Loco Locass : Voter, c'est voter
Société

Loco Locass : Voter, c’est voter

Loco Locass lance ces jours-ci chez Fides Poids plume, des textes de chansons. En pleine campagne électorale nationale, Voir a eu envie de discuter avec eux des rapports entre poésie, politique et engagement.

On les dit engagés, mais ils ne font partie d’aucun mouvement politique partisan. Loco Locass est simplement engagé dans sa parole, comme le démontre éloquemment Poids plume, un recueil des textes des chansons qui figurent sur In Vivo et Amour oral. À quelque six semaines de l’élection fédérale, nous avons rencontré Biz et Chafiik dans une cafétéria au centre-ville, pour parler de la et du politique.

Vous venez de publier les textes de vos chansons pour le moins engagées. Vous vous prononcez souvent, politiquement. Manifestement, vous accordez beaucoup d’importance à la politique dans vos vies.

Chafiik: "La politique, c’est vivre ensemble, tout simplement. Nous, on est pour un État fort, où chacun fait son petit bout de chemin pour qu’on soit capable de vivre ensemble. C’est le projet le plus complexe que tu peux imaginer, plus complexe que la relation amoureuse: tu crées un pays, une société en équilibre."

Biz: "Dès qu’il y a deux personnes, il y a du politique. Je ne comprends pas que quelqu’un puisse dire: fuck la politique!"

De plus en plus de gens disent: un engagement moins politique et de plus en plus citoyen.

Chafiik: "C’est démagogique. Je sais que c’est normal qu’il y ait un cynisme ambiant par rapport à la politique. On a reçu des textes d’enfants de 9, 10 ans inspirés de la poésie de Loco Locass. Eh bien, ce qui leur a fait connaître la politique, c’est le scandale des commandites et la commission Gomery! Ils en parlaient dans leurs textes! Ça commence mal! Moi, je suis souvent déçu des politiciens, mais jamais de la politique. Loco a des vieilles idées inspirées de la Cité des Grecs qui disaient: occupons-nous des affaires de la Cité. Notre rôle, c’est de remettre de l’espoir et du plaisir dans la chose politique. Dans nos spectacles, on est drôles et sérieux, poétiques et politiques."

Suivez-vous attentivement les élections fédérales?

Biz et Chafiik: "Beaucoup."

Chafiik: "Malgré l’impression de déjà-vu."

Biz: "Les gens sont formidables: "Maudits partis d’opposition qui déclenchent des élections qui vont nous amener au même point!" Coudon, ils veulent abolir les élections et vivre avec une dictature libérale jusqu’à la fin des temps? Et si on revient au même point, est-ce la faute de Duceppe et de Harper ou bien des épais qui votent de nouveau pour les mêmes? Ne peut-on pas tirer des conclusions de ce Parlement bloqué? Il me semble qu’on aurait un examen national à faire: nous avons un problème, et ce problème, c’est la question du Québec. On n’a pas signé la Constitution. Si Charest est si fédéraliste, pourquoi ne la signe-t-il pas? Tu es marié avec quelqu’un, tu te fais chier dans ton mariage, mais tu persistes à rester avec cette personne en disant: on ne fait plus l’amour, mais tout va bien aux yeux des invités."

LES ANGES DANS NOTRE CAMPAGNE FÉDÉRALE

Parlons des acteurs de cette campagne. Que pensez-vous de Gilles Duceppe?

Biz: "Il a le beau rôle car il n’aura jamais le pouvoir. Mais il y a différentes façons d’être dans l’opposition. On peut être hargneux, cynique, etc. Lui, il est très préparé. Je le trouve un peu plus charismatique qu’avant. Dans ma circonscription, il va avoir mon vote. C’est un chef qui me représente."

Jack Layton?

Chafiik: "Il représente de bonnes valeurs. Un environnementaliste positif, non alarmiste. Le seul problème des néo-démocrates, c’est qu’ils sont plus centralisateurs que les conservateurs. Ils ne sont pas pour la souveraineté du Québec."

Biz: "Comme ils sont à gauche, ils veulent un État fort qui va redistribuer la richesse; mais notre État fort, ce n’est pas le Canada, on ne veut pas que ce soient des gens de l’Ouest qui décident des programmes sociaux québécois. L’idéal, pour nous, c’est un Québec indépendant avec un Canada néo-démocrate."

Est-ce que Stephen Harper a des chances de faire passer son discours ici? Car il semble y avoir une certaine montée de la droite au Québec.

Chafiik: "Toute la planète est plus à droite."

Biz: "Mais Harper a autant de charisme qu’un matelas à ressorts."

Chafiik: "C’est surtout ce qu’il représente, le problème."

Biz: "Les libéraux du Canada, comme les républicains aux États-Unis, se sont positionnés de façon hyper-patriotique. C’est le parti qui représente l’unité canadienne. Le parti de Harper ne parle pas du Canada de la même façon. Quand Harper arrive au Québec, il doit modérer sa feuille d’érable. Mais de toute façon, ce pays-là ne marche pas! Quand le premier ministre ne vient pas du Québec, ça pose un sérieux problème!"

Croyez-vous Paul Martin quand il dit qu’il ne savait rien du détournement de fonds des commandites?

Biz: "De deux choses l’une: soit il est impliqué et il est menteur – en ce cas il faut le mettre dehors -, soit il n’est pas impliqué et il est incompétent comme numéro deux du Conseil du Trésor – en ce cas il faut le mettre dehors aussi. Les conservateurs ne sont pas bons dans leur stratégie. Ils devraient dire aux Canadiens: on a kidnappé votre pays, ne reportez pas les libéraux au pouvoir."

Irez-vous voter le 23 janvier?

Biz: "C’est certain. Même ceux qui sont totalement opposés à nos valeurs, on les encourage à aller voter. C’est important, dans une démocratie."

Chafiik: "Même si on chante Libérez-nous des libéraux, on est tout à fait contre le cynisme par rapport à la politique; on ne chante pas: libérez-nous des politiciens! La population a pu comprendre cette année que si le parti au pouvoir dérape, s’il n’est pas à la hauteur du mandat, on peut manifester et faire changer les choses."

Poids plume
Loco Locass
(Fides)