Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques : Tout le monde en parle
Société

Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques : Tout le monde en parle

Dix mille dignitaires des quatre coins du monde sont en ville pour la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques. En marge de l’événement officiel, la faune citoyenne est en effervescence.

Le 24 novembre dernier, la salle de bal A-B de l’Université McGill est pleine à craquer. L’objet: le premier symposium en science Lorne Trottier. Quatre éminents scientifiques débattent d’une question chaude: comment faire la part entre la demande croissante en énergie et la menace des changements climatiques?

Parmi les quelques centaines de personnes présentes dans l’assistance, on reconnaît Justin Trudeau, le ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs Thomas Mulcair (suivi de sa suite) ainsi que Lorne Trottier en personne, multimillionnaire, cofondateur de Matrox, ami des sciences et grand donateur à McGill. Tout près de moi, une étudiante tricote paisiblement un foulard pour se prémunir contre l’implacable hiver qui donne son avant-première à l’extérieur. Un brin d’ironie, considérant qu’il est ici question de réchauffement climatique.

Au-delà du contenu, l’événement en soi est porteur d’un message. Que tous ces gens se soient déplacés pour assister à une conférence hautement scientifique, prononcée par des experts aussi pertinents qu’inconnus du grand public, témoigne d’une chose: les défis que représente la lutte contre les changements climatiques préoccupent. C’est décidément l’enjeu de notre époque…

CITOYENS, MANIFESTEZ-VOUS!

Ce symposium public organisé par l’Université McGill fait partie d’une multitude de rassemblements citoyens tenus à l’ombre de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques. Entre autres choses, on note à l’agenda cette soirée festive de projection de courts-métrages sur les changements climatiques, qui se tiendra le 1er décembre, dès 19 h 30, à la Sala Rossa (4848, boulevard Saint-Laurent). D’autre part, la population est invitée, le 3 décembre, à prendre part à la Marche mondiale pour le climat afin d’exiger des actions sérieuses de la part des signataires du Protocole de Kyoto. Départ à midi au square Dorchester ou au métro Papineau. La Fondation David Suzuki organise pour sa part un spectacle à la Salle Pierre-Mercure, le 5 décembre, mettant en vedette Les Cowboys Fringants, Kid Koala et The Stills…

Et pour ceux qui n’auraient pas le temps de participer à ces manifestations, mais qui souhaiteraient néanmoins ajouter leur grain de sel au vaste débat, la Société des arts technologiques (SAT) a mis sur pied le projet mKyoto. Grâce à un site Internet (www.mkyoto.org) (ou en se rendant au local de la SAT), tout un chacun peut enregistrer un message vidéo afin d’immortaliser ses pensées, ses propositions ou son opinion sur les changements climatiques. Tous ces clips de sagesse populaire seront projetés dans le Panoscope 360°, sorte de station d’immersion multimédia de 18 pieds de diamètre que les dignitaires pourront utiliser lors de la soirée-spectacle organisée à leur intention au Biodôme le 6 décembre prochain. Pour le "monde ordinaire", voilà une façon originale de se faire entendre par les décideurs…

Décidément, si cette conférence des Nations Unies n’aboutit pas à de grandes décisions historiques, elle aura à tout le moins été un formidable outil de sensibilisation populaire. En suscitant les discussions, elle permettra certainement au public de pousser sa pensée plus loin que les slogans habituels du style "À bas les VUS"!

HYDROGÈNE, NUCLÉAIRE, ÉOLIEN?

C’est un buffet de solutions concrètes qui était servi lors de ce symposium tenu à l’Université McGill la semaine dernière. Après avoir étalé nombre de statistiques sur la croissance de nos émissions de CO2 au cours des dernières décennies, chiffres que l’on peut aisément mettre en relation avec l’accroissement de la population mondiale, les quatre experts présents ont livré leur vision de l’avenir. L’ampleur du défi est énorme. Le coût de la lutte aux changements climatiques sera de plusieurs centaines de milliards de dollars. Des technologies révolutionnaires devront être mises de l’avant, que l’on parle de captage de CO2 ou de l’hydrogène comme substitut aux combustibles fossiles…

Parmi les panélistes, l’expert scientifique en chef d’Énergie atomique du Canada, Rom Duffey, est venu vendre la solution nucléaire. La seule, selon lui, qui peut respecter les objectifs de réduction de gaz à effet de serre, et ce, malgré les "préjugés" qui persistent autour de la fission-fusion. De sa voix posée, il a présenté son rêve d’une société basée sur l’hydrogène comme forme d’énergie majeure, et sur le nucléaire comme moyen de produire ce même hydrogène. M. Duffey ne croit pas que des efforts de réduction de notre demande en énergie soient une solution intelligente puisque, selon lui, "personne ne veut réellement changer son mode de vie".

Un autre panéliste, le fondateur du Rocky Mountain Institute, Amory Lovins, a déballé une opinion diamétralement opposée à celle de M. Duffey. "Il est beaucoup moins coûteux d’économiser de l’énergie que d’en produire", a-t-il soutenu en prenant pour exemple la multitude de grandes entreprises qui ont su, grâce à l’efficacité énergétique, couper leurs coûts de production, augmenter leurs profits, aider l’environnement et rendre heureux leurs actionnaires. M. Lovins croit qu’Oncle Sam pourrait éliminer son recours au pétrole tout en rentabilisant son économie. Comment? Non pas en embrassant la seule technologie nucléaire, mais en encourageant l’efficacité énergétique ainsi que diverses formes d’énergie verte (solaire, éolienne, hydroélectrique).

Oui, le dossier des changements climatiques est complexe. Oui, il reste encore des montagnes de sujets à débattre, de protocoles à signer, de décisions à prendre et de moyens à envisager… L’important, c’est que tout le monde en parle…