Génération Y, mode d’emploi
Société

Génération Y, mode d’emploi

Accrochez-vous, ils arrivent! La génération Y, 4,3 millions d’individus au Canada et bientôt 45 % de la population salariée, pourrait bien changer notre paysage social, affirme Carol Allain, auteur du livre Génération Y, l’enfant roi devenu  adulte.

Allain, qui suit depuis plus d’une dizaine d’années l’évolution de l’enfant roi, écrit: Ils sont indépendants d’esprit, balaient l’ancien et disent merde à leurs parents, et par la même occasion à leurs employeurs. Son plus récent ouvrage est le fruit de ces années d’échange, à la fois avec les jeunes, leurs parents et les professionnels, inquiets face à l’arrivée dans leur milieu de travail d’une génération qu’ils ont de la difficulté à cerner.

Qui sont-ils? Que veulent-ils? Comment faut-il les aborder, que faut-il comprendre de leurs désirs et de leurs comportements? Génération Y présente deux niveaux de lecture. Le premier dresse le portrait de cette génération montante, caractérisée par une confiance aveugle en ses propres capacités, un besoin vital de réalisation immédiate et de créativité, un grand idéalisme et un sens quasi nul du compromis. Fondamentalement en opposition avec la génération X, les Y ressemblent, selon Carol Allain, à leurs aînés les baby-boomers, la conscience de leurs atouts en plus: "Il n’y a pas de statu quo possible avec eux. Ils ont conscience d’être très peu nombreux et qu’ils détiennent le pouvoir", affirme-t-il.

Enfants de l’Internet et des nouvelles technologies, habitués à communiquer, Carol Allain les décrit dans son livre comme "plus sensibles et plus réceptifs à la diversité culturelle et à la globalisation", et aime à dire qu’ils ont acquis une "grande ouverture sur le monde, mais n’en possèdent pas une connaissance concrète". Capables de comprendre plusieurs langues, bien formés, ils manquent aussi, selon l’auteur, de rigueur. "La faute à des parents trop permissifs", ajoute-t-il. Un manque qui confine, selon lui, à la négligence intellectuelle, comme il le souligne dans son livre: "L’intuition lui suffit, et il se plaît à marauder parmi les avoirs et les idées des autres. Nulle verticalité, nulle succession, nul héritage." À la profondeur les Y privilégieraient l’esthétique, ce que Carol Allain explique en soulignant que "la génération X était issue de l’oreille. Les Y sont issus de l’œil. Ils veulent être vus. Il veulent être beaux".

Pour mieux les décrypter, l’auteur a conçu son livre de manière à répondre à des besoins pratiques. Divisé en trois chapitres, Génération Y s’adresse aux parents, aux entreprises et aux jeunes eux-mêmes. Et Carol Allain n’est pas avare en conseils, en particulier lorsqu’il s’adresse aux employeurs, qui constituent à l’évidence son lectorat cible. Et pour cause: si la souplesse des Y en ce qui a trait au travail peut présenter des avantages, elle déconcerte les employeurs qui sentent qu’ils n’ont plus de prise sur eux: "Loyaux? Pas du tout. Intimidés? Très peu. Ils sont à l’aise devant l’autorité, peut-être même trop", écrit Carol Allain dans son chapitre consacré au monde du travail. Les entreprises devront donc "revoir leurs structures décisionnelles" pour s’adapter à une génération qui "tient ardemment à une structure horizontale où il y a plus de travail en équipe". Une condition sine qua non, selon l’auteur, pour parvenir à garder en son sein des jeunes qui, dit-il, "n’aiment pas plus la permanence que les contraintes".

Habitué à haranguer les foules, Carol Allain met toute sa verve au service d’un propos parfois confus. En choisissant de se baser sur ses observations, l’auteur choisit de ne donner que très peu de place aux données factuelles, et se perd parfois dans ses réflexions, au risque de s’éloigner de son sujet ou de manquer de précision. Si les conseils se veulent précis, on a parfois du mal à cerner le message, en particulier lorsqu’il s’agit de savoir s’il appartient à cette génération de s’adapter à la réalité du monde du travail et aux modèles d’éducation, ou bien au contraire si la société actuelle a le devoir de changer ses structures, au risque de mettre à mal cette rigueur à laquelle, pourtant, l’auteur semble tant attaché. Bien qu’il la présente parfois sous un jour peu favorable, Carol Allain dissimule mal sa tendresse pour cette génération, sur laquelle il porte tous ses espoirs d’une société moins consumériste. Au point de frôler la naïveté. À prendre comme un outil de travail, Génération Y laisse en suspens la question à laquelle il prétend répondre: un nouveau modèle de génération est-il possible?

Génération Y
Carol Allain
Les Éditions Logiques