Entre deux maires…
Le 6 novembre prochain, les Montréalais devront se choisir un maire. Voir a voulu jaser culture avec les deux principaux opposants dans cette course électorale: le maire Tremblay et… le maire Bourque!
De façon générale, comment pensez-vous que les Montréalais vous perçoivent?
Gérald Tremblay: "De plus en plus, les gens me voient comme un défenseur de Montréal. Et je l’ai démontré à plusieurs reprises dans les dossiers du Grand Prix, de la FINA ou de l’hôpital des Shriners, par exemple."
Pierre Bourque: "Je crois qu’ils ont un grand respect pour moi. Et de l’affection aussi. Je pense qu’ils voient en moi quelqu’un qui est avant tout passionné par Montréal."
Quelles sont vos orientations générales en ce qui concerne le développement culturel de Montréal? Préférez-vous de grandes manifestations ou de la culture "de proximité"?
GT: "On doit travailler davantage sur la demande que sur l’offre. Parce que l’offre culturelle est déjà considérable à Montréal, que ce soit en ce qui concerne les bibliothèques, les maisons de la culture, les festivals, les musées, etc. Il y a donc une offre importante qu’il faut cependant rendre plus accessible. Il faut faire ce que nous appelons de la "médiation de la culture". Il faut retourner dans les différents arrondissements et adapter l’offre aux besoins de la population. Pour nous, c’est fondamental. Il doit évidemment y avoir de grandes manifestations qui donnent à Montréal de la crédibilité sur la scène internationale (Festival de Jazz, Cirque du Soleil, FrancoFolies), mais il faut aussi qu’il y ait dans chaque arrondissement des activités qui permettent aux gens de s’approprier la culture afin de développer un "réflexe culturel"."
PB: "J’ai toujours été davantage pour la culture de proximité. Par exemple, je souhaite valoriser surtout les communautés culturelles à Montréal. L’expression culturelle dans les quartiers a toujours été un élément fort que j’ai encouragé et qui pourrait nous rapprocher des différentes communautés que l’on trouve ici. Cela pourrait se concrétiser par une meilleure utilisation des parcs pour la tenue d’événements et, éventuellement, la création de centres sur la culture arabe, africaine ou latino-américaine, par exemple… Ce sont là des projets que l’on souhaiterait réaliser. Mais évidemment, tout ça n’empêche pas que l’on respecte nos grandes institutions que sont, par exemple, l’OSM ou encore Les Grands Ballets Canadiens."
Que comptez-vous faire pour soutenir l’OSM, l’Opéra de Montréal ou Les Grands Ballets Canadiens?
GT: "On les soutient déjà par le biais du Conseil des arts de Montréal, à qui la Ville donne une enveloppe annuelle de 10 millions $. On aimerait bien en mettre davantage, mais déjà 5 % de notre budget actuel va à la culture. On ne peut pas continuer à accélérer le développement du soutien à la culture en utilisant des revenus basés à 80 % sur les taxes municipales."
Pierre Bourque: «Notre nouveau rôle se situe surtout au niveau de la logistique, pour supporter l’ensemble des événements qui se déroulent à Montréal.» |
PB: "Ces institutions vivent actuellement des drames très profonds et il faut les soutenir. Je pense que la Ville et le maire doivent s’impliquer davantage parce que Montréal doit rester une ville d’innovations. Que les fonds proviennent du public ou de l’entreprise privée, l’investissement doit être soutenu. On se doit d’intervenir parce que ces institutions sont très fragiles présentement."
Depuis que le gouvernement fédéral s’est désengagé de la commandite d’événements culturels (à la suite du scandale des commandites), quel rôle jouera le municipal en tant qu’organisme subventionneur?
GT: "Lorsqu’on dit que Montréal est une métropole culturelle de langue française, il faut être en mesure de soutenir la culture pour pouvoir attirer des talents. Au niveau de la Ville et de la Communauté métropolitaine de Montréal, on retrouve une importante grappe d’entreprises culturelles. Pourquoi? Parce qu’on réalise que la culture représente 5 milliards $ en retombées économiques et 90 000 emplois. Sauf qu’on ne peut pas demander à la Ville de soutenir la culture à même les taxes foncières. Par contre, si on accélère le développement de nos entreprises culturelles, on crée plus de richesse, et une partie de cette richesse retourne aux deux paliers de gouvernement (fédéral et provincial) sous forme de taxe de vente et d’impôt sur le revenu. Or, pourquoi le municipal investirait-il deux ou même trois fois plus que le fédéral pour soutenir l’industrie culturelle? C’est la raison pour laquelle il y a eu une importante manifestation le 25 octobre afin de demander au gouvernement fédéral de doubler ses contributions à la culture, de passer de 150 millions $ à 300 millions $."
PB: "Notre nouveau rôle se situe surtout au niveau de la logistique, pour supporter l’ensemble des événements qui se déroulent à Montréal. Il faut aussi continuer à assurer un investissement financier. On a les moyens de le faire, nous avons annoncé une augmentation du financement de 20 % au Conseil des arts (dont le budget passerait de 10 millions $ à 12 millions $). Mais il faut aussi soutenir la créativité partout, particulièrement en ce qui concerne les jeunes artistes. Il y a beaucoup de studios d’artistes à Montréal qu’il faut soutenir et qui sont présentement dans une situation précaire. Je pense notamment aux artistes qui sont dans l’édifice Grover (Hochelaga-Maisonneuve). Il y a beaucoup de choses simples que l’on peut faire, entre autres éliminer les taxes municipales pour ces artistes. On peut aussi les aider afin que ces lieux-là deviennent des centres de création. Toute cette vie artistique mérite qu’on s’en occupe."
Quelle est votre position sur les festivals de films de Montréal? Préféreriez-vous un seul festival d’envergure, ou deux moins importants?
GT: "Ce que je souhaite, c’est que les deux grands festivals de films (le FIFM et le FFM) s’unissent pour qu’on se retrouve à Montréal avec un seul festival du film. Et qu’on puisse le faire dans l’harmonie, et non dans la division, avec les conséquences qu’on a vécues au cours des derniers mois. À la Ville, nous n’avons pas été partie prenante dans cette décision, nous voulons seulement que toute personne qui veut favoriser le développement de Montréal puisse le faire à sa façon, mais il y a tout de même une limite à la contribution financière que l’on peut fournir."
PB: "Honnêtement, je pense que ceux qui sont créatifs ont le droit de vivre et je ne mettrais certainement pas la hache là-dedans. En ce qui concerne les deux grands festivals de films, je pense qu’il va falloir aller vers un seul. De plus, je pense que le Festival des films de Montréal devrait devenir un véhicule extraordinaire pour la promotion du cinéma québécois, ce qui n’est pas nécessairement le cas en ce moment…"
Selon les plans initiaux, le Quartier des spectacles devrait déjà être construit. Or, rien n’a encore été fait. Comment ce grand chantier évoluerait-il si vous étiez élu?
GT: "Il est vrai qu’il n’y a pas encore eu de pelletée de terre. Par contre, la priorité est toujours la même. On a déjà prévu des investissements importants (de l’ordre de 11 millions de $) pour le boulevard Saint-Laurent (entre Sherbrooke et Mont-Royal). Notre défi au cours des prochaines années sera d’accélérer la réalisation de ce projet."
PB: "C’est un peu catastrophique, ce qui arrive à ce projet-là, que j’avais lancé à l’époque avec M. Lucien Bouchard. Je pense que le plus important pour l’instant dans ce projet, c’est d’aller de l’avant avec la Place de la musique. L’autre projet qu’il faudrait réaliser est celui de la rue Clark, qui viendrait encadrer un peu plus le centre-ville."
Avec l’arrivée de la Grande Bibliothèque, envisagez-vous un avenir intéressant pour les bibliothèques de quartier?
GT: "Le problème avec les bibliothèques, c’est que pendant des décennies on a réduit les heures d’ouverture, qui sont de 32 par semaine. Après le 1er janvier 2006, il va nous rester 42 bibliothèques à Montréal, et on va en ouvrir deux nouvelles l’an prochain. On a par ailleurs pris l’engagement d’augmenter le nombre d’heures d’ouverture à 53 par semaine, d’augmenter le nombre de bibliothécaires et d’ajouter 100 000 livres aux collections actuelles. Aussi, l’offre des bibliothèques est là, mais est-ce qu’on ne pourrait pas mieux l’adapter aux communautés de diverses origines? A-t-on suffisamment de livres pour ces diverses communautés?"
PB: "En investissant 20 % de plus dans les bibliothèques de quartier, ce que l’on veut faire, on espère pouvoir acheter plus de livres, ce qui aura un impact énorme sur le renouvellement de l’offre des petites bibliothèques afin de les rendre plus attrayantes. Il faut aussi intégrer davantage les bibliothèques de quartier aux communautés locales. Je pense qu’elles vont finir par trouver leur créneau. La Grande Bibliothèque a une clientèle plus universitaire: des chercheurs, des intellectuels. Une clientèle qui n’est probablement pas celle des enfants qui vont aller vers les bibliothèques de quartier, lesquelles jouent en ce sens un rôle extraordinaire."
Quel avenir envisagez-vous pour les maisons de la culture?
GT: "On en ouvre, comme la maison de la culture Maisonneuve. C’est très important parce que c’est dans ces endroits qu’on développe l’imagination, notre talent et notre avenir. Toute notre politique est orientée vers la décentralisation et la personnalisation des arrondissements. Chaque arrondissement devrait donc avoir sa maison de la culture."
PB: "Je pense qu’il faut continuer à les encourager et, avec la ville élargie, il faudra en construire de nouvelles. On va en construire une à Villeray, il faut aussi regarder du côté de Lachine. Dès qu’il y a un bassin de 100 000 personnes, je pense qu’il faut une maison de la culture. Malheureusement, elles ne sont pas assez fréquentées et il faudra regarder ce qu’on peut faire pour améliorer la situation."