui ne dure même pas quatre secondes. Pauline Marois s’indigne contre Raël. Elle le vouvoie pour lui expliquer poliment son désaccord. Tout d’un coup, il y a quelqu’un qui dit une vacherie à Raël, pis elle fait "Ouais!" avec un visage tellement méchant (l’ex-RBO mime une Pauline Marois d’une délicieuse méchanceté). Ça dure seulement deux frames, mais on voit beaucoup là-dedans! OK, elle est polie. Mais quand elle fesse, c’est pour tuer! Tout le monde a vu sa réaction. C’est pour ces moments-là que l’émission existe. Pendant trois heures de temps, je t’ai en close-up avec un des neuf kodak. Si tu te décrottes le nez, je te vois. Je suis pas obligé de le garder au montage si ça m’aide pas. Mais on l’a dans la boîte."

Il y a donc une ligne éditoriale à Tout le monde en parle? Lepage hésite: "Mettons que je réponds oui à cette question-là… (Il réfléchit.) Alors je réponds oui. Mais je n’espère rien d’aucun invité. Disons que Jean Charest vient et qu’il est bon en entrevue, après le montage, il va être spectaculaire. Je vais dire: "Il a gagné. Il était hot, il a répondu aux questions!" Comme l’ont été Landry, Mulcair et Couillard. Je ne fais donc pas d’éditorial pernicieux, mais c’est certain que je fais des choix."

KARLA SUPERSTAR

Lepage a déjà annoncé son intention de recevoir Karla Homolka. Si on comprend l’attrait du gros coup, une question d’ordre formel – et éthique – pointe au coin du moniteur: comment la recevoir sur le plateau? Est-ce qu’on la fait entrer sur I Feel Good de James Brown et sous les applaudissements de l’auditoire? "C’est une excellente question. Moi, je n’éprouve pas de sympathie pour cette femme-là, pas du tout, mais je veux savoir ce qu’elle pense. Elle est clairement un sujet dont tout le monde parle. Certains pensent qu’elle a purgé sa peine, d’autres qu’elle devrait toujours être en prison. Ça pose des questions de société importantes. Est-ce qu’on peut s’amender, être réformé?" questionne Lepage.

D’accord, mais ce n’est pas la pertinence du sujet qui importe ici, c’est la question du traitement qu’on réserve à un invité de ce type dans une émission de variétés. À nouveau la même question: est-ce qu’on l’applaudit?

Après un temps de réflexion, l’animateur confie: "Très sincèrement, je ne sais pas. Je n’ai pas encore trouvé réponse à cette question. Mais ce que j’aime de Tout le monde en parle, c’est que ça nous permet justement de questionner les limites."