Radio Enfant-Ado : Micros animateurs
Société

Radio Enfant-Ado : Micros animateurs

Ses employés ne feront jamais la manchette pour un lock-out, elle n’aura jamais à réagir aux propos d’un Pierre Lapointe au gala de l’ADISQ et elle n’aura jamais l’influence de CJRC lors d’élections municipales. Pourtant, la Radio Enfant-Ado prouve sa pertinence et tire son antenne du jeu.

Bien qu’ils forment plus de 20 % de la population, les moins de 18 ans ne se font jamais coller l’étiquette de public-cible par les diffuseurs. Commercialement, la tranche d’âge n’est pas assez payante. Alors, les plus jeunes ont droit à 275-Allô et leurs aînés de quelques années tendent l’oreille vers l’émission qui la suit, Ados-radio, deux portions de programmation animées par Valérie Letarte chaque soir de la semaine à la Première Chaîne de Radio-Canada. Sinon, le néant. Leur relation avec le AM/FM se limite à la zizique pop qu’ils entendent entre les réclames du concessionnaire et celles du bar le plus hot en ville. Pour l’intérêt des jeunes auditeurs, on repassera.

Voilà à quoi la Radio Enfant-Ado a voulu remédier lorsqu’elle a commencé ses activités il y a cinq ans. Puisque ni le CRTC ni le ministère du Patrimoine ne semblaient se préoccuper des besoins des enfants en matière de radio, l’initiateur du projet, Michel Delorme, a demandé une licence pour donner le micro aux enfants, pour les enfants. Depuis, on les a formés à travers plus de 300 écoles à travers le monde pour en arriver aujourd’hui à une programmation qui tient la route sur la fréquence 101,9 FM.

Coordonnatrice de la Radio Enfant-Ado depuis trois ans, Nathalie Bernard explique que les démarches n’ont rien de facile depuis le début du projet. Où en sommes-nous rendus? "Ce fut long mais nous avons obtenu du CRTC une nouvelle licence pour la Radio Enfant-Ado, une licence commerciale sur bande AM." AM? Commerciale? Pour des enfants? "On aurait préféré une licence communautaire…"

Au CRTC, une porte-parole nous avoue ne pas être en mesure de nous expliquer tous les détails de l’entente, mais nous fournit tous les documents émis par l’organisme fédéral. Nous y comprenons que la Radio Enfant-Ado diffusera éventuellement sur la fréquence 1250 AM avec, comme outil de financement, la diffusion de commandites éducatives et informatives. Aucune pub de bière ou de loterie, évidemment.

OK, mais tous ces efforts, pourquoi? La radio intéresse-t-elle vraiment les jeunes? Des 37 000 enfants âgés de 5 à 14 ans à Ottawa et Gatineau, combien se brancheraient régulièrement sur les ondes de la radio spécialisée? D’abord, il n’y a pas là entreprise mercantile ni besoin de performance. Les bafouillages et les silences mal placés ne leur vaudront pas un congédiement. Avant tout, les coordonnateurs du projet veulent faire (et font déjà) de la radio un outil éducatif. C’est ainsi que d’école en école, ils sensibilisent les enfants à la magie du médium. Les ondes permettent à ces derniers de s’exprimer sur les sujets qui les passionnent et de développer leur créativité. On dit que la radio est le médium de l’imaginaire. Faites l’expérience: fermez les yeux et entendez un enfant de sept ans réciter en ondes le poème composé la veille en classe…

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DE LA RELÈVE RELEVÉE

"Là, tu parles à une fille passionnée…" Pas de doute, la jeune voix dynamique que j’ai au bout du fil est celle d’une mordue du micro. Pascale Demontigny a 17 ans et sait ce qu’elle veut faire dans la vie depuis qu’elle fraye avec la Radio Enfant-Ado, voilà maintenant un an. "Je trippe à fond! À rencontrer les artistes, les agents de presse, à faire des émissions comme l’été dernier, en direct du Festival des montgolfières!" Quelle est la radio idéale, selon toi? "Quelque chose d’original. Avec du bon français. Du contenu, aussi. Merde, les animateurs aujourd’hui, ils n’ont tellement rien à dire!" J’allais lui demander à quel genre de station elle aimerait travailler un jour quand c’est elle qui a pris le contrôle de l’entrevue: "Toi, tu écoutes quoi? Est-ce que tu fais de la radio? Ah oui, où? C’est à quelle heure? C’est quel genre d’émission? Peut-être que tu pourrais venir à notre émission, on pourrait faire une entrevue avec toi…" À en juger par la répartie et l’intérêt dont elle fait preuve, on a peut-être là une future Marie-France Bazzo. Elle est aussi là, l’utilité d’une Radio Enfant-Ado dans la région, celle de former les futurs artisans qui animeront un jour la radio d’Ottawa-Gatineau. Info: http://franco.ca/radioenfant