Jeunes profs : Levez la main!
Société

Jeunes profs : Levez la main!

Fini le temps où les institutrices attendaient patiemment les élèves en nettoyant et réchauffant la petite école comme dans le temps d’Émilie Bordeleau. Qu’en est-il des débuts des jeunes professeurs aujourd’hui?

Une étude faite en 2003 et publiée dans Le Devoir révélait que 20 % des enseignants du primaire et du secondaire tournaient le dos à leur profession cinq ans après l’embauche à la commission scolaire à cause de débuts difficiles, notamment de leur statut précaire. Qu’en est-il des débuts des professeurs au collégial et à l’université aujourd’hui?

Petit exercice anecdotique auquel deux jeunes professeurs ont bien voulu se prêter…

Diplômé en radiodiffusion, Jean-Denis Bujold-Scott enseigne dans ce même programme depuis quelque temps. Âgé de 26 ans, le professeur à temps plein à la Cité collégiale (LCC) juge que le rôle d’un jeune professeur est paradoxal. "D’une part, quand on est un jeune prof, on a une certaine insécurité en ce qui concerne le respect des étudiants, c’est-à-dire qu’on a le réflexe d’essayer d’être proche de nos étudiants pour avoir une bonne réceptivité. D’autre part, dans mon cas, je ne veux pas du tout devenir leur ami, à cause de tous les problèmes que cela peut engendrer. Ça arrive souvent que je suis invité à des soirées, à des BBQ – c’est normal, j’ai sensiblement le même âge que mes étudiants -, mais je refuse toujours."

Même s’il juge qu’il est un professeur "cool" ou "juste", il ne veut pas tomber dans le piège de la familiarité. "Je considère toujours ma relation avec mes étudiants un peu comme de la business, je ne viens pas ici pour voir mes amis, je viens ici parce que c’est mon gagne-pain, parce que j’ai une passion à transmettre."

Pour Luc Bonneville, 29 ans, enseignant au Département des communications de l’Université d’Ottawa, les débuts n’ont pas été trop difficiles, quoiqu’il considère qu’"objectivement, ce n’est pas toujours facile, ça demande beaucoup d’énergie, d’organisation. La conciliation travail-famille aussi, c’est difficile". Le père d’une fillette de deux ans ajoute, en ce qui a trait à ses relations avec ses étudiants: "J’ai d’excellents rapports, faut dire que l’avantage, c’est qu’il n’y a pas longtemps, j’étais moi-même étudiant, alors je suis dans cette logique de comprendre ce que vivent les étudiants."

Dans sa courte carrière d’à peine un an et demi, Luc Bonneville s’est retrouvé à quelques reprises devant des étudiants plus vieux que lui. "A priori, c’était une de mes appréhensions, mais je me suis rendu compte que ça allait. Forcément, quand on a fait un doctorat, et un post-doctorat dans mon cas, comme il y a toutes sortes d’étapes sur le plan intellectuel, sur le plan scolaire, social et individuel, on acquiert une certaine maturité qui nous investit d’une certaine autorité quand on s’adresse par exemple à des gens du même âge ou plus vieux que nous."

Luc Bonneville se fait vouvoyer systématiquement par ses étudiants. "Déjà, ça crée une espèce de distance. D’après ce que je constate, les étudiants de mes collègues anglophones sont beaucoup plus familiers avec les jeunes enseignants. Moi, il n’y a jamais personne qui m’a demandé ce que j’ai fait en fin de semaine (rires)."

Bref, ces jeunes professeurs ne sont pas maltraités et ont encore le feu sacré de l’enseignement. Et que la flamme reste vive encore longtemps, de grâce!