Voux pour l'année 2006 : Et si…
Société

Voux pour l’année 2006 : Et si…

COURAGE ET LUCIDITÉ

Stanley Péan, écrivain, porte-parole du Mouvement pour les arts et les lettres (MAL)

Ainsi 2005 a pris fin, enfin. Tâchons de n’en garder que les bons souvenirs… et espérons que le Nouvel An saura nous réserver des moments plus agréables.

Dans le domaine culturel, remarquez, nous avons de quoi nous réjouir: en octobre dernier, les États membres de l’UNESCO ont voté pour l’adoption du projet de Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, en dépit de l’opposition féroce des États-Unis. Nous avons d’autant plus raison de nous réjouir qu’au rang des opposants à l’hégémonie sans cesse grandissante de l’industrie américaine de l’entertainment, il y avait le Canada et le Québec.

Dans un élan de générosité pré-électorale, l’actuelle administration fédérale a fait écho au décret de l’UNESCO en bonifiant le budget de son Conseil des Arts bientôt cinquantenaire, pour porter celui-ci au niveau décent que réclamait d’une seule voix l’ensemble des milieux culturels canadiens. À Québec, malgré d’admirables professions de foi sur l’importance de la culture dans la constitution de l’identité nationale, on cherche à noyer le poisson avec de chimériques projets de partenariats privé-public qui ne conviennent pas dans la plupart des sphères culturelles fragilisées par un financement public inadéquat.

Comprenons-nous bien: la préservation de la diversité culturelle ne se fera pas qu’en élevant des forteresses autour de chaque culture. Elle se fera aussi et surtout en donnant à chaque culture les moyens de prospérer sans complexe et avec vitalité, à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières nationales.

Et en ce début d’année, c’est ce que je nous souhaite: des politiciens plus lucides et courageux… et une culture forte et fière, capable d’intéresser les gens d’ici et d’ailleurs.

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PROSPÉRITÉ ET CASHEWS

Francis pour Malajube inc., rockers

Malajube

"Pour ce qui est de l’an 2006, nous espérons être propulsés au faîte, à la cime, à l’apex de tous les palmarès; sentir le délicat miel du succès planétaire dégouliner le long de nos tempes enflammées; être faits chevaliers d’un quelconque Ordre; comprendre et apprécier dans toute sa quintessence l’Art actuel; marcher sur l’eau et peut-être aussi, s’il nous reste du temps, s’acheter de beaux instruments qui seront "tunables" et qui, surtout, seront les nôtres.

Ceci étant dit, laissons l’humilité de côté pour souhaiter (parce qu’ils le méritent bien) tous nos vœux de bonheur, de prospérité et de cashews à volonté à: Québécoises et Québécois, gais et lesbiennes, straights, Canadiens de Montréal, Karkwa, peuples de bonne volonté, les Loco Locass, chats et poulpes, Pawa Up First, le quêteux de l’avenue du Parc et son chien, amours et ami(e)s, The Hotsprings, André Boisclair, CISM et autres stations de radio sensées, le PA, la fonte des glaciers, Dirty Tricks, Josée di Stasio, Telefauna, Harry Potter, Daniel Boucher, cueilleurs de champignons et de têtes de violon, médias respectueux et intelligents, artistes riches et artistes sans le sou. Voilà, c’est à peu près tout. O.K.-dou."

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BESOIN D’ESPOIR

Thomas Hellman, auteur-compositeur-interprète

Thomas Hellman Photo: Victor Diaz

1er janvier 2006, 7 heures du matin

"Le jour se lève à peine sur ce premier matin de 2006. La lumière dehors est une sorte de bleu pâle, doux, paisible, froid, silencieux, a funny shade of blue – ça se dit mieux en anglais. J’ai fait un rêve bizarre où je tiens au bout d’une corde un cerf-volant que je cherche à faire passer entre les branches sans feuilles de deux arbres en plein hiver. Les branches sont comme des veines de bois entremêlées dans le ciel, mais je vois un espace où le cerf-volant peut passer. Les yeux fixés sur le ciel, j’attends le bon coup de vent.

Je me dis qu’en 2006, le monde aura besoin d’espoir. Il faut que les romantiques déçus cessent de s’autodigérer dans le noir, la nostalgie, le défaitisme. Le réel vu avec des lunettes de cynique est vide de beauté, d’amour et de magie. Mais le mystère existe, la vérité échappe aux définitions. La société des hommes a besoin de croire en un objectif existentiel autre que l’augmentation ad infinitum du produit national brut. Ceux qui ont rêvé de pureté doivent reprendre les armes et se battre du côté de l’âme, chercher à faire passer le cerf-volant entre les branches des arbres, viser l’inaccessible étoile.

Dans un autre registre, j’aimerais en 2006 voir John Prine et Bonnie Prince Billy en concert à Montréal, que le prix de l’essence augmente encore plus et que le centre-ville se remplisse de personnes à pied, en bicyclette, en skis de fond ou à cheval. On pourrait construire des petites habitations sur le pont Jacques-Cartier, comme sur le Ponte Vecchio à Florence. Les banlieusards pourraient s’arrêter prendre des cafés sur la route en rentrant chez eux le soir.

En attendant, le jour s’éclaircit de plus en plus. L’année s’annonce belle. Je garde espoir et je retourne me coucher."

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PAS DE CONDESCENDANCE

Michel Poulette, réalisateur d’Histoires de famille.

Michel Poulette

"Tout d’abord, je souhaite plus de conscience écologique. Celle-ci a commencé lors de la Révolution tranquille; aujourd’hui, c’est beaucoup plus présent, mais même si une bonne prise de conscience a été faite, il faudrait passer à des gestes plus concrets.

Au niveau de la réalisation, j’aimerais que le cinéma québécois ait des budgets proportionnels à son succès. On le sait, on est très créatif au Québec, on a donc maintenant trop de projets pour les budgets disponibles et, d’une façon générale, les budgets rapetissent, entre autres à la télé.

Cette année, on espère avoir une loi révisée sur le copyright, ce qui serait un bon coup pour les artistes en général. Très concrètement, j’espère que l’Association des réalisateurs va finir par avoir une convention télé; les réalisateurs négocient depuis 16 ans avec les producteurs…

Je n’ai pas vraiment de souhait par rapport aux élections fédérales, sinon que le gouvernement fédéral ne soit pas condescendant envers les provinces, particulièrement envers le Québec, et surtout, qu’il arrête de se mettre le nez dans des domaines qui ne relèvent pas de sa juridiction. J’aimerais qu’il arrête de lancer de nouveaux programmes avec les surplus pour le fun de dire qu’il installe de nouveaux programmes; qu’il donne donc les surplus aux gens qui manquent d’argent dans plein de domaines, que ce soit dans les affaires sociales ou dans la création.

Enfin, ce serait intéressant s’il y avait une meilleure implantation du numérique, ça viendrait changer le portrait de la diffusion au Québec; par exemple, les films plus difficiles d’accès pourraient être diffusés plus facilement en région."