François Parenteau : Persona non grata
Société

François Parenteau : Persona non grata

François Parenteau, membre émérite des Zapartistes et souverainiste notoire, réplique à son récent congédiement de Radio-Canada avec la parution du livre Délit d’opinion, recueil de ses chroniques des cinq dernières années. Divertissant, et pas qu’un peu militant.

Le livre sort en pleine campagne électorale, hasard du calendrier?

"Il était question de le faire depuis longtemps, puisqu’il s’agit du troisième opus d’une compilation de chroniques qui a démarré avec Réveils mutins I et Réveils mutins II. Ceci étant, mon congédiement de Radio-Canada a contribué à précipiter les événements. Mon objectif est surtout d’exposer l’hypocrisie dont fait preuve la direction de Radio-Canada lorsqu’elle justifie sa décision. Gilles Duceppe a dit que Gagliano avait été le seul homme à avoir eu son job et à l’avoir perdu pour la même raison. Je crois pouvoir dire que je suis le deuxième! Sans tomber dans la paranoïa, ça sent Jean Lapierre et Liza Frulla à plein nez!"

Vous dénoncez l’hypocrisie de la direction de Radio-Canada. Leur position paraît pourtant claire, dans la mesure où plusieurs de vos chroniques évacuent toute forme d’humour pour verser dans le coup de gueule partisan.

"Le moins qu’on puisse dire, c’est que mon mandat n’était pas clair. Mon premier travail pour Radio-Canada a consisté à faire des billets d’humeur pour l’émission Péché mignon. Les premières années, ces billets prenaient beaucoup la forme de coups de gueule. Je ne crois pas avoir trompé qui que ce soit lors de mon passage à l’émission de Joël Le Bigot, on me connaissait déjà très bien, on connaissait mes idées et mon style d’écriture. Il est vrai que certains sujets, comme ce fut le cas à propos du manifeste Pour un Québec lucide, appellent aussi un autre type de contenu que les jokes habituelles, quelque chose qui est plus proche de la réflexion personnelle."

N’y a-t-il pas confusion des genres entre le travail de l’humoriste et celui du journaliste?

"Je n’ai jamais prétendu être journaliste, comme je n’ai jamais prétendu au statut d’éditorialiste. J’avais la responsabilité d’exprimer une opinion en la rendant intéressante. Je croyais avoir été à la hauteur de ce mandat. Certaines de mes chroniques ont d’ailleurs revêtu un style poétique, d’autres étaient plus sérieuses, j’ai fait en sorte de diversifier mes interventions et de ne pas dépasser les limites de l’acceptable. Lorsque Trudeau est mort, j’ai marché sur des œufs, même si je haïssais cet homme. Quant à la question de la pluralité des opinions, j’ai moi-même soumis à la direction de Radio-Canada l’idée de me mettre en rotation avec une autre personne, qui aurait exprimé des idées différentes des miennes. Ils ne l’ont pas fait. Pourquoi? Je ne pouvais pas le faire moi-même, je ne suis pas schizophrène!"

Tel que défini par Le Petit Robert, "délit" qualifie un acte allant contre la morale et contre la société. Vous définir comme marginal, ce n’est pas un peu fort, dans un milieu fortement favorable aux idées de gauche et souverainistes?

"Ça fait référence à la définition contenue dans le site de Wikipédia, sur Internet. Il s’agit plutôt de parler de quelqu’un qui déroge à l’opinion dominante. Contrairement à l’idée répandue, il me paraît clair que la souveraineté est un sujet tabou à Radio-Canada. Dire que le scandale des commandites est intrinsèque au fédéralisme et qu’il va y en avoir d’autres dérangeait beaucoup. D’autre part, je ne crois pas à la théorie voulant que le milieu artistique soit majoritairement souverainiste par conformisme. Si le fédéralisme avait apporté quoi que ce soit qui se tienne, il y aurait tout simplement plus de fédéralistes chez les artistes."

En fait d’humour politique, vous faites plutôt de l’humour militant. Ne peut-on pas faire rire intelligemment sans afficher systématiquement ses couleurs, à l’image de l’humoriste Guy Bedos, que vous citez d’ailleurs?

"L’humour militant est une sous-catégorie de l’humour politique et une façon de créer le débat. Je suis partisan de l’indépendance sans être péquiste, j’aurais presque plus de sympathie pour l’UFP. Mais, quoi qu’il en soit, ce que je critique avant tout, c’est le pouvoir. Je n’aurais aucun problème avec un humour militant de droite. Je suis d’ailleurs fan du duo comique Bowser and Blue, à qui l’on doit, entre autres, le fameux sketch C’est la faute au fédéral, qui se moque de l’argument préféré des péquistes."

Ce faisant, ne pensez-vous pas avoir exclu d’emblée une partie des auditeurs de Radio-Canada?

"S’il est vrai que certains auditeurs se sont plaints auprès de la direction, beaucoup d’autres m’ont soutenu, au même titre d’ailleurs que l’équipe de l’émission et les journalistes de la salle des nouvelles. Tout est une question de dosage. J’ai toujours pensé que les charges les plus pertinentes étaient souvent celles qu’on décochait contre son propre camp. C’est ce que Pierre Bourgault faisait de mieux, lorsqu’il s’en prenait à la souveraineté. Je ne l’ai visiblement pas fait assez, aux yeux de Radio-Canada. Ceci étant, je continue de penser que ce n’est pas un argument suffisant. Au fil de mes chroniques, j’ai souvent défendu Don Cherry. Même s’il dit des énormités et que je suis souvent en désaccord avec lui, il me paraît important qu’on lui laisse la parole."

C’est aussi ce que vous pensez à propos de Jeff Fillion?

"Je me suis demandé sur la fin si l’empêcher de s’exprimer était la bonne chose à faire. Il représente, même si ce n’est pas ma tasse de thé, une colère mal dégrossie mais réelle. Lorsque le CRTC a pris sa décision, nous (Les Zapartistes) avons pensé qu’il pourrait bien nous arriver la même chose. Au Québec, nous avons un peu de difficulté avec la critique. Lorsque Conan O’Brien, dans son émission durant laquelle un chien en caoutchouc qui fume le cigare verse régulièrement dans les clichés racistes, s’en est pris aux Québécois, ça a fait tout un scandale. Hé! C’est un chien qui fume le cigare!"