Le jeu de la chaîne musicale…
Espace musique, la station remplaçant la Chaîne culturelle de Radio-Canada, souffle sa première chandelle. Belle occasion de faire avec Christiane Leblanc le bilan de l’an 1 de cette chaîne née dans la controverse…
En septembre 2004, la Chaîne culturelle se muait en Espace musique. On voulait ainsi lui trouver une meilleure place dans le paysage radiophonique actuel et… un public plus vaste! Un an plus tard, la deuxième chaîne de Radio-Canada s’est-elle finalement trouvée?
"Espace musique a démarré avec une solide volonté de changement étalée sur un plan de trois ans puisqu’on sait qu’en radio, changer les habitudes est très long.
Lorsque les premiers résultats de cotes d’écoute, parus en décembre 2004, nous ont donné une augmentation de l’écoute de l’ordre de 43 %, on était assez heureux. Cela nous a confirmé qu’il y avait une place pour une chaîne musicale multigenre, que ça répondait finalement à un besoin chez les Canadiens. Si je fais une analyse sommaire des courriels et des appels d’auditeurs qu’on a reçus depuis l’an dernier, il semble qu’on touche beaucoup plus de Canadiens avec Espace musique. Auparavant, plus de la moitié de notre auditoire était concentré à Montréal, alors que maintenant, les Montréalais forment environ le tiers de nos auditeurs. On reçoit aussi beaucoup de messages provenant de toutes sortes de communautés culturelles, et c’est un peu notre objectif de s’adresser à ce que j’appelle le "Canada d’aujourd’hui". Le pays ne ressemble plus à ce qu’il était il y a 25 ans. J’ose espérer qu’il y a des néo-Canadiens de différentes cultures qui trouvent en Espace musique une radio qui leur ressemble."
Au lendemain du lancement d’Espace musique, il y a eu des vagues de protestation menées par le Mouvement pour une radio culturelle au Canada. Bon nombre de gens ont déploré la perte d’une fenêtre importante pour le milieu culturel…
"On n’est pas naïfs, on savait très bien qu’il y aurait des mécontents. Et c’est normal, surtout lorsqu’on entreprend des changements aussi radicaux. Ce sont les gens en musique classique qui ont été le plus heurtés, parce qu’on a retiré 22 % de musique classique pour faire plus de place à la musique du monde et à la chanson. L’impression était qu’on en avait enlevé davantage, alors que la Chaîne culturelle avait toujours été LEUR chaîne. Il y a eu des inquiétudes à ce niveau-là, mais on a rencontré les organismes et les gens du milieu musical la saison dernière, et les choses se sont placées à partir du moment où ils ont compris qu’on n’avait absolument pas réduit notre budget pour l’appui aux talents (captation de concerts, enregistrements, etc.)."
Vous l’avez mentionné, l’engouement créé autour du lancement d’Espace musique s’est reflété dans les premiers sondages BBM. Vous avez alors atteint un record de 2,4 % des parts de marché (à Montréal). Or, en mai 2005, la portée chutait à 1,7 %. Les derniers chiffres disponibles pour la défunte Chaîne culturelle lui donnaient 1,5 % des parts de marché. Finalement, on ne peut pas dire qu’Espace musique, un an après sa création, attire beaucoup plus que la défunte Chaîne culturelle…
"On sait très bien que l’augmentation qu’on a obtenue en décembre 2004 était due à la curiosité et à notre campagne de promotion. Je pense que lorsqu’on effectue des changements aussi draconiens en radio, il faut se donner du temps pour voir comment se stabiliseront les habitudes d’écoute. Même si on demeure confiants, on garde quand même le cap sur notre plan de trois ans. De plus, on ne peut pas vraiment comparer ces chiffres parce qu’au temps de la Chaîne culturelle, le paysage radiophonique n’était pas le même. Par exemple, Couleur Jazz n’existait pas…"
Justement, Couleur Jazz et Radio-Classique sont deux chaînes musicales spécialisées. La radio satellite, qui devrait arriver bientôt, est aussi largement composée de chaînes musicales spécialisées. Espace musique fait pourtant le pari de la diversité dans un marché qui semble se spécialiser de plus en plus. N’est-ce pas aller à contre-courant?
"Si on était dans la même situation que la BBC ou Radio France, et qu’on avait les moyens d’exploiter sept ou huit chaînes différentes, on serait les premiers à offrir une chaîne de musique classique, une chaîne de musique du monde, une chaîne de chanson, etc. Mais comme notre chaîne a d’abord pour but de faire connaître les musiciens canadiens, il est évident qu’on serait mal placés de faire de la discrimination. On a essayé de bâtir une radio qui puisse répondre le mieux possible au mandat qu’on s’est donné de bien refléter l’activité musicale qui se passe au pays."
Cette saison, vous donnez plus de place aux animateurs. On trouve de gros noms à l’antenne, dont Claude Rajotte, Sophie Durocher, Catherine Pogonat et Dan Behrman. Pourquoi?
"Quand un auditeur se laisse tenter par une radio, c’est qu’il y a un contact humain. Si on la laisse entrer dans notre voiture, c’est probablement parce que ça nous fait plaisir de temps en temps d’entendre quelqu’un parler avec passion… Il ne faut pas oublier que bon nombre d’animateurs qui faisaient jadis partie de l’équipe de la Chaîne culturelle sont aujourd’hui à Espace musique. Ce qu’on a surtout tenté de faire, c’est changer la culture interne. Plutôt que de mettre en ondes de grands spécialistes universitaires, on a essayé d’aller vers des gens passionnés qui aimaient un genre de musique depuis longtemps."
Edgar Fruitier est l’incarnation même de la passion pour la musique classique. Espace musique s’est pourtant passé de ses services…
"Rien ne nous dit qu’il ne reviendra pas à l’antenne à un certain moment donné. Mais on voulait quand même qu’Espace musique soit perçu comme une nouvelle radio…"
Vouliez-vous rajeunir votre auditoire?
"Oui, on aimerait bien. Parce que notre auditoire moyen est âgé d’environ 55 ans. On pourra mieux constater, dans les prochains sondages, s’il a rajeuni…"