Lorraine Vaillancourt : D'hier à demain
Société

Lorraine Vaillancourt : D’hier à demain

Afin de marquer d’un trait la Journée internationale de la musique (1er octobre), et l’initiative Adoptez un musicien qui s’y rattache, Voir a adopté cette année Lorraine Vaillancourt, pianiste, pédagogue, directrice d’ensemble et l’une des figures de proue de l’avant-garde musicale au Québec.

Il y a déjà plusieurs années que Lorraine Vaillancourt a fait sa marque dans le paysage musical montréalais comme l’une des plus infatigables avocates de la musique d’aujourd’hui. L’amour de la musique est d’ailleurs un trait familial chez les Vaillancourt, comme l’explique la musicienne originaire d’Arvida: "Mes parents étaient vraiment des amoureux de la musique; mon père avait une très belle voix de basse et il dirigeait le chœur de l’église, dont ma mère faisait partie. La vie familiale tournait beaucoup autour des arts et le milieu était tout à fait propice à l’étude de la musique, même si, paradoxalement, on nous prévenait contre les difficultés d’une vie qui y serait entièrement consacrée, sans cependant nous empêcher de faire quoi que ce soit." On connaît la suite: le frère aîné de Lorraine, Jean-Eudes, est pianiste, chef d’orchestre et professeur agrégé à la Faculté de musique de l’Université de Montréal et sa sœur Pauline, directrice de la compagnie lyrique de création Chants Libres, est l’une de nos sopranos les plus respectées, et certes la plus aventureuse. "J’ai aussi une plus jeune sœur qui a fait de la musique, mais sans en faire un métier, bien qu’elle ait été directrice de production pour le NEM au début de l’ensemble."

QUÉBEC-PARIS-MONTRÉAL

C’est d’abord le piano qu’elle a étudié au Conservatoire de musique de Québec, en 1964, mais aussi la direction d’orchestre avec Sylvio Lacharité (fondateur de l’Orchestre symphonique de Sherbrooke). "C’était vraiment ce qui m’intéressait le plus, précise-t-elle. Il y avait plusieurs compositeurs autour de moi et de l’intérêt pour les musiques nouvelles, alors il fallait bien quelqu’un pour les diriger, même si, à cette époque-là, il en était à peine question." Dès la fin de ses études au Conservatoire, en 1968, elle s’envole pour Paris pour compléter sa formation en direction auprès de Pierre Dervaux. Belle époque pour visiter la Ville lumière! "J’étais assez naïve à l’époque et je m’attendais à trouver à Paris un environnement très conservateur, très "études classiques". Et je me suis rincé l’oreille, mais joyeusement! Il y avait des concerts pratiquement tous les jours, et toujours gratuits; énormément de créations aussi, c’étaient de grandes années! J’étudiais aussi le piano avec Yvonne Loriot, sans grande complicité, et c’est surtout avec son assistante, une pianiste qui était très présente dans le milieu de la musique contemporaine, que j’ai vraiment commencé à faire ce que j’avais envie de faire. J’étais affamée, mais ce furent deux années fantastiques."

À son retour, elle se rapproche de Serge Garant, l’un des fondateurs en 1966 de la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ) et bientôt celui de l’Atelier de musique contemporaine de l’UdeM (1970), dont elle suit les cours d’analyse musicale. "Je pense que Serge s’est rendu compte que j’étais à ma place. À cause de ses multiples occupations, et principalement la direction de la SMCQ, il s’est quelque peu désintéressé de l’Atelier, dont Bruce Mather s’occupait de plus en plus, mais il a eu un poste à McGill et, en 1974, je m’occupais de l’Atelier." Lorraine Vaillancourt dirige toujours aujourd’hui les destinées de l’Atelier.

En 1978, avec les compositeurs José Evangelista, John Rea et Claude Vivier, elle fonde Les Événements du Neuf, une société de concerts qui offre une alternative à la proposition de la SMCQ, et ce faisant, contribue à multiplier le nombre de concerts de musique contemporaine à Montréal. La société produira des concerts pendant 12 ans, mais au fil du temps, il deviendra clair pour tout le monde que ce qui doit être mis sur pied, c’est un ensemble stable, qui puisse se donner le temps d’approfondir l’interprétation de musiques en mutation constante des jeunes compositeurs. En 1989, Lorraine Vaillancourt fonde le Nouvel Ensemble Moderne.

NEM

Le NEM célébrait l’année dernière son 15e anniversaire, mais la saison que l’ensemble ouvrait le 20 septembre dernier est très probablement la plus occupée qu’il ait connue jusqu’à maintenant. Au fil de son histoire, le NEM a réalisé de nombreux partenariats avec des ensembles ou organismes de l’étranger, et la saison qui débute en est un bel exemple. "On nous demande souvent d’expliquer quels sont nos efforts pour vendre des billets, pour vulgariser le propos, pour développer le public…" Si on lui pose encore ces questions, Lorraine Vaillancourt n’aura qu’à présenter le programme de la saison qui commence.

Deux concerts de "musiques de la francophonie" (Boulez, Dufourt, Mantovani, etc.); un concert conjoint avec l’Orchestre symphonique des jeunes de Montréal (en janvier, à ne pas manquer!); la troisième édition de MusMix, qui vise à faire connaître la musique mixte; un spectacle de danse avec la compagnie Van Grimde Corps Secrets (aussi présenté à Ottawa); un Grand concert annuel présentant une création mondiale du compositeur français Tristan Murail; un 8e Forum international des jeunes compositeurs qui se tiendra, une fois n’est pas coutume, à Amsterdam; des concerts en France (Metz et Marseille), des rencontres à la Chapelle historique du Bon-Pasteur avec les compositeurs, etc.

À VOIR

Le prochain événement au calendrier se tiendra le 1er octobre, Journée internationale de la musique, alors que le compositeur français François Paris parlera de sa musique et plus particulièrement de celle qu’il a composée pour accompagner le film de Jean Vigo À propos de Nice (1930), que le NEM interprétera le 3 octobre au Théâtre Outremont pour souligner le centenaire du cinéaste. "C’est un film d’une vingtaine de minutes seulement, rappelle Lorraine Vaillancourt, alors nous le présenterons une fois comme le film muet qu’il est, et puis nous le repasserons en jouant la musique de François Paris. C’est une expérience que le NEM n’a jamais tentée, mais la proposition était trop belle!"

Une bonne occasion en effet de tâter le pouls de la création contemporaine et d’aller rencontrer Lorraine Vaillancourt dans son élément. Ce serait la première? Saisissez-la! www.nem.umontreal.ca